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ACTE PREMIER.

LES ROMAINS.

UNE FORÊT DE LA GERMANIE.

Le César (keisar, keiser) précédé et suivi de prétoriens, entre sur son char traîné par des esclaves; à sa suite, les Germains

femmes

hommes et - les hommes enchaînés; puis les Numides, les archers et

les frondeurs; les légionnaires ferment la marche. Le char du César s'arrête au milieu du théâtre; les prétoriens l'environnent. Les autres Romains se groupent à droite. Les Germains s'accroupissent à gauche dans une attitude de morne abattement.

LES ROMAINS.

Gloire à César, vainqueur des Gaules
Où règnent d'éternels hivers;

Gloire au maître de l'univers,
Nouveau Titan dont les épaules
Soutiennent le poids des deux pôles.
La Victoire conduit son char;
César est dieu; gloire à César!

LES PRÉTORIENS.

Il a soumis les Celtes

Et les Germains aux longs cheveux,
Femmes aux tailles sveltes,
Hommes aux bras nerveux.
Les Belges, les plus braves
Parmi tous les Gaulois,
Les Belges sont esclaves
Et courbés sous ses lois.

LES GERMAINS.

Nos mains sont asservies;
A quoi servent nos vies?

Hélas! hélas ! hélas!

Du poids des jours nous sommes las.
La mort n'a point de lassitude;
O servitude! servitude,

Mort sans repos! hélas! hélas !

LES ROMAINS.

Gloire à César, nouvel Atlas!

LES PRÉTORIENS.

Écoutez la meute importune.
Des captifs au poil roux,
Dont l'impuissant courroux
Gourmande la Fortune.

LES FEMMES.

(Elles quittent leur place et vont s'agenouiller devant le César.)

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LES GERMAINS.

Debout, femmes timides!
Ne voyez-vous donc pas
Que vos regards humides
Ont pour eux des appas?
Votre voix méprisée
Excite leur risée;

Stérile est la rosée

Tombant sur le rocher.
Séchez votre paupière,
Femmes; votre prière
Attendrirait la pierre
Avant de les toucher.
Peut-on fléchir le victimaire?
César n'a rien d'humain.

Une louve a servi de mère

Au vieux peuple romain.
Debout! tant qu'une fibre
Dans la poitrine vibre,
Tant qu'au cœur le sang bout,
Le captif reste libre;
Debout, femmes, debout.

LES PRÉTORIENS.

Entends-tu, César, l'orgueilleuse tourbe Dont l'âpre fierté se change en affront? Devant ta grandeur le monde se courbe; Plus haut que toi-même ils lèvent le front.

LES GERMAINS, s'avançant vers César

Tu nous a pris nos héritages,

Prés et troupeaux, champs et moissons,
Nos fils enlevés comme otages,
Nos femmes et leurs nourrissons.

Mais au gland mort survit le chêne;
Nous avons gardé notre haine,
Notre haine et notre mépris;
Rome ne nous a pas tout pris.

Nos mains, faibles et désarmées,
Peuvent encore, sans framées,
Se lever pour faire un suprême appel
Et demander vengeance au ciel.
Redouble le poids des entraves!
Nos bouches ne sont point esclaves,
Nos voix pour maudire ont toujours des sons,
César, et nous te maudissons.
Etouffe-les! s'il ne nous reste

Bras ni voix, parole ni geste,
Nous te défions après comme avant;
Nous mourrons, César, mais en te bravant.

LES PRÉTORIENS.

Que nous importe de l'esclave
Le vain courroux, volcan sans lave?
A son défi hautain
Rome répond par le dédain.

LES FEMMES.

Odin, sois-nous secourable;

De ton peuple misérable
Prends pitié, puissant Odin.
Dieu des armées,

Tes tribus alarmées
T'adressent un suprême appel;
Protége-les du haut du ciel.

LES GERMAINS.

Nos mains, faibles et désarmées,
Peuvent encore, sans framées,

Se lever pour faire un suprême appel
Et demander vengeance au ciel.

LES ROMAINS.

Les dieux resteront sourds à votre appel.

LES GERMAINS ET LES FEMMES.

O servitude, servitude!

Que devenir? hélas! hélas!

LES ROMAINS.

Silence, vile multitude

De vos clameurs César est las.

LES GERMAINS.

Redoublez le poids des entraves!
Nos bouches ne sont point esclaves;
Nos voix pour maudire ont toujours des sons,
Romains, et nous vous maudissons.

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César le veut, César est le plus fort;

A mort, les rebelles, à mort!

(Ils préparent leurs armes et s'avancent vers les Germains.)

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