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successivement si nombreux, que les papes furent obligés de leur construire de nouveaux monastères. Tels furent les couvents de Saint-Sabas, de SaintAlexis, de Saint-Grégoire, de la Mère-de-Dieu et beaucoup d'autres, où les Grecs pendant des siècles ont conservé leurs usages et leur langue. A l'année 818, Baronius écrit ceci : « Erat enim extorrium haud exiguus numerus monachorum, ut non sufficerent alia quæ in urbe erant Græcorum monasteria (1). »

Dans ces nouvelles demeures, les Grecs restaient fidèles à tous les usages de leur patrie; ils se plaisaient même à en rappeler les souvenirs les plus intimes. C'est ainsi qu'ils appelèrent un couvent du nom de Sainte-Marie en Cosmédin, pour conserver le souvenir et le nom du quartier de Constantinople qu'on désignait par le terme de Kooundíov. C'est ainsi qu'ils apportèrent avec eux l'image de la Sainte-Vierge et le portrait miraculeux du Christ envoyé jadis au roi Abgar. "On voit encore dit Zambelios (2), cette statue, et à ses pieds on lit en grec cette inscription: OcotóXY ἀειπαρθένῳ. »

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Une autre troupe de moines, dit le même écrivain, vint en Italie, à la suite de la seconde persécution des images en 817. A cette époque, le pape Pascal Ier affecta aux fugitifs le monastère de Saint-Praxède, afin que, suivant l'expression d'Anastase, le bibliothécaire, ils chantassent en grec, le jour et la nuit, les louanges de Dieu et des saints : « Diu noctuque Græcæ modulationis psalmodia laudes omnipotenti Deo sanctisque illis ibidem quiescentibus sedulo persolverent. " Ces couvents grecs, avec le temps, se multiplièrent à tel point que vingt abbés grecs reçurent le privilége

(1) An. 818 no 13.

(*) P. 312.

d'entourer le trône papal dans les cérémonies pontificales (').

En 750, le pape Zacharie accueillit à Rome les religieuses du couvent de Sainte-Anastasie, chassées par la persécution. Le couvent du Champ-de-Mars devint leur refuge, c'est là qu'elles déposèrent l'image de la Vierge, peinte, dit-on, par Saint Luc. Avec d'autres reliques elles avaient apporté celle de Saint Grégoire de Nazianze. Ces femmes grecques fondèrent dans ce couvent une école pour les femmes. Tant qu'il en survécut une, leur enseignement se continua avec éclat ; après leur extinction, les écolières italiennes passèrent de cet ordre grec à celui de Saint Benoit, et elles perdirent la mémoire du premier établissement. « Ai dè ἑλληνίδες συνιστῶσιν ἐν τῇ μονῇ ταύτῃ γυναικεῖον παιδευτήριον, ὅπερ διαπρέπει ἐπὶ σεμνότητι καὶ ἱερομαθείᾳ ἐφ ̓ ὅλης ζωῆς των. Μετὰ τὴν ἀποβίωσίν των, ὅμως, αἱ μαθήτριαι ιταλίδες, ἀπὸ τοῦ ἑλληνικοῦ τάγματος μεταβάσαι εἰς τὸ λατινικὸν τοῦ ̔Αγίου Βενε δίκτου, ἀπώλεσαν τὴν ἀνάμνησιν τῆς πρώτης καθιδρύσεως (*).

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Sans dire avec Zambelios (3), que les moines grecs trouvèrent le clergé italien dénué de toute instruction, “ οἱ δὲ πεπαιδευμένοι τῶν μοναχῶν, εὑρόντες τὸν Ἰταλικὸν κλῆρον πάντως ἀνεπιστήμονα καὶ ἀπειρόκαλον (*), » sans croire avec lui que les villes de l'Italie fussent dépourvues de livres ἐλλειπεῖς βιβλίων, on ne saurait nier que ces étrangers ne fussent beaucoup plus instruits que leurs hôtes, et qu'ils n'aient payé en lumières, en écrits, en traduc

(*) Προϊόντος δὲ τοῦ χρόνου τοσοῦτον τὰ Γραικικὰ μοναστήρια πολλαπλασιάζονται ἐπὶ τὴν Ῥωμαϊκὴν ἐπικράτειαν, ὥστε εἴκοσιν Ἕλληνες ἡγούμενοι ὑπολαμβάνουσι τὸ προνόμιον τοῦ περικυκλοῦν τὸν παπικὸν θρόνον ἐν ὥρᾳ Πατριαρχικῆς λειτουργείας. Zambelios, p. 312.

(*) Zambelios. Ibid. p. 313. (3) Ρ. 313.

