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bert, qui vécut en relations avec eux, ne demeura point étranger à leur langue et à leurs études. Ce ne sont que des suppositions; et l'on ne se sent point disposé à les accueillir quand on les voit précédées de cet autre que voici : « Gerbert était d'Auvergne, il devait donc avoir des tendances pour la langue grecque, car nous voyons dans ce pays, au temps de saint Avit, durer encore la résistance à la langue latine; et partout où le latin ne trouve pas facilement accès, il prouve que le grec jette facilement ses racines (1). C'est s'abuser étrangement que de croire Aurillac, où Gerbert naquit et fut instruit, éclairé encore à cette époque des rayons de la civilisation grecque qui brilla si longtemps dans le Midi de la France.

Gerbert avait vécu en Espagne, on sait qu'il emprunta aux Maures ses connaissances en mathématiques et en médecine. On n'en peut pas conclure qu'il ait su le grec.

Il y avait à Chartres, à la fin du X° siècle, une école où l'on s'occupait particulièrement de médecine, on y suivait les doctrines des médecins grecs. Richer s'y rendit en 991, il y étudia Hippocrate, Gallien et Suranus, médecin d'Ephèse, qui vint à Rome au temps de Trajan. Voici ce qu'il dit de ses études : "Ibi in aphorismis Yppocratis vigilanter studui apud Herbrandum, magnæ liberalitatis atque scientiæ virum. In quibus quum tantum prognostica morborum accepissem, petii etiam lectionem ejus libri qui inscribitur de concordia Yppocratis, Galeni et Surani. Quod et obtinui, cum eum in arte peritissimum, (quanquam

(1) Page 50. Neque etiam est prætereundum, Avernorum nobiles, in quibus sæculo sexto quum Avitus poeta tum Gregorius Turonensis, viri in litteris tunc egregii, nati erant, quum Romani imperatores patriam eorum linguam usque ad Aviti ætatem summa vi defendisse contra latinæ potentiam. Ubi vero vulgarem tuebantur dialectum, ibi Græcam linguam facilius egisse radices jam supra videmus.

erat clericus Carnotensis) dinamidia, farmaceutica, botanica atque cirurgica non laterent (1). » Ces derniers mots qui sont grecs, n'impliquent pas chez Richer ou son maître, pas plus que chez Gerbert, la connaissance de la langue d'Hippocrate. Nous savons par Cassiodore, que ce médecin avait été traduit en latin. C'est dans ces versions que le fondateur du couvent des Viviers, recommande à ses moines la lecture des anciens médecins Post hæc legite Hippocratem atque Galenum latina lingua conversos, id est, therapeutica Galeni ad philosophum Glauconem destinata et anonymum quemdam qui ex diversis auctoribus probatur esse collectus. Deinde Cælii Aurelii de medicina, et Hippocratis de herbis et curis, diversos que alios medendi arte compositos, quos vobis in bibliothecæ nostræ sinibus reconditos, deo auxiliante, dereliqui (2). » Il est probable que c'est dans la traduction latine faite du traité de Démosthène Philalèthe, médecin Alexandrin contemporain de Néron, que Gerbert compila ses trois livres sur la maladie des yeux. Notons pourtant la seule trace d'hellénisme qu'on rencontre chez Gerbert dans cette phrase:

(1) Richeri. Hist. lib. III, c. 59 et 60. Ampère, t. III, p. 313. Cramer, p. 54. (2) Cassiodore, t. II, p. 406. Les rédacteurs de l'Histoire littéraire de la France croient que Gerbert savait le grec, et ils disent en parlant des écoles fondées en Lorraine par Brunon: « C'est apparemment de là que Gerbert, qui passa quelque temps en Germanie, apporta le goût qu'il avait pour le grec. Il savait effectivement cette langue et exhortait les autres à s'y appliquer. Epit. Gerb. 154. Hist. litt. t. VI, p. 57.

Gerbert a composé un écrit auquel il a donné pour titre ce terme grec : Rithmomachia, le combat des nombres ou des chiffres. — T. V. Hist. litt. de la France, p. 581. Ces écrivains reconnaissent que Boèce était l'auteur favori de Gerbert (583). Il en a fait l'éloge dans un épigramme de douze vers héroïques sur le portrait de Boèce.

Entre les lettres de Gerbert, il y en a une, la 153 qui est d'Otton III, son disciple, alors roi de Germanie et depuis empereur. Otton y prie ce cher maître, alors archevêque de Reims, de lui apprendre à fond l'arithmétique et le grec. Ibid. p. 586. — Dans la première partie de son traité du Corps et du Sang du Seigneur, il cite un grand nombre de passages tirés des Pères grecs et latins. Ibid. p. 588. Cette vaste érudition se trouvait rehaussée en la personne de Gerbert, par une connaissance plus que médiocre des belles-lettres et de la langue grecque. Ibid. p. 607.

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« Celsus Cornelius a Græcis únaτixóv vitiatum jecur dicit appellari. Elle se trouve dans les lettres 9° et 15°. Elle confirme nos suppositions, car ce mot grec lui est transmis par un auteur latin, et nous voulons bien rejeter sur l'iotacisme la faute qui lui fait écrire ¿TATIXÒV pour ηπατικόν.

