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dialogues de Platon enfemble, comme une efpèce de Drame compofé en l'honneur de fon maître. Socrate dans chaque fcène prêche la morale; & le dénouement, c'est la ciguë.

Les trois dialogues qui forment ce dénouement, font de véritables éloges fans en avoir le titre, & d'autant plus intéreffans qu'ils font en action. On ne pourra pas juger dans un extrait, du ftile & de l'éloquence de Platon; mais on connoîtra du moins le caractère moral de Socrate, un des plus beaux qu'il y ait jamais eu, depuis que chez les peuples civilifés on parle de vertu en commettant des crimes.

Le premier de ces trois difcours eft Fapologie. Qu'on fe peigne un vieiltard de foixante-dix ans, qui toujours a éré vertueux & jufte, paroiffant dans les tribunaux pour la première fois; intrépide & fimple devant fes juges, comme il l'étoit dans les actions ordinai

res de fa vie; dédaignant l'artifice & les vains fecours de l'éloquence, n'en connoiffant d'autre que la vérité, & jurant de parler fon langage jufqu'au dernier moment; priant fes juges avec l'autorité d'un vieillard & d'un homme de bien, d'examiner fi ce qu'il va leur dire eft jufte ou ne l'eft pas, parce que c'eft là leur fonction, comme la frenne eft de dire la vérité; parlant de fes accufateurs fans colère comme fans dédain ; du refte tranquile fur fon fort, qu'il foit condamné ou qu'il foit abfous, abandonnant à Dieu le fuccès, & fe juftifiant pour obéir à la loi; tel paroît Socrate dans fon début.

Sa réponse aux accufations eft pleine de fimplicité & de force. Il parle comme l'innocence doit parler à la calomnie,& la fageffe à la fuperftition.

Il fait voir enfuite quelle eft l'origine & la fource des bruits répandus contre lui dans Athènes. C'eft qu'il n'a pas refpecté les foibleffcs & les vices des

hommes, & furtout de quelques hommes puiffans voilà fon crime. S'il meurt, ce ne font pas ses accufateurs qui cauferont fa mort. Ils ne font que les inftrumens de la haine. Ses meurtriers feront la calomnie & l'envie.

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C'étoit la coutume que les accufés euffent recours aux prières & aux larmes ils faifoient paroître leurs enfans leurs proches & leurs amis, pour obtenir par la compaffion ce qu'ils n'auroient pas toujours obtenu par la justice. Et moi auffi, dit Socrate, j'ai une famille, j'ai trois fils dont l'un eft forti de l'enfance, & les deux autres ont encore befoin des fecours de leur père. Je n'en ferai cependant paroître aucun pour vous attendrir. Et ce n'est ni par mépris, ni par orgueil: ces fentimens ne peuvent entrer dans le cœur de Socrate. Máis la gloire de fes juges, la fienne, celle de la république lui défendent de donner un tel exemple, à

fon âge furtout, & avec le nom qu'il porte; car, dit-il, que ce nom foit mérité ou ne le foit pas, on eft perfuadé que Socrate eft au-deffus des hommes ordinaires. Un tel abbaiffement ne peut que déshonorer & l'accufé qui fe le permet, & le juge qui le fouffre. D'ailleurs eft-il permis, dit Socrate, de prier fon juge? il faut l'éclairer & non pas le fléchir. Le juge n'eft point affis pour faire grace; il est affis pour prononcer felon la loi. Hommes Athéniens, leur dit-il, n'exigez donc point de moi ce qui n'eft ni honnête, ni conforme à la fainteté & à la justice. Souvenez-vous de vos fermens. ... & prononcez felon ce qui conviendra le plus à votre intérêt & au mien.

Socrate s'arrête... les juges fe lè- ́ vent pour recueillir les voix; & il eft condamné. Il reprend la parole avec le même calme. » Vous m'avez condamné, je vous le pardonne; je

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» m'y attendois, & je fuis même plus étonné qu'il y ait eu tant de fuffrages pour m'abfoudre.... O Athéniens! vous venez de fournir » un fujet éternel à ceux qui voudront » blâmer Athènes. On lui reprochera d'avoir fait mourir Socrate, qui étoit, dira-t-on, un fage: car, pour » avoir droit de vous blâmer, on me » donnera ce nom que je ne mérite » pas. Au lieu que, fi vous aviez en» core attendu quelque temps » mourois fans qu'Athènes fe désho» norât. Regardez mon âge; je ne » tiens prefque plus à la vie; & déja je touchois à ma tombe ».

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Socrate continue; il parle tranquillement à fes juges. Il peint le plaifir qu'il aura de converfer, dans un autre univers, avec les grands hommes de tous les temps, avec ceux qui ont été, comme lui, les victimes d'un jugement injufte; & il fait des vœux pour que fes enfans meurent un jour comme

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