Images de page
PDF
ePub

CE QUI NOUS RESTE DE GALLUS

OU DU MOINS

DES POÉSIES QUI LUI SONT ATTRIBUÉES.

Cnéus ou Publius Cornélius Gallus, de l'ordre des chevaliers, à qui Virgile a dédié sa dixième églogue :

Extremum hunc, Arethusa....,

et Parthénius de Nicée son ouvrage de amatoriis affectionibus, naquit au Forum Julii, dans l'ancienne Vénétie (aujourd'hui le Frioul), 69 ans avant l'ère chrétienne.

L'an 42, après la bataille de Philippes, il fut adjoint comme triumvir à Asinius Pollion et à Alphénus Varius, pour lever des tributs dans la Gaule transpadane au profit des vétérans de César et d'Auguste.

C'est à lui que Virgile eut recours lorsqu'il se vit dépouillé de son patrimoine. Gallus le présenta à Auguste, et les deux poëtes s'unirent, dès ce moment, de la plus étroite amitié.

Gallus, envoyé par Auguste en Égypte après la bataille d'Actium (2 septembre, an 31), s'empara d'Alexandrie à la tête de quatre légions d'Antoine qu'il était parvenu à rallier, coula à fond une grande partie de la flotte ennemie, et fut nommé, à la mort de Cléopâtre, préfet de cette nouvelle province conquise.

Ses nombreuses malversations amenèrent, dit-on, la révolte de Thèbes, si énergiquement et si impitoyablement réprimée, et à la suite de laquelle il se fit non-seulement élever des statues, comme le duc d'Albe à Anvers, mais voulut encore que ses exploits fussent gravés sur les pyramides.

Auguste se contenta de le rappeler et de lui interdire son palais, ainsi que les provinces qu'il avait enlevées à la juridiction du sénat et dont il s'était réservé le commandement; mais les ennemis du poëte, parmi lesquels il faut citer son collègue Valérius Largus, déférèrent sa conduite au sénat, qui fut unanime pour le condamner à l'exil et à une forte amende. C'est à cette condamnation que faisait allusion Auguste en se plaignant amèrement quod sibi soli non liceret amicis quatenus vellet irasci. Gallus n'y survécut pas et se donna la mort de 26 à 24 ans avant Jésus-Christ.

Il composa :

1o Une traduction en vers des poésies grecques d'Euphorion de Chalcis, où il célébra la forêt de Grynée en Éolide. (VIRGILE, églogue 6, vers 64 et suivants.)

2o Quatre livres d'élégies où il chanta ses amours avec une certaine Cythéris, dont Virgile a si bien peint l'infidélité, sous le nom de Lycoris, dans sa 10e églogue :

Tua cura Lycoris,

Perque nives alium, perque horrida castra1 secuta.

(Vers 22-23.)

Nunc insanus amor duri me Martis in armis

Tela inter media, atque adversos detinet hostes.
Tu procul a patria (nec sit mihi credere) tantum
Alpinas, ah dura, nives, et frigora Rheni,

Me sine sola vides....

(Vers 44-48.)

1 Une loi romaine défendait la présence des femmes dans les camps, mais cette loi était du nombre de celles qui ne semblent faites que pour être violées.

C'est sans doute cette même maîtresse de Gallus que Properce met en scène dans son élégie 10, livre I.

On attribue encore à Gallus, outre plusieurs autres productions qui évidemment ne sont pas de lui: 1o La fable de Scylla, fille de Nisus (élégie, vers 25-28 et 30), changée en alouette, CIRIS, ordinairement imprimée à la suite des œuvres de Virgile. Rien ne prouve qu'elle soit de Gallus. 2o Neuf vers de la 10° églogue de Virgile (46-54):

[ocr errors][ocr errors]

Tu procul a patria (nec sit mihi credere) tantum
Alpinas, ah dura, nives, et frigora Rheni,
Me sine sola vides. Ah te ne frigora lædant!
Ah tibi ne teneras glacies secet aspera plantas !
Ibo, et Chalcidico quæ sunt mihi condita versu
Carmina, pastoris Siculi modulabor avena.
Certum est in silvis, inter spelaa ferarum,
Malle pati, tenerisque meos incidere amores
Arboribus crescent illæ, crescetis, amores.

(Des Alpes et du Rhin, il est donc vrai, cruelle,
Tu braves, et sans moi, la froidure éternelle !
Ah! que puissent du moins l'épargner les frimas;
Que les glaçons tranchants n'offensent point tes pas !
« Firai, sur les pipeaux qu'entendit Syracuse,
J'oserai de Chalcis reproduire la muse :

Dans les antres des bois plongeant mes pas errants,
J'irai seul défier leurs hôtes dévorants.

Racontant mes amours, leurs écorces fidèles

Croîtront.... O mes amours! vous croîtrez avec elles. »)

Voir sur notre poëte et autres personnages romains du même

nom :

PROPERCE, livre I, élégie 5 : Invide, tu tandem.

