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..... Un hymne de réjouissance pour l'Italie libre et unie, ce berceau des braves! Et puisse sonner aussi un jour l'heure de la Néerlande! >>

Nous l'avons déjà dit, l'œuvre de M. Julius se distingue par de brillantes qualités poétiques et littéraires. L'auteur possède la langue et la versification, et fait preuve d'autant d'habileté à exprimer des sentiments tendres, des pensées délicates et suaves, qu'à faire retentir des accents mâles et belliqueux. Ce qui manque peut-être à ce jeune et vigoureux talent, c'est une égale mesure de chaleur, de ces paroles qui vont au cœur et persuadent des esprits même non convaincus. Si nous ne nous trompons, il réussira mieux à parler à l'esprit qu'au cœur, à agir sur le terrain du raisonnement que sur l'onde du sentiment. Ce dernier domaine appartient toujours en propre à Jean Van Beers. Nous félicitons surtout M. Julius d'avoir constamment vaincu la difficulté qu'il y a à dire des choses très-poétiques dans un langage éminemment simple et à la portée de tous les lecteurs flamands. Bien que les noms hurlent de se trouver ensemble, il y a beaucoup du malheureusement trop populaire jésuite Poirters dans la diction du rationaliste ou matérialiste Julius; et de même qu'à l'auteur du Masker van de wereld, nous lui reprocherons des idées et des locutions par trop triviales, telles que, no 15:

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Quelque défectueuse que doive être une traduction de poésies, dans lesquelles l'expression originale, le rhythme et la rime prennent une si grande place, nous nous hasardons à interpréter ici quelques morceaux de M. Julius :

<< Si Dieu me donnait le pouvoir de réunir dans mes modestes chants et l'éclat et le parfum enivrant des plus jolies fleurs, et le murmure des eaux, et les accents variés des oiseaux allègres, et la magnificence des étoiles que l'on voit nager comme des dorades dans la mer azurée du ciel, ô triomphe! je placerais au centre, comme sur un autel sacré, un nom qui fait tressaillir et se dilater mon cœur, le saint nom d'elle; et les étoiles, les oiseaux, les ruisseaux et les fleurs, et tout ce qui

rayonne, ou chante ou exhale des parfums, célébrerait elle, la célébrerait dans mes chants. »

<< Comme un feu qui brille dans de légers brouillards, ainsi scintille, dans la pénombre, son œil sous la paupière, des yeux hagards et brûlants, flottant sur un fleuve de douceur et de pitié, moitié onde, moitié brasier. O mélange enchanteur de tendresse et de passion! ô interprètes de l'âme de cet ange, m'apportez-vous du soulagement ou du poison? »>— «La rose se dresse magnifique au milieu des parcs de fleurs; plus magnifique brille ma belle parmi les chœurs des jeunes filles. Ce n'est pas un lis blanc qui solitaire, triste et caché, gémit rêveur et silencieux au bord de l'eau plaintive; la fierté brille sur son front, ses yeux étincellent de hardiesse, ses paroles exhalent la joie, la vie lui bondit au cœur. Ses joues fleurissent de fraîcheur, ses lèvres distillent la volupté, la liberté flamboie dans ses regards, la vie folâtre dans sa tête. » — « Sa porte entre-baillée, la nuit, appelle le bien-aimé, sa bouche entreouverte appelle le baiser de l'amour. Quelle est la bouche qui le lui imprimera? Une voix me crie: espère! » — « Qui ne connaît les amours de Héro et Léandre? Une mer vaste et profonde les séparait. L'amant s'y lança et périt dans les eaux. Entre elle et moi il y a un océan d'usages, ce sont les vagues; de préjugés, ce sont les récifs qu'elles couvrent. Je devrais ménager ces vagues et ces récifs; j'y songe depuis longtemps, longtemps j'y songerai encore; mais je me console d'avance que je n'y périrai pas. >>

