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avec l'Église catholique. On peut admettre aussi que c'est

sous l'influence des articles de De Potter et du retentissement obtenu par ces articles dans tout le parti libéral, que l'on dut alors la singulière circulaire confidentielle du ministère de l'intérieur aux gouverneurs provinciaux, sur la manière dont le gouvernement entendait exécuter le concordat. Cette pièce, datée du 5 octobre 1827, qui eut un retentissement inouï lorsqu'elle parut dans les feuilles publiques, sans doute par l'indiscrétion calculée de quelque agent ministériel est encore curieuse à lire aujourd'hui, pour se faire une idée de la duplicité qu'on employait dans un régime dont le principal mérite avait d'ailleurs été jusque-là de tromper alternativement les deux grandes opinions du pays sur la réalité de ses aspirations. Voici un long extrait de la circulaire confidentielle du 5 octobre 1827. Il suffira pour faire apprécier tout le document :

« La convention fixe dans son troisième article le mode de » nomination des évêques. Toutefois l'intervention royale dans >> cette nomination ne se bornera pas à la part que cet article » détermine; il est convenu qu'un bref spécial du Saint-Père » aux chapitres leur enjoindra de demander d'abord à S. M. » quelle est la personne qu'elle désirerait voir passer au siége >> vacant, afin que les chapitres puissent avoir les égards dus » pour les désirs du roi. De cette manière, l'influence du roi sur les » nominations des évêques a paru satisfaisante, et le roi a bien » voulu reconnaître cette concession du Saint-Père, par une >> modification aux principes adoptés pour l'instruction des » jeunes gens qui se destinent au ministère des autels. S. M. » a daigné consentir à ce que la fréquentation du collège phi»losophique d'obligataire qu'elle était jusqu'à présent, avant » les études théologiques, deviendrait simplement faculta>>tive...

>> Dans l'allocution du Saint-Père au consistoire secret du

1 Elle se trouve dans le Courrier des Pays-Bas, numéro du 14 octobre 1827.

» 17 septembre que les journaux ont rapportée, et que vous >> aurez sans doute remarquée, le pape parle de la concession » à l'égard du collége philosophique, mais il ajoute que l'en» seignement des jeunes élèves sera désormais indépendante » entre les mains des évêques. Cette dernière assertion est >> moins exacte et a besoin d'explication. La bulle du 16 des >> calendes de septembre règle l'enseignement dans les sémi»> naires et tend à le placer en effet entièrement et exclusive>> ment dans les mains des évêques; mais cette bulle n'est » admise par S. M. qu'avec les réserves que les lois de l'État >> exigent... Rien donc à cet égard n'est changé à l'ordre de >> choses existant... Je ne crois pas surabondant de vous infor» mer que (jusqu'à la nomination des nouveaux évêques) toutes >> les dispositions existantes relatives à l'enseignement dans » les séminaires et au collége philosophique sont maintenus, >> et que vous aurez à tenir la main à leur exécution de la ma>> nière que vous l'avez fait jusqu'à présent. »

Si nous devons reconnaître que presque tous les écrivains attachés alors à la presse libérale, avaient suivi De Potter dans le tolle qu'il avait prononcé contre le con-, cordat, il faut ajouter que plusieurs furent dégoûtés de cette duplicité ministérielle. En publiant la circulaire, le Courrier des Pays-Bas reproche, sans hésitation, au ministère son manque de franchise et lui dit, en propres termes, qu'il ferait mieux « de jouer cartes sur table. »

Le moment approchait où la clarté allait se faire pour tous les yeux, sur le véritable système des conseillers du roi Guillaume. Mais il fallait encore, avant cela, que les catholiques eussent de nouveau leur tour d'ascension sur la bascule gouvernementale.

Les journaux catholiques, qui dès l'origine avaient accueilli favorablement le concordat, avaient été un peu désarçonnés à la révélation d'intentions que contenait la circulaire confidentielle. On voit dans les journaux libéraux de la fin du mois d'octobre 1827, que ceux-ci triomphent de la déconvenue du Courrier de la Meuse et du Courrier de la Flandre. Mais en même temps, les libé

raux continuent à attaquer les mesures annoncées contre la liberté individuelle et la liberté de la presse dans le projet de code pénal. Sans doute que la réflexion étant de nouveau venue au ministère, il aura voulu revenir sur ses pas. Le bruit courait même alors que M. Van Bommel, futur évêque de Liége, s'entremettait activement entre le gouvernement et les catholiques pour opérer leur rapprochement. Quoi qu'il en fût, à la fin de novembre, le prince de Méan, archevêque de Malines, publiait un mandement des plus élogieux pour le nouveau concordat; et au commencement de décembre, on illuminait dans plusieurs églises de l'archidiocèse, entre autres à Louvain, en l'honneur de ce traité. Des assurances avaient dû être données aux chefs du parti catholique, dans un sens différent des intentions manifestées par la circulaire confidentielle.

Les libéraux, comme on va le voir, devaient pâtir du rapprochement ainsi opéré; toutefois le jeu allait finir par s'user.

