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ce qui leur valut une ovation populaire. Le parlement fut forcé de céder à l'esprit du siècle; les captifs sortirent de prison le 23 juillet, et la publication des débats ne souffrit plus dès lors la moindre entrave le journalisme triomphait avec la commune de Londres.

La vente des feuilles quotidiennes, parmi lesquelles on distinguait alors le Morning-Herald, le Chronicle, The Post et l'Advertiser s'accrut immensément, et ce résultat encouragea les spéculateurs à tourner leur activité de ce côté. J. Walter, de Printing House square, édita en 1788 un nouveau journal, qui allait bientôt éclipser tous ceux qui l'avaient précédé nous voulons parler du Times. Comparé au premier numéro de l'Intelligencer, publié cent ans auparavant, le premier numéro du Times indique un progrès remarquable. Il est composé de quatre pages, chacune de celles-ci comprenant quatre colonnes d'un texte assez compacte. On le vendait au prix de trois sols et il contenait les nouvelles de l'intérieur et de l'étranger, des essais poétiques, quelques renseignements commerciaux et une soixantaine d'avertissements. On l'imprimait au moyen d'un appareil particulier, auquel on avait donné le nom de presse logographique.

La révolution américaine, en soulevant des questions de principes dont la solution devait exercer une immense influence sur les destinées de l'humanité, contribua encore à augmenter la circulation des journaux anglais. On se fera une idée des progrès rapides de la presse, sous l'influence des commotions politiques qui troublèrent les dernières années du xvine siècle, en examinant le tableau suivant, qui indique leur circulation à différentes époques :

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Ce résultat est d'autant plus remarquable que les journaux étrangers, si l'on en excepte toutefois la Gazette de Leyde, n'offraient aucun intérêt vers la fin du XVIIe siècle, et se bornaient à répéter quelques bruits de cour ou à donner l'analyse des publications nouvelles. Le chancelier de l'Échiquier ayant présenté son budget dans le courant du mois de juin 1789, M. Pitt proposa d'augmenter le revenu public d'une centaine de mille livres sterling, en élevant le prix du timbre des journaux et en établissant de nouveaux droits sur les annonces. Ce projet de loi, vivement combattu par Sheridan, qui avait fait trop bon usage de la presse pour ne pas chercher à la défendre, fut sanctionné par la majorité de l'assemblée. Les publicistes ne purent se résigner à subir leur sort sans se plaindre, et s'attirèrent de fréquentes condamnations durant le règne de Georges III. Le procès de l'un d'entre eux, Thomas Paine, mérite une mention spéciale par l'importance des débats auxquels il donna lieu. Thomas Paine, né à Thetford, dans le comté de Norfolk, était un républicain ardent, et fut même élu membre de la Convention à Paris. Il publia en 1792 un pamphlet portant pour titre Les droits de l'homme, ouvrage qui fut immédiatement saisi, tandis que des poursuites judiciaires étaient entamées contre son auteur, qui se réfugia en France. Sir James Scott, Macdonald, Wood et l'honorable Spencer Percival soutinrent l'accusation, qui était combattue par plusieurs orateurs éminents, parmi lesquels nous citerous particulièrement lord Elskine. On se réunit le 18 décembre, et l'attorney général Macdonald ayant prouvé, devant lord Kenyon, que Thomas Paine était bien l'auteur de l'ouvrage incriminé, Elskine se leva et prit la parole à son tour. Il insista d'abord sur la gravité de la question posée devant le jury, puisqu'il ne s'agissait de rien moins que de déterminer la nature et les bornes de la liberté de la presse. Bien loin de vouloir attaquer l'autorité royale et la constitution anglaise, il ne prétendait défendre son client qu'en invoquant les principes qui

assurent la garantie et la stabilité des institutions existantes, et dont l'influence seule a pu donner naissance à ces dernières.

