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et renvoyer les ministres des princes étrangers fort satisfaits de sa courtoisie.

Le monastère de Saint-Gall fondé l'an 630, nous offre un exemple curieux du goût pour les études grecques dans une femme du plus haut rang. C'est à Ekkehard l'historien de cet illustre couvent que nous en devons la connaissance (1). Hedwige, fille du duc Henri, fut fiancée à l'empereur Constantin. Des Eunuques venus d'Orient lui enseignèrent parfaitement la langue grecque. Hedwige refusa le glorieux mariage qu'on lui offrait et devint l'épouse de Burkart qui bientôt la laissa veuve avec une grande fortune. Elle se consacra tout entière à l'étude et se mit entre les mains d'Ekkehard lui-même qui la dirigea dans ses travaux.

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Une historiette, rapportée par le même écrivain, nous fait savoir qu'elle n'était pas la seule femme à recevoir les leçons d'un moine. Ruodmann, un abbé du voisinage, ayant, avec malice, dit à l'oreille d'Ekkehard qui s'empressait de le quitter: « Fortunate, qui tam pulchram discipulam docere habes grammaticam.» Celuici lui riposta avec la même malice et lui dit : « Tu Sancte Domine, Kotelindam monialem pulchram discipulam caram docuisti dialecticam. » On voit que ces écolières n'attendaient pas pour étudier d'avoir passé l'âge de la jeunesse et de la beauté (3).

Nous ignorons si Kotelinde avait appris le grec sous

(1) IV Casus S. Galli ch. X, Pertz, t. II, p. 122.

(2) Sur le monastère d'Osnabruk et les monastères d'Allemagne : « Ne mireris autem velim, Hermannum abbatem, Græcum testamentum more suo secum portasse. Doctus et religiosus princeps erat et magnæ auctoritatis, Græcæque linguæ probe gnarus, quam in collegio Carolino, quæ Osnabrugi est, didicerat in hujus enim fundatione Carolus Magnus sanxit ut tam græcum quam latinum sermonem docerent et discerent singuli, omnemque adeo clericum eleganter bilinguem esse voluit. " Chronicon Cœnobii Virginum Ottbergensis, apud Fr. Paulini Rerum et Antiquit, Germanicarum Syntagma, etc. typis Baverianis, 1698. in-4°. Jourdain. Recherches sur les traductions d'Aristote, p. 43.

la direction de Ruodmann, mais nous savons qu'Hedwige faisait des prosélytes à cette langue. Témoin ce jeune clerc qui vint auprès d'elle pour la solliciter de l'instruire. Elle s'y prêta de bonne grâce; charmé des progrès de son élève, elle l'encouragea même par une faveur que nous nous attendrions à trouver dans le roman du Petit Jehan de Saintré, plutôt que dans les Annales du moine de Saint-Gall. Voici cette petite aventure aussi intéressante pour l'histoire des mœurs monacales que pour celle de l'hellénisme : « Son maître, un jour, lui présenta un jeune enfant que l'amour du grec, disait-il, avait conduit vers elle. Ce jeune disciple, déjà assez instruit pour improviser en vers, lui fit connaître son désir en ces termes : « Je voudrais être grec, madame, étant à peine latin. "

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«Charmé de sa vivacité, elle l'attira vers elle, lui donna un baiser, le fit asseoir à ses pieds, et lui demanda d'improviser encore quelques vers. L'enfant répondit, tout troublé du baiser qu'il avait reçu : « Je ne puis composer des vers qui soient dignes de vous, tant ce doux baiser m'a troublé. » Sa gravité habituelle ne tint pas devant tant d'enjouement, elle se mit à rire aux éclats. Enfin, elle fit mettre l'enfant devant elle et lui fit apprendre à chanter l'antienne Maria et flumina, qu'elle avait traduite en grec :

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Thalassi, ke potami, eulogiton Kyrion.

Ymnite pigonton Kyrion, alleluia (').

Souvent, dans ses moments de loisir, elle le fit venir devant elle et l'instruisit à improviser en grec; elle le chérit tendrement, et quand il la quitta, il reçut d'elle

(1) Θαλάσσαι καὶ ποταμοὶ εὐλογεῖτε τὸν Κύριον
Ὑμνεῖτε πηγαὶ τὸν Κύριον, alleluia.

en présent, un Horace et quelques autres livres qui sont encore enfermés dans notre armoire (1).

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On remarquera ce cadeau de livres, Hedwige lisait aussi Virgile. Il ne serait pas surprenant qu'elle eût copié de sa main ces auteurs; on sait que les religieuses de différents monastères se sont signalées dans ce travail pieux, par une grande élégance (*).

(1) < Altera die, cum diluculo ut ibi solebant, silentium regulæ, cujus et ipsa exactrix erat sollicita, de more persolvisset-jam monasterium in monte statuere cœperat magistrum lectura adiit, et cum sedisset, ad quid puer ille venerit, ipso astante, inter cætera quæsivit. Propter græcismum, ille ait, Domina mi! ut ab ore vestro aliquid raperet, alias sciolum vobis illum attuli. Puer autem ipse pulcher aspectu, metro cum esset paratissimus, sic intulit:

Esse velim græcus cum sim vix, Domua, latinus.

In quo illa, sicut novarum rerum cupida, adeo est delectata ut ad se tractum osculata scabello pedum proximius (sic) locaret; a quo, ut repentinos sibi adhuc faceret, curiosa exegerat. Puer vero magistros ambos intuitus, quasi talis osculi insuetus, hæc intulit:

Non possum prorsus dignos componere versus;

Nam nimis expavi duce me libante suavi.

