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orthographe uniforme comme vous l'entendez, mais évitez de vous modeler sur le français; évitez de faire disparaître des lettres étymologiques qui chez vous se prononcent encore et qu'il est précieux de conserver. Vous êtes gardiens d'un dépôt sacré; vous l'avez dit vous-mêmes, des malins qu'ont bin l' timps, tot bourrés d' science, volnu dismoli voss' vì patois, po vo fé tortos causer français. — Eh bien! écoutez-moi : Mi dj' vo l' dis, mille noms di dzos! avou l'ratche d'fé allé l' wallon échonn' avou l' français; vos candgi d' nateure, et ignia nin dandgi; allez tot dwet voss' voïe vos n'esto pu d' zéfans, po co tinre li cott' di voss' mémère. C'est l'advisance qu' vos baille oncy d' vos grands amis :

H. BOSCAVEN.

LA

CAVERNE DE CHAUVAUX

ET

L'HOMME FOSSILE.

En allant de Dinant à Namur par la Meuse, on rencontre, à peu près à mi-chemin entre ces deux villes, entre Burnot et Profondeville, mais sur la rive droite du fleuve, une grande maison blanche, couverte d'ardoises, avec perron, et formant deux demeures. Derrière cette maison et au delà dans la direction de Namur, s'élève un haut rocher de calcaire dévonien, dont la face qui est tournée vers la Meuse est presque verticale. Au pied de ce rocher s'étend, jusqu'au bord de l'eau, une colline arrondie dans laquelle existe une ancienne carrière de marbre ou de pierre calcaire, aujourd'hui abandonnée. Le sol de ce monticule, formé des débris des roches avoisinantes et d'un peu de terre, est couvert d'une épaisse végétation de taillis de charme, de noisetier, d'alisier, etc., et de plantes que l'on trouve rarement ailleurs que sur les bords de la Meuse. Quand on gravit cette colline, au-dessus de l'ancienne carrière, jusqu'au sommet, c'est-àdire jusqu'à sa jonction avec le rocher presque vertical qui la surmonte, on a devant soi la petite cavité que l'on a décorée du nom de Caverne de Chauvaux. Ce nom nous paraît bien ambitieux pour un aussi petit trou, et

tout ce que l'on en a raconté est de nature à en faire naître une idée bien trop haute. On peut en juger par les lignes suivantes que nous empruntons à un historien judicieux, qui, cette fois, s'est laissé induire en erreur, M. Moke: « Une tribu tout entière, ensevelie sous la » chute d'une caverne immense qui lui servait d'habita» tion ou d'asile funèbre, a été retrouvée de nos jours » dans la vallée de la Meuse. Ce sont plusieurs centaines » de squelettes dont la haute taille et le front développé >> annoncent des hommes blancs, et que leur nombre » mème semble distinguer des bandes les plus anciennes. » Mais les débris accumulés alentour révèlent encore la » même barbarie et le même dénûment, etc. » (Mœurs, usages, fêtes et solennités des Belges, par Moke, 1re partie.) Nous allons voir combien cette description a peu d'exactitude.

La caverne de Chauvaux a la forme d'une pyramide triangulaire dont l'une des faces, vide, serait formée par la paroi extérieure, presque verticale du rocher; une deuxième face un peu bombée et inclinée de gauche à droite, forme le sol de la caverne, les deux autres parois, inégalement inclinées, s'abaissent vers le fond et s'y réunissent en pointe avec le sol, pour former l'un des sommets de la pyramide. Le tout est si bas qu'un homme de taille moyenne ne peut y pénétrer sans se baisser et qu'il est obligé de s'accroupir et de ramper pour parvenir au fond qui n'est pas à trois mètres de distance de l'ouverture. Le vide total ne forme pas un volume de plus de trois mètres cubes, et ne peut avoir servi d'habitation à des hommes, même de petite taille. Une telle cavité, à laquelle on ne parvient d'ailleurs qu'après une ascension assez pénible, n'a guère dû servir que d'abri temporaire contre la pluie.