Quant aux opinions de M. Julius, nous ne les discuterons pas; qu'il nous suffise d'avoir donné à sa première œuvre littéraire l'attention qu'elle nous a paru mériter. Peut-être a-t-il trop embrassé ou soulevé de questions à la fois; il nous semble que son livre eût gagné en intérêt s'il s'était borné à retracer un côté des souffrances morales qu'endure nécessairement le Flamand dans le milieu que lui ont fait depuis 1830 tant d'ennemis conjurés à sa perte et si puissamment secondés par les séductions sans nombre d'une civilisation étrangère. Dans cet ordre d'idées les sujets abondent, et nos poëtes comme nos romanciers y trouveraient un vaste champ à explorer.

On n'a guère traité le mouvement flamand qu'au point de vue politique et social, et l'on ne semble pas se douter de la perturbation morale que l'injuste domination de la langue française cause encore tous les jours dans des milliers de familles. Nous avons vu de bien près et souvent cette plaie de désorganisation opérer ses ravages, et certes il y a là de quoi

verser des larmes. Faut-il s'étonner après cela si les Flamands restent impassibles et haussent les épaules aux cris de liberté et d'indépendance et de nationalité que l'on fait retentir autour d'eux de tous côtés? Faut-il s'étonner si des hommes de cœur et d'intelligence répondent à la brochure de Boniface par le cri de L'Unité de la Néerlande!

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CH. STALLAERT.

La France devant l'Europe ou la question des frontières. Brochure in-8° de 57 pages. Bruxelles, Fr. Van Meenen et Co.

La Belgique devant l'empire français. Brochure in-18 de 28 pages. Bruxelles, J. Rozez.

Le gouvernement et la nationalité. Complément au programme du libéralisme belge. Brochure in-8° de 54 pages. Bruxelles, Ch. Vande

rauwera.

La Belgique indépendante, par JOSEPH BONIFACE. Brochure in-12 de 52 pages. Bruxelles, A. Lacroix, Van Meenen et Ce.

Les quatre brochures que nous plaçons sous la même rubrique, ont été publiées récemment dans l'ordre où nous les mentionnons, et elles ont été inspirées par la même pensée, par le même sentiment. Rapprochées des articles insérés sur le même sujet dans tous nos journaux, grands et petits, elles prouvent une unanimité d'opinion dont nous avons lieu d'être fiers pour notre patrie.

Si les Français en général savaient un peu mieux ce qui se passe chez leurs voisins les plus proches, ils auraient au moins la prudence de s'abstenir de ces discours saugrenus montrant la libre Belgique toute prête à se jeter dans les bras d'un despóte. Mais comment s'éclaireraient-ils sur l'opinion d'un pays dont une muraille de la Chinc les sépare? Ce ne sont pas nos brochures seulement qui sont prohibées en France, ce sont tous les livres où l'esprit national belge se fait jour avec le plus d'éclat la Revue trimestrielle, on le sait, a l'honneur d'être du nombre.

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Les opuscules dont nous parlons auraient donc le tort de ne prêcher que des convertis... si, par malheur, parmi ces convertis, il n'y en avait d'insouciants, de somnolents, d'apathiques, dont il importe de ranimer la foi, de stimuler l'énergie.

Les luttes entre les patriciens et les plébéiens entretenaient, en temps de paix, la vigueur des anciens Romains, mais on ne peut en dire autant des stériles querelles de nos libéraux et de nos catholiques, et il faut que la Belgique intelligente soit bien robuste pour avoir résisté depuis trente années à ce régime énervant. Espérons que cette fois la peur d'un mal nous conduira à un mieux sensible.