(4) Zambelios appuie cette assertion sur le fait que voici : Ὁ Mabillon ἀναφέρει μίαν ἐπιστολὴν τοῦ Πάπα Αδριανου Α ́ ἐν ᾗ παραλείπονται οἱ στειχοιω δέστεροι κανόνες τῆς γραμματικῆς καὶ τῆς ὀρθογραφίας. Append. in Rem diplom.

tions, en leçons de toutes sortes, les bons offices qu'ils recevaient du clergé italien. A Rome, à Naples, dans la Calabre, dans la Sicile, ils répandirent autour d'eux la connaissance du grec, ils traduisirent en latin beaucoup d'ouvrages des pères de l'église grecque, et copiè rent quantité de livres de l'antiquité païenne aussi bien que chrétienne. Lorsque Paul Ier envoyait à Pépin tous les livres qu'il avait pu trouver, disait-il, un recueil d'antiennes et de répons, la grammaire (sic) d'Aristote, les livres de Denys l'Aréopagite, une géométrie, un traité d'orthographe, tous les écrivains grecs, ne puisait-il pas dans les trésors des abbayes grecques (1)? Les richesses que Rasponi a cataloguées dans la bibliothèque de Saint-Jean de Latran, ont selon toute probabilité appartenu d'abord à des moines orientaux. On compte parmi leurs disciples avérés deux hellénistes Jean-le-Diacre et Anastase le bibliothécaire. C'est à ces fugitifs que l'on doit l'établissement à Bénévent d'une académie, où, selon le témoignage d'un anonyme de Salerne, on comptait trente-deux philosophes, dont le plus célèbre est Hildéric (2).

Enfin, il faut souscrire aux conclusions de Zambelios que voici : « A partir de cette époque, les sciences sacrées et profanes fleurissent en Italie. Le clergé de ce pays prend l'amour des lettres, les églises retentissent des psalmodies grecques, les écoles sont pleines de disciples; des philosophes platoniciens ou aristoteliciens devancent le temps de l'académie de Florence. Grecs et Italiens travaillant à l'envi à la régénération du pays,

(1) Epist. XIII, Pauli papæ ad Pippinum : « Direximus etiam excellentissimæ Præcellentiæ vestræ et libros quantos reperire potuimus, id est antiphonæ et responsale, insimul artem grammaticam (sic) Aristotelis, Dionysii Areopagitæ libros, geometricam, orthographiam omnes græco eloquio scriptores. Ozanam. La Civilisation chrétienne, etc, t. II, p. 527. (2) Rerum Italicarum. Pars II, t. II, ch. 124. Τριάκοντα δυό φιλόσοφοι συνήκμασαν, ὧν διασημότερος ὁ Ἰλδέριχος. » Zambelios. 313.

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les différences nationales ne s'aperçoivent plus, en bien des cas, dans les biographies. Qui ne connaît pas cette série ininterrompue d'hellénistes et de latinistes qui, commençant à ce moment-ci, va jusqu'au XVe siècle, et rencontre les Bessarion et les Lascaris? Les siéges des archevêchés, les siéges des abbayes occupés en Italie, jusqu'à ce jour, par des hommes étrangers aux lettres, sont maintenant illustrés par des savants d'origine grecque, tels que Philagathos de Plaisance, Nil de Grottaferrata, Chrysolaos de Milan, Barlaam Hierakis, ou encore par des hellénisants, comme Luitprand, de Crémone, Jean de Pise et tous les autres clercs ou laïques que mentionne savamment l'écrivain de la littérature greco-italienne (1). De là, vient l'établissement de ces bibliothèques de Rome, d'Otrante, de Messine, de Patère (la ville a disparu), de Venise, d'où sortiront quand le temps en sera venu, les écrits des auteurs classiques les plus sérieux, pour le développement de l'esprit humain et l'accroissement de son énergie. Les semences de l'hellénisme tombent de nouveau sur une terre féconde et produisent des fruits; une seconde fois, depuis l'époque de Polybe et de Plutarque, la science hellénique, sortie de chez elle, embellit Rome et provoque l'essor de la pensée (3).,

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(1) Giam-Girolamo Gradenigo, Teatino. Prospetto della litteratura grecoitaliana. Zambelios ajoute à cette indication: Bibliov duceÚPETOV, αλλà τηpoúμeνον ἐν τῇ βιβλιοθήκῃ τοῦ ἐν ̓Αθήναις Οθωνείου πανεπιστημείου. Cet ouvrage est à la bibliothèque nationale de Paris.