Illa vero extra solitam severitatem in cachinnos versa, tandem puerum coram se statuit et eum antiphonam, Maria et flumina, quam ipsa in græcum transtulit, canere docuit ita:

Thalassi, ke potami, eulogiton Kyrion.
Ymnite pigonton Kyrion, alleluia.

Crebroque illum postea, cum vacasset, ad se vocatum repentinis ab eo ver. sibus exactis grecissare docuit, et unice dilexit. Tandem quoque abeuntem Oratio et quibusdam aliis quos hodie armarium nostrum habet, donavit libris. >

(2) Martin Crusius. Ann. Suev. 1. II, p. 25, rapporte ceci à l'année 819: Conventus Aquisgrani exstant passim in bibliothecis cujus generis libri, in membranis: quos Virgines sanctæ scripserunt. Sic in vicini nobis Rotenburgi Carmelitana bibliotheca, hodie sacrorum bibliorum antiquus codex est virginea manu elegantissime scriptus.

Nous relevons, à titre de singularité, que des écrivains allemands et italiens aient cru pouvoir écrire sur la prétendue papesse Jeanne qu'elle avait fait des études à Athènes : Errando una fanciulla, nata ne l'isola d'Anglia, e di quivi partita, vene in Atene, vestita da huomo; e dandosi a gli studi, diventò molto dotta, e di maniera che venuta d'Atene a Roma, in questa citta legendo, disputando, insegnando, acquistò tanta benivolenza, che dopo la morte di Papa Leone, di tal nome quarto, essendo stata la chiesa quindeci giorni senza pastore, fu eletta in luogo suo. (Marcus Guazzus, in chrenico Venetiis 1553 edito) l'aventure s'était, disait-on, passée en 854.

Si nous portons maintenant nos regards sur l'école du Palais et sur celles des couvents qui participent au mouvement imprimé par Charlemagne aux études, nous voyons apparaître des traces manifestes d'hellénisme. Ce n'est pas parce que, dans l'Académie palatine, Angilbert s'appelle Homère, et Richbod, plus tard évêque de Trèves, Macarius, que nous croyons le grec admis au programme de ces écoles, nous en avons d'autres preuves.

Alcuin, le principal agent de Charlemagne dans cette rénovation littéraire, n'est pas non plus le mieux instruit dans cette langue. S'il fallait en juger par l'étymologie qu'il donne au mot epistola, «quæ, dit-il, ab inì et oróka (1) derivat,» il faudrait croire qu'il n'était pas un grand grec. On le voit d'ailleurs dans son école du couvent de Tours beaucoup plus occupé de l'enseignement du latin. Dans la lettre qu'il écrit à Charlemagne il ne s'exprime pas de manière à faire penser qu'il exerçât ses moines à la connaissance de la langue de Platon. Ego Flaccus vester, lui dit-il, alios vetere antiquarum disciplinarum mero inebriare studeo, alios grammaticæ subtilitatis enutrire incipiam ». ". Nous avons remarqué plus haut quel mécontentement il exprima lorsqu'après une absence assez longue de la cour de Charlemagne, il y trouva installés les docteurs hiberniens plus portés à étudier le grec par les traditions de leur école.

Alcuin pourtant était sorti d'une famille AngloSaxonne (735); il avait été élevé à York, dans la plus renomméé des écoles de l'Angleterre. Il n'avait pas pu demeurer étranger à la langue grecque. On sait que cette école, enrichie des dépouilles des bibliothèques

(1) Epist. 143. T. I. p. 205, éd. Frobenii.

romaines (1) rangeait dans ses armoires non seulement les écrits des Pères et des docteurs, mais ceux des philosophes et des poètes païens; on y trouvait Aristote, Cicéron, Pline, Virgile, Stace, Lucain. Les manuscrits grecs n'y manquaient pas; on peut voir dans la pièce d'Alcuin, de Pontificibus Ecclesiæ Eboracensis, le catalogue de cette bibliothèque. Les écrits et les efforts d'Alcuin propagent donc la tradition des anciens. Les auteurs de l'Histoire littéraire de la France (3), nous apprennent qu'à l'école de Tours, dirigée par lui, Sigulfe enseignait les arts libéraux, et Théophile la langue grecque; ils n'hésitent pas à dire d'Alcuin : « C'était un homme habile dans le grec comme dans le latin et versé dans toutes les sciences divines et humaines qu'il avait apprises sous Egbert archevêque d'York en Angleterre.» Ozanam répète le même éloge relativement au grec. Il en croit trouver la justification dans ses divers écrits; mais il remarque surtout une lettre à Angilbert où Alcuin lui conseille de corriger un exemplaire du psautier sur le texte des Septante (3). Nous pensons toutefois avec Ampère, «que dans tous ses ouvrages Alcuin se montre l'homme de la science et de la culture latines. » Il cite Ovide, Horace, Térence, Cicéron, Virgile; il adresse un jour à Adalard, abbé de Corbie, pour se plaindre de son silence, une épître dans laquelle on trouve cette réminiscence assez étrange de la seconde églogue de Virgile:

Invenies alium si te hic fastidit Alexim (^).

(1) Cosi troviamo presso il Mabillon (Ann. Bened. t. I, 1. XVII no 72) che Benedetto, abbate del monastero di Wirmuth in Inghilterra morendo l'anno 689, raccommandò a suoi monaci, che avessero grande cura della copiosissima e sceltissima bibliotheca, che seco avea portata da Roma, talchè i libri ne s'imbrattassero per negligenza, nè si dissipassero. Tiraboschi. Storia della litt. Italiana, t. III, p. 100.

(2) T. IV, 14, 48, 301.

(3) T. II, p. 521.

(4) Amp. t. III, p. 73.

Cave. Hist. Litt. p. I. Sæc, VIII, p. 420 Vir ubique pius, doctus, gravis theologorum suæ ætatis, ut recte de eo Ba

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