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de Cicéron et de Strabon. Le premier affirme que de son temps, la Grande Grèce était détruite, et Strabon se plaignait amèrement que toutes les cités de la Grande Grèce, à l'exception de Naples, de Regium et de Tarente, se fussent pliées aux usages et par conséquent à la langue de Rome (1).

Dans les temps modernes, sous les règnes d'Alphonse Ier, de Ferdinand Ier d'Aragon et de Charles V, à la suite de Scanderberg, des grecs sont venus s'établir dans la Calabre, mais ils apportaient avec eux un langage où se distinguaient sans peine les défectuosités que le commerce avec les Turcs, les Italiens et les Français, y avait introduites; tandis que la langue de ces colonies n'en offre aucune trace (2).

Si l'on cherche à quelle époque ces colonies sont venues fixer leur séjour en Italie, on est porté à conclure qu'elles n'ont pu le faire par suite de la conquête de Justinien. A cette époque, le droit romain, les institutions, les traditions latines, régnaient encore à Constantinople, et, quoique déjà on voie le grec s'introduire dans la rédaction des Novelles, l'empereur ne pouvait avoir la pensée d'helléniser l'Italie. La population de l'empire d'Orient n'était pas d'ailleurs tellement exubérante qu'elle pût envoyer en Italie de nombreuses colonies.

Que fit Bélisaire quand il voulut repeupler Naples où la férocité de son armée avait fait presque un désert? Il ne demanda pas à la Grèce de nouveaux habi

(1) Morosi, p. 190.

(2) Nè dopo infine che nel greco s'insinuarono voci francesi duranti le crocciate et l'impero latino, e voci italiane e specialmente venete; nè, a piu forte ragione, dopo che vi s'insinuarono voci slave, albanesi e turche. Giacchè in questi dialetti greci non si odono altre parole straniere, che le latine introdotte in Grecia dalla conquista romana, et le italiane che, insieme altresi con qualche forma grammaticale, loro prestarono i dialetti italiani che li serrano in mezzo. P. 191, col. 1.

tants, mais à l'Italie elle-même. La chute de la domination des Ostrogoths n'entraîna pas leur disparition du pays où ils s'étaient installés. Bien peu repassèrent les Alpes pour retrouver dans la Gaule et dans l'Espagne la liberté dont jouissaient leurs frères. Les autres s'accordèrent avec Bélisaire et Narsès et demeurèrent dans leur établissement. Il n'y avait donc alors aucune raison pour que l'élément grec s'introduisît dans la terre d'Otrante et dans la Calabre. Parmi les soldats de l'empereur, il n'y avait de grecs que dans une très-faible proportion. Les Ibères, les Avares, les Sarmates, les Gépides ou les Lombards y étaient en plus grand nombre. Excepté à Ravenne ou à Rome, on ne trouve ailleurs nulle trace d'écoles grecques, et, de plus, au milieu du VIe siècle, la langue grecque n'avait pas encore le caractère qu'elle affecte dans les dialectes dont nous nous occupons (1).

Il est encore moins probable que ces peuples aient passé en Italie après la conquête des Lombards. Ce pays toujours troublé ne pouvait offrir nul attrait à des colons venus de la Grèce; il n'y avait pour eux ni sécurité, ni profit. Si les empereurs les y avaient transportés de force, ils les auraient fixés de préférence autour de Ravenne ou de Rome dans la Pentapole, c'était là que se portait tout l'effort des Lombards.

