JOURNAL LITTÉRAIRE ET POLITIQUE.
Catz ARTHUS-BERTRAND, Libraire, rue Haute-
N° 23, acquéreur du fonds de M. Buisson
et de celui de Mme Ve Desaint.
DE L'IMPRIMERIE DE D. COLAS, rue du Vieux
Colombier, N° 26, faubourg Saint-Germain.
UN lièvre avait de l'esprit comme quatre, Et c'est dire beaucoup : l'animal est futé. Demandez aux chasseurs l'exacte vérité : Et quand même à bon droit vous devriez rabattre Les trois quarts de leurs longs discours, Il en résulterait toujours
Qu'un lièvre vétéran, en ruse est très-fertile, Et qu'il faut être infiniment habile
Pour deviner et déjouer ses tours.
Celui dont je vous parle en avait joué mille, Qu'il savait au mieux raconter.
On venait d'une lieue, au moins, pour l'écouter, Car, outre le plaisir qu'on avait à l'entendre
On apprenait encore à se défendre
Des embûches que l'homme à chaque pas dressait. Pour ses frères, pour lui, sans cesse il épiait
Les chasseurs et les chiens de toute la contrée. Mes amis, disait-il, prenez garde à ceci, Il faut demain matin nous éloigner d'ici; Toi renard, ta perte est jurée ;
Lapin, de ton terrier on doit boucher l'entrée. Enfin à tous il donnait des avis. Et l'on était heureux de les avoir suivis. Chacun lui protestait vive reconnaissance : Chacun paraissait souhaiter
Qu'un jour, heureuse circonstance Présentât le moyen de pouvoir s'acquitter.
Ce moment arriva, car malgré sa prudence Dans un piége il se trouva pris;
Une pate y resta. Le malheureux se traîne Et tâche comme il peut de gagner son logis; Quand soudain d'une meute il reconnaît les cris Elle était encor loin, mais sa perte est certaine La trace de son sang le fera découvrir. A ses yeux, d'un lapin le trou vient à s'offrir; Ce dernier lui devait la vie,
Il va donc pour entrer chez son meilleur ami : Arrêtez, dit Jeannot, avez-vous donc envie De me faire égorger, et mes enfans aussi? Si ce n'était que moi, mais hélas je suis père ! Ce devoir est sacré, c'est le premier de tous; Votre malheur me désespère Croyez à mes regrets : adieu, je vais
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pour vous A l'instant, me mettre en prière; Puissez-vous obtenir salut et guérison! Cela dit, cet ingrat lui ferme sa maison. Dans ce moment passait un renard jeune et leste, Notre lièvre l'appelle et lui dit son malheur. Te voilà prévenu de ce piége funeste,
Ajoute-t-il, de plus j'ai des droits sur ton cœur ; Porte-moi sur ton dos dans la forêt prochaine; Les chasseurs aujourd'hui ne battent que la plaine, Et nous serons en sureté tous deux. Je sais ce que je dois à vos soins généreux, Repartit le renard, une autre fois sans doute De moi vous pourrez disposer, Mais je ne puis m'écarter de ma route,
Renardine m'attend et je vais l'épouser ; L'amour sur toute chose exige préférence, Et vous avez trop connu sa puissance
Pour ne pas daigner m'excuser. Accompagnant cela d'une humble révérence, Le perfide s'échappe et vole comme un trait. Un sanglier près de là se vautrait.
Du lièvre il entendit la plainte douloureuse, Et sortant du bourbier une tête fangeuse : Est-ce toi, lui dit-il? — Ah! dit l'infortuné, De vous encor serai-je abandonné ?
Non, mon ami, je suis né trop sensible, Non, je n'ai point comme eux oublié tes bienfaits; Je vole à ton secours mais un moment permets Que je savoure un plaisir indicible.
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L'autre criait en vain : vous le pourrez après. Il se roule, il se plonge au fond de son marais... Cependant les chasseurs ont poursuivi leur proie, Tout-à-coup par les chiens le lièvre est éventé, Ils accourent; Miraut a signalé la voie, La meute lui répond par mille cris de joie, Le sanglier lui-même en est épouvanté : Mes efforts, se dit-il, seraient vains à cette heure: Sauvons-nous, c'est la loi de la nécessité;
Le pauvre ami mérite qu'on le pleure, Et j'accuse le ciel de trop de cruauté.
Romance mise en musique par BOUFFET, de la musique particulière de Sa Majesté l'Empereur et Roi (*).
CHAGRIN flétrit mon cœur Loin de ma douce amie; Le printems de ma vie
Se fane dans sa fleur.
(*) Cette nouvelle production de M. Bouffet se trouve chez Na
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