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tails qu'il donne sur l'étymologie et la définition de la syllabe, d'après Priscien, il a recours au grec pour se faire entendre: « Syllaba est, dit-il, proprie congregatio aut comprehensio litterarum sub uno accentu et uno spiritu prolata, abusive tamen etiam singularium vocalium sonos nominamus. Syllaba græce, latine conceptio sive complexio dicitur. Nam syllaba dicta est ἀπὸ τοῦ συλλαμβάνειν τὰ γράμματα (4). »

Il cite aussi parfois des vers d'Homère; il est probable, comme le suppose M. Cramer, qu'il n'en parle que par ouï-dire. On peut en juger par cette phrase qui renferme d'ailleurs un mot grec : Cœnon (xovòv) vel micton est in quo poeta ipse loquitur et personæ loquentes introducuntur,ut sunt scripta Ilias et Odyssea Homeriet Æneidos Virgilii et apud nos historia beati Job... » C'est toujours de l'érudition à la manière du moyen âge: d'épaisses ténèbres d'où jaillissent quelques traits de lumière. On s'en convaincra par cette citation tirée de la même page. Il parle des Sibylles, la troisième, dit-il, est née dans le temple d'Apollon Delphique, elle a prédit la guerre de Troie et Homère a inséré dans son poème quelques-uns de ses vers.... La cinquième, nommée Erophyla, naquit dans Babylone, quand les Grecs marchaient contre Ilion, elle leur prédit que Troie devait périr, et qu'Homère écrirait des mensonges. « Tertia Delphica, in templo Delphici Apollinis genita, quæ ante Trojana bella vaticinata est, cujus plurimos versus operi suo Homerus inseruit. - Quinta Erythræa, nomine Erofila, in Babylone orta, quæ Græcis Ilium petentibus vaticinata est, perituram esse Trojam et Homerum mendacia scripturum (2). » S'il parle des philosophes, de Platon, d'Aristote ou de Porphyre, c'est

(1) Rabani Opera. 1, p. 29. Cramer. p. 23.

(3) Opera I, p. 203.

avec la même insuffisance d'érudition. Il n'a pas puisé aux sources helléniques, il a probablement lu Boèce ou Victorinus. On peut douter (1) que le commentaire intitulé: Rabanus super Porphyrium, que Victor Cousin lui attribue, soit réellement son ouvrage. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir eu la clé du grec et d'avoir été à même d'y former des disciples (*).

Il s'occupe de la quantité du mot Bibliotheca, et il règle celle de la pénultième par un exemple de Martial:

Quem mea nec totum bibliotheca capit.

Il dit sur celle de Blasphemus que la pénultième doit être brève, et il cite l'autorité des grecs vivants : "Nam græcus quidam Græcos blasphemos dicere correpta pænultima mihi constanter asseruit, et ipsum Einhardus (Eginhardus) noster adstruxit. » Toutefois le grec l'embarrasse et quand il en rencontre quelques mots dans ses lectures, il a recours à Eginhard luimême : « Abdita in lege et maxime græca nomina, et alio ex Servio item græca, quæ initio vobis direxi, saltem nunc utinam ne gravemini explanare. Valeas clarissime præceptor et pater dulcissime, etc. (3).”

(1) Cramer, p. 24.

(2) Parmi ceux-ci, il faut compter Servat Loup, abbé de Ferrières, vers le milieu du IXe siècle. Dans des vers adressés à un ami, Raban dit ceci, Opera, VI, p. 203:

Sospes in orbe mane, sospes in ore mone.
Odis quas cecinit Flaccus, verbosus Homerus,
Corduba quem genuit, Africa quem tenuit,

(3) Cramer, p. 26. - Thegan ch. XIX, dit de lui ce qu'Eginhard disait de son père, il entendait mieux le grec qu'il ne le parlait.

XXII.

Sous Louis-le-Débonnaire, quoiqu'il sût lui-même le grec, les études savantes subirent un déchet. Les écoles étaient tombées, ou du moins elles demandaient une réforme. En 822 Louis publiait le capitulaire suivant : « Nous désirons réformer soigneusement les écoles, bien que nous les ayons négligées jusqu'ici. » « Scholas autem de quibus hactenus minus studiosi fuimus quam debueramus, omnino studiosissime emendare cupimus... En 824, les évêques réunis en concile, à Paris, rappellent que le devoir de chaque évêque est d'entretenir des écoles, car il importe à l'Eglise d'avoir des défenseurs éclairés. « Inter nos pari consensu decrevimus ut unusquisque episcoporum in scholis habendis et ad utilitatem ecclesiæ militibus Christi preparandis et educandis abhinc majus studium adhiberet (1). :

