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» accorder aux catholiques, et cela, cependant, sans leur > rien refuser, mais tout simplement en ne prenant pas » garde à eux, serait, selon moi, la vraie marche d'un » gouvernement tolérant. »

De son côté, le Courrier des Pays-Bas, sur lequel il exerçait toujours la même influence, publiait, dès le 26 avril, un article intitulé: « Politique intérieure, » où les hésitations du parti libéral sont ainsi clairement révélées :

<< Il est des gens à la vue pénétrante qui vous disent, sans >> la moindre hésitation, que notre gouvernement a toujours >> suivi, depuis la fondation du royaume, la même politique » dans le traitement de nos affaires intérieures. C'est, pré>> tendent quelques-uns, la politique de l'asservissement com» plet de toute la nation à la volonté d'un seul...

>> D'autres, au contraire, affirment avec enthousiasme : » toutes les libertés possibles dans l'état actuel des sociétés » modernes, voilà ce que le gouvernement n'a cessé de vouloir » fonder et affermir chez nous, depuis la fin de la domination >> française...

>> Ces clairvoyants de deux espèces regardent en pitié » ceux qui vont récap tulant consciencieusement tout ce qui » s'est fait dans notre pays depuis 1815; rapprochent les actes » pour les comparer; étudient les positions dans lesquelles se » trouvait le pouvoir quand ils les arrêtait; demandent aux >> hommes d'État qui leur passent sous les yeux quels sont » leurs principes, leurs besoins, leurs passions; puis embar>> rassés, incertains des résultats de leurs recherches, hésitent » à se prononcer, ajournent leur décision, ou concluent, tout » au plus, que le gouvernement n'a eu jusqu'ici, à proprement >> parler, ni volonté arrêtée, ni politique certaine; mais qu'il » s'est toujours ménagé, à tout événement, une voie vers le » monarchisme (dans le sens le plus rapproché de l'étymologie » grecque de ce mot), une voie vers le régime de la liberté >> constitutionnelle... Nous sommes du nombre des indécis, et » le fil nous a toujours échappé, quand nous nous sommes mis » en quête du système général de notre politique dans les treize

>> premières années de notre nouvelle ère... Et, par exemple, » pour ne pas remonter bien haut, nous serions fort gênés de >> devoir dire quel principe est leur guide depuis un an d'ici. »

Il y avait, depuis le commencement de l'année, des raisons plus déterminantes que jamais pour que les libéraux se tinssent en observation. Le gouvernement avait commencé, en février, la série de ces procès de presse qui ne devait plus être interrompue jusqu'à la révolution. M. Ducpétiaux avait eu l'honneur de la première attaque. M. Asser, référendaire au ministère de la justice et secrétaire de la commission chargée de la rédaction du projet de code pénal, s'était trouvé offensé d'une critique dirigée par M. Ducpétiaux contre une brochure que ce fonctionnaire avait publiée en apologie du projet de ce code. M. Ducpétiaux était appelé en justice, en même temps que l'éditeur de sa critique M. Tarlier, et que l'imprimeur M. Weissenbruch. Toutes les questions relatives à la liberté de la presse, qui ont retenti dans nos tribunaux pendant plus de deux ans, et qui ont été tranchées seulement par le décret du Congrès national du 21 juillet 1831, allaient surgir dans ce premier procès.

Les catholiques non plus ne furent pas longtemps à avoir à se plaindre des dispositions du pouvoir. L'abbé De Smet eut à répondre à son tour en justice d'opinions qu'il avait exprimées dans un sermon; et bien qu'à la différence de M. Ducpétiaux, M. De Smet eût été acquitté des poursuites, les intentions du gouvernement, à l'égard de la liberté de la presse et de la parole, dans quelque parti que ce fût, étaient devenues manifestes pour tout le monde.

A en juger par ce qui s'ensuivit, il est raisonnable de conjecturer que dès les premiers jours de 1828, les divers cabinets de l'Europe, y compris celui de notre roi Guillaume, avaient commencé à s'alarmer des tendances de l'opinion publique, et, soit qu'ils se fussent concertés à cet effet, soit qu'ils eussent agi d'instinct, chacun de son

côté, ils avaient résolu des mesures contre la libre expression de cette opinion publique. On doit se rappeler ici qu'on était au lendemain de la bataille de Navarin et de la chute du ministère Villèle à Paris. En Angleterre, O'Connell, nous l'avons déjà fait remarquer, commençait la fameuse agitation qui l'a immortalisé.

A l'appui de la conjecture, on pourrait citer l'espèce d'appréciation rétrospective des événements de 1828 à 1830, qui se trouve dans l'acte d'accusation du grand procès de MM. De Potter, Tielemans, Bartels, etc., daté du 22 mars 1830. Le procureur général y expose qu'après la chute du gouvernement impérial en France, les provinces belgiques virent se former dans leur sein différents partis qui survécurent à l'érection du royaume des PaysBas. Il rappelle que de ces partis, le plus audacieux, suivant lui, celui qui, dit-il, « se croyait fort du souvenir » de son triomphe en 1789, » avait été réprimé par la juste sévérité des tribunaux. C'était une allusion au procès des rédacteurs de l'Observateur belge et au procès dit des sept avocats, rigueurs qui avaient signalé les premières années du règne du roi Guillaume. Si le procureur général omet de faire allusion en même temps aux procès intentés alors aussi au parti catholique, et notamment au procès de M. de Broglie, évêque de Gand, qui, condamné au carcan par contumace, fut exécuté en effigie sur le grand marché de sa ville épiscopale, c'est qu'au commencement de 1830 le roi Guillaume espérait encore se ramener les catholiques.

