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hérité de la malédiction de leurs pères et de leurs mères; et c'est pourquoi ils sont punis.

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Et la sainte Vierge dit : « qui sont ceux qui plongent jusqu'à la poitrine? Ce sont ceux qui ont battu leurs pères ou leurs mères, qui les ont outragés, qui ont forniqué avec eux ('). » Et la Sainte Vierge dit : «qui sont ceux qui plongent dans la flamme du feu jusqu'au cou? » Et l'archange dit : « ce sont ceux qui ont mangé de la chair des hommes. » Et la Vierge dit : « comment un homme peut-il manger la chair d'un homme?» Et l'archange répondit : « ceux qui ont injustement partagé avec leurs frères, qui n'ont point eu pitié d'eux; et les femmes ont mangé de leur chair, et en ont donné à manger aux petits chiens. Et c'est pour cela qu'il sont punis."

Et la sainte Vierge dit : «qui sont ceux qui sont plongés dans le feu jusqu'au sommet de la tête? » Et l'archange dit «ce sont ceux, ô Vierge sainte, qui jurent par la précieuse croix et mentent ensuite à leur

serment."

Tu n'as pas encore vu, ô Vierge pleine de grâce, les grands châtiments. Et l'archange dit : « où veux-tu que nous allions, à l'occident ou au midi?» Aussitôt, le char des chérubins s'approche, et les quatre cents anges enlèvent la Vierge et la conduisent dans un endroit où se trouvaient des lits dressés sur la flamme du feu; et là étaient couchés en grand nombre des hommes et des femmes, et des dragons de feu.

(1) Le texte porte ouvréxvous, M.Brunet de Presle, pensait que σύντεκνος désigne celui avec lequel on a tenu un enfant sur les fonts de baptême, compère, commère. On sait, en effet, qu'il naissait de cette circonstance des liens étroits entre les personnes. Estienne, évêque de Tournay, dit même que « celui qui baptise un enfant (s'il est laïque), contracte une affinité spirituelleavec la mère, qui l'empêche de pouvoir contracter mariage avec elle, on de vivre avec elle comme avec sa femme, s'ils étaient mariés auparavant.» (Ellies Du Pin, Histoire des Controverses ecclésiastiques, XIIe siècle, 2o partie, p. 593.)

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Et quand elle les vit, la sainte Vierge pleura, et elle dit «qui sont ceux-ci et quel est leur péché? » Et l'archange répondit : « ce sont ceux, ô sainte Vierge, qui ne s'éveillent point à l'aurore du saint jour du dimanche, mais restent dans leur lit comme des morts, et c'est pour cela qu'ils sont punis. »

Et la sainte Vierge vit dans un autre endroit un arbre dressé ; il était de fer, il avait des branches et à ces branches étaient suspendus des hommes et des femmes en grande quantité, les uns par le nez, les autres par les ongles, d'autres encore par les doigts.

Et la sainte Vierge y vit une femme suspendue par la langue; autour de son cou était enroulé un dragon, et il lui rongeait la bouche.

Et la sainte Vierge interrogea l'archange: «quelle est cette femme, et quel est son péché? » L'archange lui répondit : « cette femme est Hérodiade, celle qui coupa la tête de Jean le précurseur et le baptiste.

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Quels sont ceux qui sont pendus aux branches de cet arbre, et quel est leur péché?» Et l'archange répondit : « ce sont les parjures, les blasphémateurs, les médisants, ceux qui séparent les frères de leurs frères. »

Et la sainte Vierge vit un homme pendu... (lacune.) Et la sainte Vierge vit dans un autre endroit des escabeaux de feu, et sur ces escabeaux quantité d'hommes et de femmes. Et la sainte Vierge demanda: «qui sont ceux-ci, et quel est leur péché? Et l'archange lui dit : écoute, Vierge sainte, ce sont ceux qui voyant les prètres entrer dans la sainte Eglise et en sortir, ne les saluent point quoiqu'ils soient comme les messagers de Dieu et c'est pour cela qu'ils sont punis. Ici la sainte Vierge dit : « peut-on se purifier, et que faut-il faire?» Et l'archange lui dit : .....

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Là s'achève ce que le manuscrit grec 390 nous a conservé de cette révélation. La fin qui nous manque,

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M. Constantin Tischendorf nous la fait connaître au moyen du manuscrit de la Bibliothèque de Venise 43. Voici ce qu'on y lit : « enfin Marie prie les anges de la conduire en la présence du Père invisible qu'elle veut fléchir par ses larmes. L'archange lui répond que lui et les anges, sept fois par jour et sept fois par nuit, prient Dieu pour les pécheurs sans avoir pu encore désarmer sa colère. Elle s'écrie alors : « jetez-moi en présence du Père invisible. » Une voix répond bientôt à Marie: «je ne puis les prendre en pitié. » La sainte Vierge appelle à son aide Jean le baptiste, les prophètes, les patriarches, les martyrs, les hermites, les justes. Une voix se fait entendre: « pourquoi m'implorez-vous?» Marie répond: "pour les pécheurs. » Alors cette réponse lui est faite : " à cause des larmes de ma mère, à cause de l'invocation de mes saints anges, à cause de l'amour des prophètes, des docteurs et des martyrs, à cause de tous mes saints j'accorde un relâche aux pécheurs (1). » Marie remercie son Fils, les anges unissent leurs actions de grâce aux siennes, et une voix se fait entendre de nouveau: « portez ma mère dans le paradis." Aussitôt le char des chérubins la met dans le paradis. Là elle voit les justes et saint Michel lui fait connaître les vertus de chacun d'eux.