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En 825, Lothaire premier se plaint que partout, et surtout en Italie, où lui-même avait fondé neuf écoles, la science soit tout-à-fait éteinte de doctrina quæ cunctis locis funditus sit exstincta (2).» En 826, le pape Eugène II fait entendre ces plaintes : « On nous rapporte que les maîtres et le goût de la littérature disparaissent. On doit s'efforcer, dit-il, d'établir des professeurs capables d'enseigner les arts libéraux et le dogme catholique dans tous les évêchés et dans toutes les paroisses." De quibusdam locis ad nos refertur neque curam inveniri pro studio litterarum : idcirco in uni

(1) Baluzii Capit. Ll, coll. 1137 cité par L. Maitre, les Écoles épiscopales et monastiques de l'Occident. Le Mans, 1866.

(2) Pertz, l. I, 1. 249. § 6, Cramer.

versis episcopiis subjectisque plebibus et aliis locis in quibus necessitas occurrerit, omnino cura et diligentia adhibeatur ut magistri et doctores constituantur qui studia litterarum liberaliumque artium dogmata assidue doceant (1).

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Le mal était grand et difficile à guérir. En 829, les évêques réunis à Paris insistent auprès de Louis-leDébonnaire, ils lui demandent qu'à l'imitation de son père, il emploie son autorité à l'établissement d'écoles publiques, au moins dans les trois villes de l'Empire les plus propres à ce dessein. « Obnixe ac suppliciter vestræ celsitudini suggerimus ut, morem paternum sequentes, in tribus congruentissimis imperii vestri locis, scholæ publicæ ex vestra authoritate fiant, ut labor patris vestri ac vester per incuriam, quod absit, labefactando non depereat (*).

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Le Diacre Florus nous fait, en 830, le triste tableau qui suit : « Autrefois les jeunes gens apprenaient partout les divines écritures, et le cœur des enfants s'ouvrait à l'influence des lettres et des arts. Maintenant tout le bien de la paix est détruit par des haines cruelles... qui dira les dévastations des monastères..? les peuples n'ont plus de prélats, les chaires n'ont plus de docteurs:

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Præsulibus plebes viduæ, doctore cathedræ (3). Paschase Radbert, dans la vie de Wala s'écrie: «Heu misera dies quam infelicior nox sequitur (*). « Comment, dit Loup de Ferrières, la voix paisible des Muses peut-elle charmer les esprits, quand l'air retentit du tumulte des armes, et comment les lettres sauraient-elles gagner du crédit quand ceux qui les

(1) Ann. ord. S. Bened. t. 11, p. 505.

(2) Coll. Concil. ed. Venetiis, t. XIV, p. 599.-L. Maître, p. 26.
(3) Carmina de divis. imperii, Ann, ord. S. Bened. t. I, p. 388.
(4) Acta 55. Mabillon, t. V. vita Walæ. L. Maître, 27.

cultivent soulèvent les haines populaires?.. aujourd'hui, on supporte à peine ceux qui cherchent à acquérir quelque connaissance; le vulgaire ignorant a les yeux fixés sur eux comme s'ils étaient placés sur un pinacle; et si, par hasard, ils prêtent le flanc à la critique, leurs fautes ne sont pas imputées à la faiblesse humaine mais à la nature de leurs études. Nunc oneri sunt qui aliquid discere affectant; et, velut in edito loco sitos, studiosos quosque imperiti vulgo aspectantes, si quid in eis culpæ deprehenderint, id, non humano vitio, sed qualitati disciplinarum assignant (1).»

On a lieu de s'étonner que les études qui paraissaient du temps de Charlemagne si florissantes, aient pu, en un si petit nombre d'années, tomber dans un tel abandon. Cette détresse n'est-elle pas de nature à nous faire comprendre que les écoles, sous ce grand prince, avaient plus d'apparence que de solide réalité, et que ses panégyristes, d'ailleurs équitables envers sa mémoire, ont exagéré les effets de son action? En définitive, il n'y avait là comme nous l'avons déjà dit avec Fénelon, qu'un rayon de politesse naissante. Les efforts qui vont suivre les protestations que nous avons enregistrées plus haut, ne réussiront pas davantage. Que peut-on attendre pour des études sérieuses du soin que prend un prélat comme Hincmar afin de relever l'enseignement, lorsqu'il recommande aux doyens de son diocèse de s'inquiéter s'ils ont un clerc capable de tenir une école, de lire l'épître et de chanter (*).

Cependant Charles le Chauve réussit pour un temps à retirer les études sacrées et profanes de la décadence où elles étaient tombées. Son palais s'ouvrit aux savants, et le prince donna plus d'une marque de son

(1) Patrol. Migne, t. CXIX, epist. I, cité par L. Maître. (2) L. Maître, p. 25.

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