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Quoi qu'il en soit, l'opinion de De Potter était bien certainement contraire à la réunion (on dit aujourd'hui l'annexion) de la Belgique à la France. C'est donc sans aucune défiance de ce côté, que les Belges de la même opinion peuvent consulter les idées que De Potter avait sur le moyen le plus efficace à conserver notre indépendance nationale. Puisqu'il avait, à ce point de vue, pleine confiance au sentiment de tous, et à ce sentiment-là seul, il faut tirer la conséquence que, dans toute crise politique qui viendrait à menacer notre indépendance nationale, c'est l'action de tous qu'il s'agit de bander contre le danger. Si des divisions d'opinions, des divisions d'intérêts, ou même seulement des divisions de préjugés existent sur d'autres points, c'est l'union, comme la définissait et l'organisait De Potter avant 1830, qui ramènera du moins une unité de volonté vers le point où convergent ensemble catholiques et libéraux, grands et petits, Wallons et Flamands.

L'union, on le sait, dans le système de De Potter, ne consistait pas à faire abandonner leurs visées ni leurs prétentions respectives aux partis divisés sur les questions générales de théorie soit en politique, soit en philosophie; ou sur les questions d'intérêts à l'intérieur du pays; ou sur toutes autres questions analogues: seulement il conseillait d'ajourner celles de ces visées ou de ces prétentions qui momentanément n'auraient pas été compatibles avec une action commune vers un autre but qu'il était plus urgent d'atteindre, dans un intérêt reconnu commun aussi. Comme ce philosophe connaissait d'ailleurs assez le cœur humain, pour savoir que dans tous les partis et dans toutes les opinions, il y a toujours une catégorie nombreuse d'individus auxquels le drapeau qu'ils affectent de suivre ne laisse jamais oublier leur égoïsme, il avait imaginé de les faire reconnaître au milieu de la masse, à ce seul signe qu'ils s'abstinssent d'adhérer à l'union. Il leur avait, de son temps, donné une qualification particulière, puis avait appelé sur eux « l'anathème de l'impopularité >> avec toutes ses suites. >>

R. T.

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Dans ce système de De Potter, que faudrait-il faire, si on l'appliquait à nos présentes circonstances, pour unir toute la nation contre tout danger qui menacerait l'indépendance nationale et pour se mettre en garde contre ceux que des arrière-pensées pourraient faire opérer clandestinement en sens inverse? Proclamer l'ancien unionisme d'avant 1830, en le tournant aujourd'hui contre toute menace d'attentat à notre indépendance, comme on l'avait tourné alors contre les attentats du gouvernement du roi Guillaume Ier à la liberté commune des Belges de toutes les catégories. Séparer de la masse militante en ce sens, et tenir d'abord en observation tout homme qui s'abstiendrait, et à plus forte raison tout homme qui regimberait. Réserver à l'égard de ceux-ci, dès que les circonstances deviendraient plus difficiles, toutes les précautions que les lois justifient, en leur laissant encourir, en outre, toutes les suites de l'impopularité compatibles avec l'ordre ordinaire.

Il y a peut-être à prévoir aujourd'hui une difficulté d'exécution qui n'existait pas en 1830. Alors les questions relatives à l'exercice des droits politiques ne séparaient encore nulle part, autour de nous, les classes laborieuses des classes riches et des classes intelligentes. Il en est autrement aujourd'hui. Rallier par l'unionisme la nation officielle tant des catholiques que des libéraux, tant des provinces wallonnes que des provinces flamandes, ce ne serait pas, comme en 1830, une garantie que le peuple proprement dit suivra le drapeau. Ceux qui vou-, draient attenter à notre nationalité ont actuellement des moyens spéciaux d'intéresser les masses à la promesse de modifications politiques qui détourneraient momentanément celles-ci du point de vue de l'indépendance. L'unionisme n'offrirait donc pas aujourd'hui toutes les garanties qu'il a offertes en 1830, à moins qu'on n'y rattachât le programme sinou d'appeler sur-le-champ les masses à l'exercice des droits politiques, du moins de préparer promptement leur admission à cet exercice, de

manière à leur donner la certitude qu'elles l'obtiendront dans un avenir prochain. En attendant leur accès au scrutin électoral, l'usage fréquent et général du droit qu'ont tous les Belges, sans distinction, de s'assembler pour délibérer sur leurs intérêts et manifester leurs opinions, pourrait être employé de manière à attacher le peuple aux questions graves qui s'agitent, et à le détourner de l'idée d'une solution de nos crises futures dans un sens différent de ce que comporte chez nous le véritable intérêt de tous.

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Nous savons que l'intervention populaire dans la discussion des affaires du pays, même aux simples conditions où les Anglais l'admettent depuis longtemps sans danger, et avec un avantage si incontestable pour toute la nation, est encore sujette, en Belgique, à beaucoup d'objections, surtout de la part des classes qui ont le monopole actuel des droits politiques. Il serait déplacé d'entamer ici une longue discussion à ce sujet; nous ne ferons qu'une simple observation les révolutions de 1848 nous paraissent avoir été l'explosion du sentiment que les masses ont de leurs droits vis-à-vis des censitaires qui exercent seuls le gouvernement, et profitent principalement des bénéfices de cet exercice. Partout où ce sentiment a été réprimé, il existe toujours à l'état latent, susceptible d'être exploité par l'habileté politique. Où ce sentiment a persisté et a eu le dessus, il constitue pour les autres pays un exemple permanent de la possibilité de le faire triompher partout; ce qui aide considérablement à l'exploitation dont nous venons de parler. Il faut déjouer d'avance toute exploitation de ce genre en Belgique; il n'y a pas d'autre moyen de prévenir ce qu'on a vu tenter et réussir ailleurs dans des conditions qu'il ne serait peut-être pas difficile de préparer et de faire exister chez nous. A ce point de vue, si le danger devient pressant, qu'importe que le remède soit héroïque?

C'est en invoquant le nom de celui dont le peuple du

moins a gardé la mémoire, en Belgique, que l'on pourrait le mieux rallier le peuple au mouvement des autres classes unies pour sauver l'indépendance nationale menacée. Le nom d'un mort ne peut plus être un épouvantail; il peut devenir un symbole.

L. JOTTRAND.

DE LA RÉFORME

DES

ASILES D'ALIÉNÉS.

Nous aimerions voir l'expérience reproduire intégralement le système belge de traiter la folie.

Quarterly-Review, 1857.

Il existe en ce moment parmi les médecins aliénistes une très-grande différence d'opinion relativement à deux points essentiels de la psychiatrie; ces points consistent à connaître les conditions les plus favorables dans lesquelles il faut placer l'aliéné pour pouvoir le guérir, et à savoir comment, dans l'avenir, la bienfaisance publique pourvoira au traitement des aliénés, s'il faut nécessairement les enfermer tous dans des locaux préparés à grands frais et toujours insuffisants.

Il y a là une question de réforme d'autant plus importante qu'elle exige, à divers points de vue, une rénovation complète de nos idées sur le traitement de la folie. En effet, jusqu'ici, on doit le confesser, nous avons eu la barbarie de punir les aliénés comme des coupables, de les exclure de la société, de les assimiler dans nos lois à des animaux féroces et malfaisants, et, en définitive, de les abandonner à leur sort. Que faire pour amener une

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