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(*) Ρίψατέ με ἔμπροσθεν τοῦ ἀοράτου πατρός. — οὐκ ἔχω πῶς ἐλεήσω αυτούς. - Τίνος ένεκεν με παρακαλεῖτε; - Διὰ τῆς μητρός μου τὰ δάκρυα καὶ διὰ τὴν παρακάλησιν τῶν ἁγίων μου ἀγγέλων καὶ διὰ τὴν ἀγάπην τῶν προφητῶν καὶ διδασκάλων καὶ μαρτύρων καὶ διὰ πάντας τοὺς ἁγίους μου χαρίζω ἄνεσιν τῶν ȧuapтwλov, etc. Prol. p. XXIX. Dans la Vision de saint Paul, poëme inédit du XIIIe siècle, donné par Ozanam dans son ouvrage intitulé Dante et la philosophie au XIIIe siècle, voici en quoi consiste cette trève accordée aux suppliciés par Jésus-Christ:

Amis, frères, por vostre amor,
Et meismement por ma douçor,
Vostre prière vos otri

Que li chetif aient merci,

Aient merci et suatume (salut)

Toz tens muis par costume,

De la nunne al samedi

Desi ke vienge le lunsdi.

Cette dernière partie, fait observer M. Tischendorf, est très courte; c'est comme un appendice de ce qui précède.

L'éditeur n'a fait qu'extraire quelques lignes des trois manuscrits anglais, vénitien, autrichien, et la langue de ces extraits lui suggère cette réflexion : Dictio jam ad Græcitatem recentiorem deflectit; nec id libru– riis sed ipsi auctori deberi videtur: certe enim totum opus monachum mediæ ætatis prodit. En effet, dans le manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc à Venise της prend partout la place d' αὐτῆς, εἶναι se trouve pour εἶσι, πολλαῖς et ἀναρίθμοιταις (sic) pour πολλαὶ et ἀναρίθμητοι. Rien de semblable dans notre manuscrit 390. La langue sans y être exempte de ces déviations grammaticales que le temps fit subir au grec (ἐπάνω αὐτούς – ὑπὲρ αὐτούς -) n'offre qu'une seule trace de la grécité moderne dans ces deux mots πύρινο ποταμό pour πύρινος ποταμός; encore est-ce plutôt la faute du copiste que de l'auteur. Le manuscrit est attribué par les auteurs du catalogue de notre grande bibliothèque au XVe siècle; le texte qui nous occupe est assurément fort antérieur à cette époque. Je n'hésiterais pas à faire remonter la composition de cette Apocalypse au moins au VIII® ou au IX® siècle ; en tout cas la rédaction que j'ai sous les yeux, sans croire qu'elle soit originale, diffère assez de celles que M. Tischendorf assigne au moyen âge pour qu'elle me paraisse venir de beaucoup plus haut. Il était difficile que des ouvrages de cette nature demeurassent dans une forme rigoureusement la même. L'idée une fois trouvée, chacun s'en servait à son gré selon l'intention présente qui le dirigeait. C'était un cadre commode où l'auteur insinuait les conseils, les reproches, les paroles d'édification que lui inspirait la nécessité du moment. C'est ainsi qu'au moyen âge toutes les nombreuses descentes aux enfers inventées par les moines avaient toujours,

au milieu d'incidents forcément semblables, quelques, traits particuliers qui s'appliquaient d'une manière plus précise. C'est ainsi que Dante qui résume et éclipse toutes ces élucubrations monacales, se servait de cette machine commode pour satisfaire sa colère; c'est ainsi que, de nos jours même, Lamennais dans les Paroles d'un croyant foudroyait le Pape et les Rois.

Il n'est donc pas étonnant que notre texte offre des différences sensibles de rédaction avec les fragments trop courts cités par M. Tischendorf. Je dois me hâter de dire que ces différences sont tout à notre avantage. Il y a plus de correction dans le langage du numéro 390, moins de bizarrerie dans les titres glorieux accordés soit à la sainte Vierge, soit à saint Michel. Le manuscrit de la bibliothèque Bodléienne fait invoquer par la Vierge Marie l'ange Gabriel pour la conduire à travers les séjours de la souffrance, notre version ne tombe pas dans cette erreur. Le moine qui l'a composée savait à merveille que saint Michel avait reçu l'héritage de Mercure Psychagogue; qu'on figurait l'archange avec une baguette comme Mercure Cyllénius; que son office était de recevoir l'âme au sortir du corps des mourants, de la conduire à travers l'espace jusqu'au trône de Dieu. à qui il la présentait. Chez les Grecs modernes, saint Michel est encore le conducteur des âmes et celui qui précipite dans les abîmes les broucolacas dont les spectres hideux assiégent et tourmentent les pécheurs.

Quant à l'intention de l'auteur elle est manifeste. Plein de dévotion pour la sainte Vierge, il emploie sa plume à la glorifier. On sait que c'est à partir du Ve siècle, après le Concile d'Ephèse, tenu en 431, que les chrétiens ont commencé à représenter la Vierge non plus comme un personnage historique, mais comme un type sacré. Cette idée d'une Vierge-Mère, éclose dans l'Orient et proclamée, chose étrange et curieuse, dans une ville où

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