C'est à partir du second quart du VIIIe siècle que devient plus probable l'arrivée des colonies grecques dans le midi de l'Italie. La persécution des Iconoclastes poussa hors de la Grèce une quantité considérable de moines. Ils n'ont pas dû s'en aller seuls d'un pays où l'on heurtait si violemment leur foi. Des populations laïques ont dû les suivre. Il y eut une révolte contre le décret impérial qui proscrivait le culte des images, et

Morosi, p. 205. col. 2.

les rigueurs du gouvernement militaire de Léon étaient de nature à pousser en Italie la foule mécontente des chrétiens orthodoxes. De l'Italie centrale vinrent aussi d'autres habitants grecs, quand l'exarchat de Ravenne fut détruit, et que les Lombards cédèrent leur conquête aux Francs. Un siècle plus tard, l'invasion des Sarrasins en Sicile dut augmenter encore cette population d'Hellènes. On peut donc avec quelque probabilité assurer que l'arrivée des colonies grecques se place entre les deux puissantes restaurations de la souveraineté byzantine opérées par les règnes de Basile Ier et de Basile II. Voici la conclusion de M. Morosi « Epperciò io credo non andar lontano dal vero affermando che queste colonie ci vennero durante il regno di Basilio Io o di Leone VIo, nel tempo in cui la signoria bizantina raggiunse il colmo della potenza e dello splendore in Italia (1).

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M. Morosi appuie son opinion sur les noms de lieux en Calabre qui sont tout-à-fait grecs, sur les noms de famille qui se retrouvent encore aujourd'hui dans l'Italie et dans la Grèce, sur les mots byzantins restés dans les dialectes italiens de ce pays, enfin sur les parchemins italo-grecs, où se retrouvent dans des inventaires et des actes privés, les formes grammaticales, la syntaxe et le lexique qui vivent encore dans le langage du peuple illettré de la Grèce: ce qui prouve, ajoute-t-il, qu'ils ne se rapportent pas seulement à des monastères ou à des églises grecques, mais à des colonies d'Hellènes entièrement laïques (*).

(1) P. 206, col. 1.

(2) Noms de lieux Riàce (Puάxt) Rizàci (Pučάxi) Monastaràci (Movaotypáx:) Velanidi (Βελανίδι) Neocastro et Policastro (Νεόκαστρον et Πολύκαστρον). Noms de famille. Barda, Carnopulo, Coriòti, Platocèfalo, Cacùri, Macrì, Marafioti. Βάρδας, Χαρνόπουλος, Κορυώτης, Πλατοκέφαλος, Κακούρης, Μακρῆς, Μαραθιώτης. Mots byzantins. Limba (λúμbas) Catino, Còccalo (xóxxaλov)

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Les discussions religieuses de l'Orient n'allaient jamais sans proscriptions. Le parti vainqueur appuyé des forces de l'empereur proscrivait ses ennemis sans pitié. C'est à une persécution de ce genre suscitée par l'hérésie du monothélisme que l'Italie dut une première colonie de moines grecs. Ainsi, sous le pontificat du pape Martin Ier (649-654), furent bâtis à Rome les premiers monastères grecs. C'est l'opinion du P. Hardouin dans sa Collection des Conciles ('). Les abbés de l'Orient, fugitifs, s'adressent ainsi au souverain pontife : « Generalitas habitantium in hac antiqua alma urbe Roma Græcorum abbatum et monachorum servorum vestræ sanctitatis, docemus ut subter...." (2)

Les émigrations furent plus fréquentes et plus nombreuses, quand les empereurs Léon l'Isaurien (3) et son cranio, pitta pizza (τa níτα) torta, pròvola (IIpóyaλa) Cacio ancora giovane; Caccavo... Càccamo (xáxxaбos) Celòna (Xeλóvn) Cuccuvaja, Cuccuvascia (xoxxoбxữ, Aristoph.) Vastaso (Barrάw). Morosi, p. 206.

(1) T. III, p. 719.