Id., ibid., élégie 10 : 0 jucunda quies.

Id., ibid., élégie 13: Tu quod sæpe soles.

Id., ibid., élégie 20: Hoc pro continuo te.
Id., ibid., élégie 21: Tu, qui consortem.

Id., livre II, élégie 25, vers 91: Et modo formosa.

Id., livre IV, chant 1, vers 91: Gallus at, in castris...

OVIDE, Amours, livre I, élégie 15, vers 29: Gallus et Hesperiis. Id., ibid., livre III, élégie 9, vers 63 Tu quoque si falsum. Id., Tristes, livre II, vers 445: Nec fuit opprobrio.

Et alibi.

QUINTILIEN, Institution oratoire, livre X, Sicut durior Gallus. SUÉTONE, Vie d'Auguste, chapitre LXVI: Neque enim temere. Saint Jérôme, dans Eusèbe; Dion Cassius, Donat, Servius, Scaliger, Érasme, Juste Lipse, Flavio Bondo, Sanadon, Saumaise, La Monnaye, Bouhier, Cicéron, ad familiares; Strabon, Ammien Marcellin, Heyne, Fontanius, Historia litteraria Aquileia; Völker, Histoire littéraire de la France; Wilh. Adolph Becker, Gallus, etc., etc.

ÉLÉGIE.

Non fuit Arsacidum....

1

Qu'importent Séleucie 1 et les Parthes domptés,
Aux murs capitolins nos drapeaux 2 rapportés,

1 Il y eut au moins quatre villes de ce nom bâties par les rois de Syrie descendants de Séleucus Seleucia Pieria, dans la Séleucide, à l'embouchure de l'Oronte; Seleucia ad Taurum en Pisidie; Seleucia Cilicia ou Trachean, aujourd'hui Selefken, près de l'embouchure du Calycadnus; la quatrième, celle dont parle Gallus, fut la première capitale du royaume de Syrie, sous les Séleucides; elle était située en Babylonie, au nord, sur la rive droite du Tigre, et fut fondée par Séleucus Nicanor, vers l'an 307 avant l'ère vulgaire. Elle passa, en 140, sous les lois des Parthes, avec les provinces de l'est de l'Euphrate, et Antioche devint dès lors la capitale des Séleucides.

Arsace, fondateur de l'empire des Parthes et chef des Arsacides, d'abord simple soldat dans l'armée d'Antiochus Théos, roi de Syrie, se mit à la tête d'une insurrection de plusieurs provinces de la Haute Asie, s'empara de la Parthie et de l'Hyrcanie, après leur révolte contre ce prince; prit le titre de roi, fit d'Hécatompylos sa capitale, et mourut en 255. 2 Les drapeaux conquis sur Crassus et rendus aux Romains à la demande d'Auguste.

Et formidatam Parthis, te principe, Romam;...

HORACE, épître 1, livre II, vers 256.

Lorsque ma Lycoris ', aux longs regrets en proie,
A neuf mois à passer sans que je la revoie,
Et trouve ses ennuis, hélas! encor plus doux
Que l'aspect menaçant d'une mère en courroux,
Car, pour mettre le comble à sa douleur amère,
Il y faut ajouter les rigueurs d'une mère,
D'une mère qu'on doit excuser cependant
Puisqu'enfin, après tout, son vœu le plus ardent
N'est autre que de voir une si belle fille
De nombreux rejetons enrichir sa famille ;
Mais l'impure matrone, aux doucereux discours,
Qui n'a qu'un but, celui de rompre nos amours,
Et cherche, Lycoris, à te rendre infidèle,

De quels mots me servir quand je veux parler d'elle?
Voyez-la colporter les plus riches présents,

A celui qui les fait prodiguer son encens :
De quel air, de quel ton la matoise le loue!...
« Un duvet délicat couvre à peine sa joue;
Il a les cheveux blonds, ondoyants, bien fournis,
Et montre en abrégé tous les dons réunis.

Il chante, et de la lyre 2 au besoin s'accompagne....
Quand, moi, je vais entrer tout à l'heure en campagne.
Faire la guerre.... horreur! » Puis, sans ménagement,
Se supputent les jours de mon éloignement :

<< Si jamais je reviens, ce n'est (la chose est sûre)
Que déjà gris, souffrant d'une horrible blessure....

1 On a cru d'abord que Gallus avait donné ce nom à la comédienne Cythéris, affranchie de Volumnius, laquelle aurait quitté le poëte pour devenir la maîtresse d'Antoine le triumvir; mais l'abbé Souchay, dès 1751, a fort bien démontré le peu de fondement de cette hypothèse, dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, t. 16. Toujours est-il que Lycoris quitta Gallus pour un autre amant.

[blocks in formation]

HORACE, livre I, ode 31, vers 19-20.

Si quis emat citharas, emtas comportet in unum,
Nec studio citharæ nec Musæ deditus ulli;...

HORACE, livre II, satire 3, vers 104-105.

« PrécédentContinuer »