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mofthène a encore des admirateurs, & qu'Ifocrate n'en a plus. Je fens l'un ; il me poursuit, il me preffe; je vais lui répondre. L'autre me parle toujours de loin. J'apperçois fans ceffe deux mille ans, entre lui & moi.

CHAPITRE VIII.

De Platon confidéré comme Panégyrifte de Socrate.

UN E ville Grecque demanda une

ftatue à un artiste célèbre, & lui laissa le choix du fujet. Je ne ferai point un lutteur, dit-il; la Grèce compte affez d'athlètes, & je préfère la vertu à la force. Je ne ferai point un guerrier; ce mérite eft commun; des milliers d'hommes, tous les ans, meurent pour leur patrie. Je ne ferai aucun de vos anciens tyrans; je briferois plutôt leurs images. Je pourrois représenter quelqu'un de vos Dieux; mais vous en avez en foule dans vos temples ; & pour contempler la Divinité, au défaut des ftatues, n'avez-vous pas les cieux? Alors le peuple l'interrompit ; Statuaire , que feras - tu donc? - Cc qu'il y a jamais eu de plus rare fur la

terre, un homme qui meurt pour la vérité; & il fit Socrate mourant. Sans doute Platon, quand il compofa fes dialogues, étoit frappé de la même admiration pour Socrate. Il avoit été. fon difciple & fon ami. Il l'avoit vu traîner dans les fers. Il avoit vu la ciguë broyée par les mains de l'Envie, & le fanatifme prenant d'elle la coupe empoisonnée pour la préfenter à fon maître. Depuis, il avoit été témoin des honneurs extraordinaires rendus à fa mémoire. Il avoit vu les Athéniens, ce peuple léger, cruel & fenfible, qui tour à tour féroce & tendre après l'avoir laiffé périr, le vengeoit. Il avoit pu embraffer dans Athènes la ftatue de Socrate élevée par ordre de l'Etat, & peut-être érigée fur la même place où on l'avoit chargé de chaînes pour le conduire à la mort. Plein de l'admiration générale & de la fienne, il voulut auffi contribuer à la gloire de fon maître, en l'éternifant; & i

confacra prefque tous fes ouvrages à fon éloge.

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On peut dire que Socrate ne put avoir un panégyriste plus célèbre, ni plus digne de lui. On a fouvent attaqué Platon comme philofophe; on l'a toujours admiré comme Ecrivain. En fe fervant de la plus belle langue de l'univers, Platon ajouta encore à sa beauté. Il femble qu'il eût contemplé & vû de près cette beauté éternelle dont il parle fans ceffe, & que par une méditation profonde, il l'eût transportée dans fes écrits. Elle anime fes images; elle préfide à fon harmonie; elle répand la vie & une grace fublime fur les fons qui repréfentent fes idées. Souvent elle donne à fon ftile ce caractère célefte que les artiftes Grecs donnoient à leurs divinités. Comme l'Apollon du Vatican, comme le Jupiter Olympien de Phidias, fon expreffion eft grande & calme; fon élévation paroît tranquille comme celle des cieux.

On diroit qu'il en a le langage. Son stile ne s'élance point, ne s'arrête point; les idées s'enchaînent aux idées; les mots qui compofent les phrafes, les phrases qui composent le difcours, tout s'attire & fe déploye enfemble; tout fe développe avec rapidité & avec mefure, comme une armée bien ordonnée qui n'eft ni tumultueuse, ni lente, & dont tous les foldats fe meuvent d'un pas égal & harmonieux pour s'avancer au même but.

On fait que dans tous les ouvrages de Platon, c'est Socrate qui méne l'homme à la vérité. Socrate en mêmetemps conserve son caractère & fon génie. Partout il garde fa manière de raisonner, fes inductions, fes interrogations, ces espèces de piéges & de longs détours dans lefquels il enveloppoit fes adverfaires, pour les amener malgré eux à une vérité qu'ils combat. toient. On peut donc regarder tous les

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