(2) Zambelios. Bušavtíva: μeλétai. Athènes 1858, note 108,15'

(3) Lamii, Delicia eruditorum. Florentiæ, 1737. t. VII. - Rochus Pyrrhus, in suæ Siciliæ sacræ libro IV, triginta Basilianorum Coenobia in Sicilia existentia recenset, atque describit, quorum plurima sub Constantino Copronymo excitata fuisse videntur, quum scilicet ille impius imperator edicto promulgato (718-741) vetuerat esse monachos in Oriente. Tunc enim ingens monachorum Orientalium multitudo sese in urbem et Italiam infudit, quorum quum Græca lingua esset peculiaris, eosdem in monasteriis collocatos voluit Paulus papa se ea præstare quod consuevissent in monasteriis Orientis, et psalmorum cantus, aliaque officia ecclesiastica sua ipsorum lingua absolvere ut scribit Baronius, annalium Parens eminentissimus. Quod quidem, succedentibus temporibus, usque ad suam ætatem, hoc est usque ad annum 1640, et quod excurrit, servatum esse testatur Rochus Pyrrhus, Netini Coenobii Basiliani abbas... Cum quo nescio quomodo conciliare præstantissimum Montemfalconium, qui cap. XV Diarii Italici scribit, in Calabria, et aliis Neapolitani regni regionibus, atque in Sicilia, linguæ Græcæ in ecclesiasticis officiis usum fuisse, donec Sixtus IV vetuit ne quis nisi latine divina officia persolveret. Nisi dicamus Sixti IV edictum ad monachos etiam Basilianos extensum non fuisse; sed tantos clericos sæculares, aliosque aliorum ordinum monachos respexisse. Et quidem Mabillonius itinere Italico tradit monachos Coenobii Cryptæ-ferratæ duodecimo ab urbe lapide distantis missam Græce celebrare, sed Romano ritui prorsus accommodatam. — Ibid. Quis ignorat laudatum Baronium tradere sub Leone quoque Armenio, imperatore, sacrarum imaginum hoste, orthodoxos monachos Constantinopoli, et ex aliis Orientis partibus exactos et extorres in Italiam et Romam confugisse?

fils Constantin Copronyme, eurent déclaré la guerre aux images. Le premier se croyait capable de repousser les efforts des Arabes et de consolider à jamais l'empire de Constantinople s'il avait seulement les trésors des couvents, et s'il faisait des soldats de tous ceux qui les habitaient. La spoliation de leurs biens, la persécution contre leurs personnes, le service militaire imposé aux moines, les poussèrent en foule hors de leur pays. Rome, où régnèrent successivement deux papes ennemis des Iconoclastes, Grégoire II et Grégoire III (715741), s'offrait à eux comme le meilleur asile.

Déjà la Sicile, la Calabre et l'Apulie étaient remplies de sujets byzantins, à tel point que ces contrées avaient perdu les usages latins, et que la langue grecque avait remplacé leur idiome national (1). Ces pays gagnés à la cause des Iconoclastes, ne pouvaient les retenir, ils affluèrent donc dans la ville papale. Ils apportaient avec eux leurs images, les reliques de leurs saints et leurs livres. Grégoire III eut pour eux la plus grande bienveillance, et il fit bâtir pour les recevoir un magnifique couvent qu'il consacra à Saint Chrysogone. C'était un refuge qui leur était ouvert, ils avaient la liberté d'y faire leurs offices dans leur langue et selon leur rite national (*). Paul Ier (757-767) en fit autant. Il poussa même plus loin la magnificence; de sa propre maison, il fit un monastère, celui de Saint-Serge. Une bulle signée de tous les cardinaux, écrite en caractères grecs, perpétue le souvenir de cet acte de bienfaisance qui date de 761 (3).

Le nombre des Grecs qui affluaient à Rome devint

(1) Zambelios. Βυζαντίναι μελέται, p. 270. Ἐκκλησίας τὰς πλείστας τῶν ἐπισκοπῶν Σικελίας, Καλαβρίας, καὶ ̓Απουλίας, ὥστε ἀποβαλέσθαι πᾶν ἔθιμον λατινικὸν καὶ ἀσπασθῆναι τὴν ἑλληνικὴν γλῶσσαν.

(*) Rodotà, Rito greco, t. II, p. 62, cité par Zambelios. p. 311.

(3) Baronius, an. 761, 15.

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