XXV.

L'helléniste le plus original du Xe siècle est sans contredit Luitprand. On ne sait pas bien s'il était italien ou espagnol, il est sûr qu'il était d'origine lombarde. Il sortait d'une famille assez haut placée dans la faveur des princes, et son père avait été chargé d'une ambassade à Constantinople. Il le perdit en 927, et vécut dès lors sous la tutelle d'un beau-père, qui prit soin de son enfance et de son instruction. En 931, il entra à la cour du roi Hugues, et fut fait diacre de l'église de Pavie. Après la chute de Hugues, il passa au service de Bérenger, et fit pour lui un premier voyage à Constantinople de 948 à 950. Il encourut la disgrâce de Bérenger, fut par lui maltraité et puis exilé. Quand Otton eut dépossédé Bérenger, Luitprand trouva faveur auprès de lui, fut fait évêque de Crémone, et partit, en 968, pour Constantinople. Il était chargé de négocier le mariage de Théophanie, fille de l'empereur Phocas avec le fils d'Otton. Il ne réussit pas dans cette mission. Son ambassade dura du 4 juin, jour où il entra dans Constantinople, au 20 octobre, jour où il prit congé de l'empereur. Il a laissé le commencement du récit de son voyage dans le livre VI de l'Antapodosis qui est inachevé, et il en a fait une relation détaillée qu'il a adressée à Otton et à Adélaïde, son épouse, sous le titre d'am

bassade à Constantinople Legatio Constantinopolitana. Le président Cousin a traduit cette relation dans son Histoire de l'Europe Occidentale (1). Pertz, au tome IIl, de ses monuments, a donné une édition complète des œuvres de Luitprand, et a mis plus de soin que ses devanciers dans la publication de l'Antapodosis. On a des raisons de croire que Luitprand partit de nouveau pour Constantinople vers 971; qu'il ne revint pas à Crémone et mourut dans les premiers mois de l'année 972. Les écrits de Luitprand sont extrêmement curieux. La relation, surtout, de son ambassade à Constatinople, est un des monuments les plus précieux de l'époque. Il fait voir à merveille quels sentiments existaient alors entre l'Italie et Constantinople, quelle différence d'opinion, de civilisation et de mœurs les séparait.

Quoique Luitprand eût été parfaitement élevé par son beau-père à qui il se plait à rendre hommage, il ne savait pas le grec. Il fut mis à même de l'apprendre, parce que Bérenger fit l'offre à son beau-père de l'envoyer à Constantinople. «Bérenger fit d'abord valoir, dit Luitprand, que ce me serait un avantage inestimable de savoir la langue grecque. Mon beau-père lui ayant répondu qu'il donnerait volontiers la moitié de son bien pour me la faire apprendre, Bérenger répartit qu'il était aisé de faire en sorte que je l'apprisse à moindres frais, et qu'il ne lui en coûterait pas la centième partie; que l'empereur de Constantinople, souhaitant qu'il lui envoyât un ambassadeur, j'étais plus propre cet emploi-là que nul autre et pour la fermeté de mon esprit, et pour la facilité que j'avais de m'exprimer. Il ajouta que quand je serais parmi les Grecs, j'apprendrais leur langue par manière de divertissement, puisque j'avais si parfaitement appris la latine dans mon basâge.

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(1) T. II.

à

1

L'avantage de cette proposition décida tout de suite le beau-père de Luitprand, et celui-ci quittant Pavie dès les premiers jours du mois d'août, arriva à Constantinople le 18 septembre.

Il n'est pas indifférent de remarquer que le luxe et la magnificence de cette grande ville étonnèrent le Diacre de Pavie. Il loue entre autres ornements un arbre de cuivre doré, sur les branches duquel étaient des oiseaux de même métal qui imitaient par artifice le chant de véritables oiseaux. « Mais ajoute-t-il, il n'y avait rien de si merveilleux que le trône de l'empereur. C'était une machine d'une nouvelle invention, qui par des ressorts secrets s'élevait à une grande hauteur. La chaise de l'empereur était environnée de lions de bois ou de cuivre doré. Quand l'empereur s'y fut assis, je fus conduit à son audience, appuyé sur deux eunuques. A mon approche, les lions jetèrent un effroyable rugissement, et les oiseaux chantèrent chacun selon leur espèce. J'avais été averti. Je m'abaissai trois fois, très profondément, pour saluer l'empereur, et en un moment je le vis élevé au lambris, vêtu d'un nouvel habillement lui que, peu auparavant j'avais vu fort peu élevé audessus du plancher; je ne sus à quoi attribuer ce changement, si je ne l'attribuais à quelque machine telle que sont celles qui servent à lever les arbres des pressoirs."

D'autres sujets d'admiration attendaient l'ambassadeur Italien. Il vit près de l'hippodrome, dans un palais d'une grandeur et d'une beauté merveilleuses, célébrer les fêtes de Noël. Dix-neuf tables y étaient dressées, entourées de convives couchés à la façon des anciens. Chaque table n'était couverte que de vases d'or. « Le dessert, dit-il, fut servi sur trois bassins d'une telle pesanteur, qu'au lieu d'être portés par des hommes, ils étaient traînés sur des chariots couverts

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