Le procureur général continue par exposer que les vertus et « la haute sagesse » du prince auquel venaient d'être confiées les destinées du pays avaient ramené tous les partis << au silence et à la soumission. » Depuis plusieurs années, le royaume jouissait d'une tranquillité parfaite. Mais ce calme ne devait pas durer, « parce que le génie des factions veillait encore. » L'année 1828 avait été choisie pour jeter de nouveaux brandons de discorde. Le plan des agitateurs parut, cette fois, plus vaste et plus

décidé. Tout fut mis en œuvre pour désunir d'affection les deux grandes parties du royaume, et inspirer aux habitants des provinces méridionales de la haine et de l'aversion pour le gouvernement du roi. Le peuple en masse fut appelé à entrer « dans les ligues de ce qu'on nommait l'opposition, « les agitateurs se couvrirent du manteau de la religion » pour mieux remuer et entraîner ce qu'ils appelaient les masses.

Évidemment, cet exposé prouve qu'on avait attribué dès 1828 à un réveil de « l'esprit révolutionnaire » la nouvelle allure des partis que nous avons esquissée plus haut. On a su depuis que le roi Charles X en France avait, à la même époque, après la chute de son ministère Villèle, arrêté déjà dans son esprit les mesures que couronnèrent les célèbres ordonnances de juillet 1830. Si l'on rapproche de tout cela les mesures contemporaines des divers gouvernements de l'Allemagne, il est trèsadmissible que l'attitude du gouvernement de Guillaume Ier, à partir de 1828, venait d'un système arrêté de combattre << de nouveaux révolutionnaires » qu'on avait cru deviner, surtout dans le parti libéral. Mais, comme en ce sens, il était impossible de ne pas revenir, dans les Pays-Bas, comme en France, sur les concessions faites en 1815 à l'esprit de liberté, c'était à restreindre ces concessions que les gouvernements allaient viser dans les deux pays. Dès lors, l'agression partait des gouvernements; et cela justifie, autant que la chose est encore nécessaire, tous ceux qui prirent part chez nous à l'opposition partant de 1828, et De Potter tout le premier.

C'est de juin 1828 que date proprement l'ensemble du système conçu d'abord par l'opposition libérale pour combattre un gouvernement reconnu comme décidément réactionnaire. Tous ceux qui s'entendirent alors pour tenir tête aux mesures ministérielles n'avaient certes aucune intention de sortir des voies légales et constitutionnelles, qui suffisaient amplement d'ailleurs à leur objet : celui d'arrêter la réaction. Il n'est pas certain cependant qu'au

dehors, des partis étrangers qui ont toujours plus ou moins mis la main à nos affaires, quand l'occasion se montrait favorable à leurs desseins particuliers sur la Belgique, n'eussent déjà conçu sur nous des plans autres que ceux des chefs avoués de l'opposition belge de l'époque. De Potter, pour sa part, en manifestait quelquefois l'idée. Elle se reproduit dans le passage suivant d'une de ses lettres à M. Tielemans, datée du 10 juin 1848:

« Cinquante personnes se sont avisées de célébrer par un » dîner d'apparat le cinquantième anniversaire de la mort de » Voltaire. Les Belges y étaient avec toute leur bonne foi. >> Quelques Français s'y sont moqués des Belges, et cela avec » tant d'aplomb, que, parmi ceux-ci, tels se sont plaints de ce » que les étrangers leur avaient enlevé tout l'honneur de la » fête. Il est vraiment cruel d'être ainsi mystifié : néanmoins » je préfère de beaucoup cette humiliation à la gloire des mys>>tificateurs. »>

Il n'aurait encore tenu qu'au roi Guillaume de tout sauver en arrêtant la réaction; mais, sauf en Angleterre, on n'avait alors nul exemple de gouvernement dynastique qui eût reculé à propos. C'est à peine si l'apprentissage de cette politique prudente a été fait par quelques-uns, sur le continent, après des leçons nombreuses et réitérées, depuis quarante ans jusqu'à nos jours.

Au reste, pour être juste, il nous faut ajouter qu'aux appréhensions du roi Guillaume à l'endroit d'une résurrection de l'esprit révolutionnaire, » avaient pu se joindre celles qui naissaient sans doute aussi chez lui de l'esprit exclusivement français, attribué généralement alors par les Hollandais aux écrivains belges de l'opposition. A ce sujet, nous nous rappelons parfaitement qu'à la réception de citoyens notables que le prince d'Orange, depuis Guillaume II, fit au palais de Bruxelles, le 2 septembre 1850, lors de son retour momentané dans cette capitale, après les débuts de l'insurrection de cette époque,

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