(3) Zambelios, p. 314 : « Ἀπὸ τῆς ἐποχῆς ταύτης, τὰ ἱερὰ καί ἐγκύκλια μα θήματα ἀναθάλλουσιν ἐν Ιταλία, ὁ ἐγχώριος κλῆρος φιλογραμματεῖ, [αἱ ἐκκλησίαι ἠχολογοῦσιν ἑλληνικὰς ψαλμωδίας, τὰ σχολεῖα γέμουσι μαθητῶν, φιλόσοφοι πλατωνίζοντες, ἢ ἀριστοτελίζοντες προαπαντῶσι τὸν αἰῶνα τῆς Φλωρεντινῆς ̓Ακαδη μίας, Ἑλλήνων τε δὲ καὶ Ἰταλῶν ὁμοθυμαδὸν συναγωνιζομένων εἰς τὴν ἐξευγένισιν τῆς χώρας, αἱ ἐθνικαὶ διακρίσεις πολλάκις ἐν ταῖς βιογραφίαις διαλείπουσι. Τίς δὲν γινώσκει τὴν ἀδιάκοπον σειρὰν τῶν ἑλληνιστῶν καὶ λατινιστῶν ἥτις ἀπὸ τοῦδε ἀρτ χομένη ἥκει μέχρι ΙΕ' ἑκατονταετηρίδος, εἰς ἀπάντησιν τῶν Βησσαριώνων καὶ τῶν Λασκάρεων; Τὰς ἀρχιεπισκοπικὰς, καὶ ἡγουμενικὰς ἕδρας τῆς Ἰταλίας, ἐφ' ὧν

Il est impossible pourtant de n'apporter pas quelque restriction aux affirmations trop faciles de Zambelios, quand on voit les envoyés de Nicolas Ier, Zacharie et Rodoald, chargés de le représenter à Constantinople dans un synode, ignorer la langue grecque, au point de ne rien comprendre à ce qui se faisait dans l'assemblée, et de se montrer trop favorables aux grecs (1). Notons aussi qu'on place ordinairement vers l'an 690 l'éclipse momentanée du grec en Italie (*).

XXI.

Les noms de Paul Diacre et de Jean de Pise nous ramènent à la France. Les savants qui se sont instruits à l'école des grecs vont devenir nos maîtres. Dans cette première renaissance qui commence à Pépin, se développe sous Charlemagne, se maintient sous Charles-le-Chauve, et décline sous ses fils, l'hellénisme a sa part. Il est intéressant d'en suivre les

ἐκάθησαν πρότερον ἄνδρες ἀγράμματοι, σεμνύνουσιν ἐπὶ τοῦ παρόντος σοφοὶ, ἢ ἑλ ληνες τὸ γένος, οἷον ὁ Φιλάγαθος Πλακεντίας, ὁ Νεῖλος Γροτταφερράτας, ὁ Χρυ σόλαος Μεδιολάνων, ὁ Βαρλαάμ Ἱεράκης, ἤ ἑλληνίζοντες, ὡς ὁ Λιουτπράνδος Κρεμώνης, ὁ Πισσαῖος Ἰωάννης, καί οἱ λοιποὶ κληρικοί τε καὶ λαϊκοὶ, τῶν ὁποίων ἐπισταμένως μνημονεύει ὁ συγγραφεὺς τῆς Ἑλληνοϊταλικῆς φιλολογίας. Εντεῦθεν δ ́ ἄρχεται καὶ ἡ σύστασις βιβλιοθηκῶν ἐν Ρώμῃ, ἐν Ὑδροῦντι, ἐν Μεσσήνῃ, Πατήρῃ, Βενετίᾳ, ὅθεν τὰ σπουδαιότερα τῶν κλασσικών συγγραμμάτων ἐξέρχονται εἰς τύπον ἐν καιρῷ τῷ δέοντι, πρὸς ἀνάπτυξιν τοῦ πνεύματος, καὶ ἐπέκτασιν τῆς ἀνθρωπίνου ἐνεργείας. Τὰ σπέρματα τοῦ Ἑλληνισμοῦ πίπτουσιν αὖθις εἰς εὔγονον γῆν, καρποφοροῦσι δευτέραν φοράν, μετὰ τὴν ἐποχὴν τοῦ Πολυβίου καὶ τοῦ Πλουτάρχου, ή Ἑλληνικὴ φιλομάθεια, ἀποδημοῦσα, καθωραΐζει τὴν Ῥώμην, προκαλεῖ τῆς διανοίας τὴν ἀναπτέρωσιν. » σελ. 314.

(1) Cramer. De Græcis medii ævi studiis, pars altera. p. 4. Sundiæ, 1853. (*) Annales Suevici. Mart. Crusius. p. 274.

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