On se tromperait gravement cependant, si, jugeant d'après l'exiguïté des dimensions de cette cavité et d'après la nudité actuelle de ses parois, on croyait qu'elle n'a jamais offert rien qui fût digne d'attirer l'attention du

géologue, du paléontologiste et surtout de l'ethnologue. Les parois qui forment en quelque sorte le toit de la caverne et qui vont en s'évasant du fond vers l'entrée, sont unies et n'offrent rien de remarquable, la pierre calcaire qui les constitue n'est couverte d'aucun enduit autre que cette substance blanchâtre, peut-être d'origine végétale ou peut-être due à une altération de la pierre au contact de l'air, qui couvre toutes les roches calcaires des bords de la Meuse. Aujourd'hui la paroi inférieure est également à nu, excepté dans la partie la plus déclive terminée en coin par sa jonction avec l'un des versants du toit. Là, il reste un enduit stalagmitique d'environ 0,25 d'épaisseur, qui naguère encore couvrait tout le sol de la caverne et qui n'a pu être enlevé en cet endroit que parce que l'on ne peut y atteindre avec une pioche.

C'est dans cette couche stalagmitique, aujourd'hui enlevée, que gît tout l'intérêt de la fameuse caverne de Chauvaux. La découverte de celle-ci fut faite en 1837 ou 1859 par M. Dandelin, colonel du génie qui faisait exploiter une carrière de marbre dans les environs. Elle a été visitée par M. le docteur Spring, de Liége, à qui l'on doit les renseignements les plus intéressants et les plus exacts sur les ossements contenus dans le dépôt stalagmitique qui couvrait autrefois le fond de la caverne. (Sur des ossements humains découverts dans une caverne de la province de Namur. — Académie royale de Belgique. — Extr. du tome XX, nos 11 et 12 des Bulletins, par M. A. Spring.)

Le travail de ce savant est ce qui a été publié de plus détaillé et en même temps de plus vrai sur la caverne de Chauvaux; nous renvoyons le lecteur à cet opuscule en nous y référant entièrement, sauf pour un petit nombre de points sur lesquels nous ne pouvons partager l'avis de l'auteur.

Nous avons visité la caverne de Chauvaux pour la première fois en 1855; elle avait déjà été explorée par de nombreux visiteurs, et la couche ossifère avait disparu

en partie; en 1857, il n'en restait plus qu'une petite partie inaccessible à la pioche; mais ce que nous avons vu a suffi pour nous convaincre de l'exactitude de la description donnée par M. Spring.

D'après celui-ci et d'après nos propres observations, la partie la plus déclive du sol de la caverne (qui se trouve à droite de l'observateur) était recouverte d'une couche peu épaisse formée de stalagmite calcaire d'un blanc mat un peu jaunâtre, imprégnant une très-grande quantité de menus fragments d'os encore anguleux, mais broyés sur place de manière à ne plus être reconnaissables qu'à leur porosité et à la texture qui les caractérise.

M. Spring prétend que ce dépôt ne contient pas d'ossements entiers ou reconnaissables; nous y avons cependant trouvé plusieurs dents humaines et une mâchoire à peu près entière, mais aucun os de grande dimension.

Au-dessus de cette première couche en existait une seconde, formée d'une stalagmite blanche un peu poreuse et presque tuffacée, quoique certaines parties fussent plus compactes et surtout très-tenaces. Cette couche était la véritable zone ossifère; nous y avons trouvé pêle-mêle un certain nombre d'os longs, toujours fendus sur la longueur, et ayant les surfaces articulaires brisées, des os courts entiers, des fragments de crâne, d'omoplates et d'os courts de l'espèce humaine, une mâchoire du genre lepus, aucun crâne de grand animal, aucune dent molaire de ruminants, de pachydermes ni de carnassiers. Tous ces os semblent appartenir à des espèces actuellement existantes, des dents humaines s'y trouvent en grand nombre, mêlées à d'autres ossements. Malgré une recherche soigneuse, nous n'y avons trouvé aucun produit de l'industrie humaine; les haches en silex que l'on y a rencontrées devaient être en petit nombre, au plus quatre, dont une brisée.

Ceci se conçoit quand on songe que le silex est trèsrare sur les bords de la Meuse et devait venir d'assez loin; que les silex roulés que l'on rencontre à la surface du sol

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