« La liberté de la presse, ajoute-t-il, est basée sur le >> droit qui appartient à tout homme de publier une >> opinion individuelle, vraie ou fausse, pourvu qu'elle » lui soit dictée par sa conscience et par le désir de se » rendre utile à ses concitoyens. Il doit être permis à » tout sujet anglais d'analyser les éléments constitutifs » du pacte social; d'en faire remarquer les abus ou les » défauts; d'avertir ses compatriotes des conséquences >> auxquelles ceux-ci peuvent donner naissance, et d'en >> rechercher les remèdes. S'il écrit ce qu'il ne pense » pas, et condamne ce qu'il approuve en secret; s'il calomnie les magistrats et cherche à faire prédominer par la force une volonté particulière contre l'impulsion » générale, il devient criminel et coupable, car c'est par >> la raison qu'il faut attaquer l'erreur, et non par la » violence. Je ne prétends pas, continuait lord Elskine, » qu'il soit permis d'exciter des individus à la désobéissance >> aux lois, mais j'affirme que l'écrivain peut discuter la » loi d'une manière philosophique, en s'adressant à la >> nation entière. S'il en était autrement, et si cette » faculté avait été refusée à nos pères, la constitution >> anglaise, dont nous sommes fiers à juste titre, » existerait-elle aujourd'hui? Si cette constitution est si >> parfaite en ce moment que l'attorney général aille jusqu'à accuser de profanation ceux qui prétendent y » toucher, ne doit-on pas cette admirable harmonie à » des réformes successives, suggérées par les travaux >> incessants d'une foule de novateurs? »><

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Après avoir analysé le livre de Thomas Paine, en présentant pour la défense de ce dernier différentes considérations tirées des faits particuliers de la cause, lord Elskine termine sa plaidoirie en ces termes :

<< Lorsque les hommes peuvent se communiquer libre» ment leurs opinions, et se confier leurs souffrances,

» réelles ou imaginaires, les passions qui en résultent >> perdent de leur intensité par la liberté mème qui leur » est laissée. Dans le cas contraire, elles agissent en » silence, acquièrent de l'énergie par la compression » même à laquelle elles sont soumises, et éclatent enfin >> en détruisant tout ce qui s'opposait à leur cours. » Permettez à la pensée de lutter contre la pensée; » opposez l'argument à l'argument, et tout bon gouver-, » nement jouira en paix du fruit de sa sage prévoyance. » L'autorité ne possède qu'un seul moyen réel de s'assurer » du dévouement du peuple et de son affection, c'est de » lui faire sentir qu'elle n'agit que pour le bien public. » La répression exagérée engendre la résistance aveugle, » et prouve que la raison n'est pas du côté de celui qui >> croit devoir y recourir. Un poëte d'autrefois, le sati>> rique Lucien, nous a laissé à ce sujet un plaisant » apologue. Jupiter se promenait un jour avec un paysan, >> et causait familièrement avec lui de maintes et maintes >> choses. Le campagnard, qui l'avait écouté d'abord >> avec une attention toute approbative, se permit enfin » d'émettre un doute. Le dieu se retourna brusquement, se crut insulté et leva sa foudre sur l'imprudent.

» Ah! s'écria celui-ci, j'aurais pu prêter foi à vos >> paroles si vous ne m'aviez menacé, mais votre action » me rend complétement incrédule. Vous ne brandissez » jamais ces éclairs que lorsque vous avez tort! »

L'éloquence de lord Elskine ne put sauver son client, qui s'était compromis non-seulement par ses écrits mais aussi par son scepticisme religieux: Thomas Paine fut condamné par ses juges.

ERNEST VAN BRUYSSEL.

L'AN

SEPT MIL HUIT CENT SOIXANTE

DE

L'ÈRE CHRÉTIENNE.

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En vérité, docteur, tout ce que vous me dites là est bien étrange.

C'est d'une parfaite exactitude.

C'est à confondre la raison humaine.

- Ce qui ne prouverait qu'une chose son peu de solidité.

Ainsi vous croyez...

Je crois le témoignage de mes sens quand je suis sain de corps et d'esprit.

-Et qu'une coïncidence singulière, le hasard, n'a pas... - Je ne crois point au hasard dans les phénomènes de la nature.

Mais alors comment expliquez-vous...

Je n'explique pas... Vous êtes bien toujours les mêmes, vous autres philosophes dont l'incorrigible orgueil est sans cesse prêt à nier les manifestations mystérieuses de l'àme quand votre faible entendement ne peut les classer en catégories, et à repousser tout ce qui ne vous

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