La France devant l'Europe et la question des frontières est un travail savant, fait au point de vue de la philosophie et de l'histoire. L'auteur flétrit le matérialisme en politique, étalé sans vergogne dans les deux pamphlets de M. de Romieu, le Spectre rouge et l'Ère des Césars; il réduit ensuite à leur véritable valeur les outrecuidantes niaiseries de M. le Masson sur les Limites naturelles, et démontre victorieusement que les frontières historiques dans l'ouest de l'Europe n'ont jamais rien eu qui répondît aux prétentions actuelles de certains Français. Dans des considérations finales sur les dangers que court la France, il se demande si ce pays, qui ne fait que parler de nationalité, en a une lui-même. « Non, ajoute-t-il, l'unité gouvernementale de la France, préparée par Louis XI, inaugurée par Richelieu et Louis XIV, achevée par Napoléon 1er, n'est qu'un simulacre, car l'unité de la France ne réside que dans Paris. >>

De sages et judicieuses réflexions sur les fautes ou les maladresses commises par nos gouvernants depuis 1830, signalent tout d'abord aux hommes indépendants, aux amis de la vérité, la brochure intitulée la Belgique devant l'empire français. L'auteur rappelle ensuite, fort à propos, quelques souvenirs, encore vivants dans bien des esprits, de l'époque néfaste où la Belgique était infestée de mouchards et de gabeloux français, écrasée par la conscription impériale, embêtée par une administration besogneuse, froissée constamment par les mépris et la morgue des fonctionnaires étrangers. Il termine en conseillant à notre gouvernement de ne pas s'appuyer, comme feu le roi Guillaume, sur le bâton rompu de ceux qu'il a enrichis.

La brochure le Gouvernement et la Nationalité fait une plus rude guerre encore à la politique intérieure de la Belgique. L'auteur, M. Eugène de Molinari (le nom se trouve à la fin du travail), après avoir constaté l'état de crise de l'Europe et l'état

d'hésitation et de défaillance de certaines populations, examine sans parti pris ce qu'il convient de faire dans notre pays. Il se prononce hardiment pour des réformes radicales dont il dé. montre la nécessité au point de vue économique; ces réformes, qu'il voudrait voir inscrites sur le drapeau du libéralisme à la place des mots vagues dont on s'est bénévolement payé jusqu'à ce jour, sont l'abolition de la conscription et de l'armée permanente, l'application sincère des principes de la Constitution aux classes ouvrières,

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l'abolition de l'impôt sur le sel,

la liberté - l'enseignement obligatoire,

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- la

du commerce et de l'industrie, diminution des charges publiques, la liberté des fonctionnaires, - la décentralisation. Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent de semblables réflexions, émises en ce moment, comme un acte de mauvais citoyen: nous croyons au contraire que l'espérance seule de voir se réaliser ce programme, même partiellement, rattacherait les Belges, de la manière la plus franche et la plus complète, non-seulement à leur nationalité, mais à leur gouvernement actuel.

Joseph Boniface, en glorifiant la Belgique indépendante, se place à un tout autre point de vue. Son but est louable, sans contredit, mais ses moyens sont, à notre avis, d'une maladresse extrême. Soutenir et entreprendre de prouver que tout est au mieux dans notre pays, c'est fermer la porte aux améliorations, ou du moins les déclarer inutiles ou dangereuses. Or, si nous n'existons que par la liberté, nous ne vivons que par le progrès, et c'est le progrès surtout qu'il importe de montrer au peuple, non-seulement comme réalisable un jour, mais comme prochain. Nous convenons avec Joseph Boniface que l'on ne doit pas jeter l'invective à une représentation nationale et à un gouvernement qui peuvent être remplacés par des élections nouvelles; mais s'ensuit-il qu'il faille accepter sans murmures des actes ou des lois en opposition avec l'intérêt public, avec l'esprit de nos institutions? et comment éclairer l'opinion, raffermir la confiance, préparer le remède, si ce n'est par la critique, même acerbe, même violente? Du reste, Joseph Boniface est de bonne foi, il aime sa patrie et il la défend contre les ennemis extérieurs avec la même vigueur, le même esprit qu'il a déployés naguère pour revendiquer l'indépendance morale.

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