Nous voici arrivés au commencement de 1828, et De Potter va préluder bientôt à prendre la conduite de l'opposition des deux partis au gouvernement du roi Guillaume, opposition qui ne finira plus qu'avec la chute de ce gouvernement. Avant d'aller plus loin, récapitulons un peu la situation de la presse, et, jusqu'à un certain point, celle des chambres législatives et du gouvernement, à l'entrée de 1828.

A Bruxelles, le Courrier des Pays-Bas était toujours le principal organe du parti libéral. Les rédacteurs les plus assidus étaient alors MM. Ducpétiaux, Jottrand et Lesbroussart. M. Claes, qui venait de terminer ses études de droit à l'Université de Louvain, s'adjoignit bientôt à eux. Il se faisait distinguer par la vivacité et l'esprit de sa polémique. De Potter avait momentanément cessé sa collaboration au journal. Il s'occupait beaucoup alors de la publication du livre de Ph. Buonarroti intitulé « Conspiration pour l'égalité dite de Babœuf, » publication dont il s'était chargé, un peu pour obliger l'auteur, descendant du

célèbre Michel-Ange, avec lequel il entretenait des rapports d'amitié; un peu par sa nouvelle disposition à aborder les problèmes politiques, dont l'étude allait succéder chez lui à celle des questions religieuses dont il s'était plus exclusivement mêlé jusque-là. Le livre de Ph. Buonarroti est, comme on sait, une justification des doctrines communistes les plus pures. On voit par la correspondance de De Potter avec M. Tielemans qu'il ne goûtait pas trop ces doctrines; mais il jugeait avec raison que la conspiration de Babœuf et le procès auquel elle avait donné lieu, sous le Directoire en l'an IV, méritaient d'être conservés à l'histoire. Tous les documents se rattachant à cet épisode de la grande révolution française, avaient été sauvés et conservés par Ph. Buonarroti, un des conspirateurs. Il venait les publier à Bruxelles en 1828 avec l'aide de De Potter, qui lui prêtait par complaisance son expérience d'auteur pour la mise en ordre des matériaux, la révision des manuscrits et la correction des épreuves. Le livre de Ph. Buonarroti parut à Bruxelles chez Feuillet-Dumus, à la librairie romantique, rue de la Madeleine, en deux volumes in-8°.

Le Belge ami du roi et de la patrie suivait une ligne moins tranchée que le Courrier des Pays-Bas. Le baron de Stassart, alors membre de la seconde chambre des États-Généraux, avait de l'influence sur cette feuille. Il en résultait qu'elle était plus modérée dans ses allures; elle observait d'ailleurs une complète neutralité dans les querelles libérales et catholiques.

La Gazette des Pays-Bas, transformation, à partir de 1827, du Journal de Bruxelles que nous avons déjà cité, servait d'organe semi-officiel au gouvernement. Il avait pour mission de se tenir en bons termes avec le parti libéral, et de l'aider, au besoin, dans ses campagnes contre le parti catholique. De là venait qu'au commencement de 1828 encore, MM. Baron et Vande Weyer, attachés à la rédaction de la Gazette, étaient en parfaite relation d'amitié avec tous les rédacteurs du Courrier des

Pays-Bas. Ils optèrent plus tard, surtout M. Vande Weyer, pour la cause adoptée par ce dernier journal dans la lutte contre le gouvernement.

Il n'y avait pas alors à Bruxelles d'organe de l'opinion catholique proprement dite. Cette opinion avait pour représentant principal dans la presse, le Courrier de la Meuse, fondé en 1820 à Liége, et que rédigeait un des publicistes les plus éminents que la Belgique ait eus jusqu'ici : M. Kersten, ancien professeur au collége d'humanités de Maestricht, qui rédige encore aujourd'hui la revue semestrielle intitulée Journal historique et littéraire de Liége, recueil qui a toujours mérité la confiance des lecteurs impartiaux.

Le Catholique des Pays-Bas qui, à partir de 1827, avait remplacé, à Gand, le Courrier de la Flandre, servait d'auxiliaire au Courrier de la Meuse. Moins prudent et moins circonspect que son chef de file, le Catholique, quoique rallié plus tard, ainsi que M. Kersten, à l'union des catholiques et des libéraux, tomba, en 1830, par MM. Ad. Bartels et de Nève, dans le procès de MM. De Potter et Tielemans, où le Courrier de la Meuse ne fut nullement impliqué. En 1828, le Catholique faisait la guerre la plus acharnée au Courrier et à la Gazette des Pays-Bas.

Une feuille libérale, fondée à Liége en 1824, sous le titre de Mathieu Laensberg, par MM. Joseph Lebeau, Paul Devaux, les deux frères Firmin et Charles Rogier, Félix Vanhulst et Henri Lignac, noms qui, pour la plupart, ont beaucoup augmenté leur célébrité depuis, avait pris, au commencement de 1828, une allure parfaitement résolue dans le même sens que le Courrier des Pays-Bas. C'est du personnel de la rédaction de ces deux feuilles qu'est sorti, comme on peut en juger encore aujourd'hui, une bonne partie de l'équipage officiel du gouvernement belge à compter de la révolution de 1830. Il y avait d'ailleurs déjà, en 1828, des liaisons personnelles entre quelques rédacteurs du Courrier des Pays-Bas et quelques rédac

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