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partout où nous rencontrerons de grandes choses et | la papauté. Mais elle s'était faite aussi au profit des

de grands hommes, il y a eu d'autres mobiles que des combinaisons ambitieuses et des intérêts personnels. Sachons bien que la pensée de l'homme ne s'élève, que son horizon ne s'agrandit que lors- | qu'il se détache du monde et de lui-même, et que, si l'égoïsme joue dans l'histoire un rôle immense, celui de l'activité désintéressée et morale lui est, aux yeux de la plus rigoureuse critique, infiniment supérieur. Boniface le prouve comme tant d'autres; tout dévoué qu'il était à la cour de Rome, il savait, au besoin, lui parler vrai, lui reprocher ses torts et la presser de prendre garde à elle-même. Il avait | appris qu'elle accordait certaines autorisations, qu'elle permettait certaines licences dont se scandalisaient les consciences sévères; il écrit au pape Zacharie:

Francs d'Austrasie, de leur sûreté, de leur pouvoir. En résultat, c'était pour eux aussi bien que pour Rome qu'avait travaillé Boniface; c'est sur le sol de la Germanie, dans l'entreprise de la conversion de ses peuplades par les missionnaires saxons, que se sont rencontrées et alliées les deux puissances nouvelles qui devaient prévaloir l'une dans la société civile, l'autre dans la société religieuse, les maires. du palais d'Austrasie et les papes. Pour consommer leur alliance, et lui faire porter tous ses fruits, il ne fallait de part et d'autre qu'une occasion : elle ne tarda pas à se présenter.

J'ai déjà dit un mot de la situation de l'évêque de Rome vis-à-vis des Lombards, et de leurs continuels efforts pour envahir un territoire qui, de jour en jour, devenait plus positivement son domaine. Un autre danger moins pressant, mais réel, lui venait aussi d'ailleurs. De même que les Francs d'Austrasie, les Pepin à leur tête, avaient à combattre, au

Ces hommes charnels, ces simples Allemands, ou Bavarois, ou Francs, s'ils voient faire à Rome quelqu'une des choses que nous défendons, croient que cela a été permis et autorisé les prêtres, et le tournent contre nous en dérision, et s'en pré-nord, les Frisons et les Saxons, au midi, les Sarravalent pour le scandale de leur vie. Ainsi, ils disent que chaque année, aux kalendes de janvier, ils ont vu, à Rome, et

jour et nuit auprès de l'église, des danses parcourir les places

publiques, selon la coutume des païens, et pousser des clameurs à leur façon, et chanter des chansons sacriléges; et ce

jour, disent-ils, et jusque dans la nuit, les tables sout chargées de mets, et personne ne voudrait prêter à son voisin, ni feu, ni fer, ni quoi que ce soit de sa maison. Ils disent aussi qu'ils

ont vu des femmes porter, attachés à leurs jambes et à leurs bras, comme faisaient les païens, des phylactères et des bandelettes, et offrir toutes sortes de choses à acheter aux passants; et toutes ces choses, vues ainsi par des hommes charnels et peu instruits, sont un sujet de dérision et un obstacle

à notre prédication et à la foi... Si votre Paternité interdit dius Rome les coutumes païennes, elle s'acquerra un grand mérite, et nous assurera un grand progrès dans la doctrine de l'Eglise (1).

sins, de même les papes étaient pressés par les Sarrasins et les Lombards. Leur situation était ana

logue. Mais les Francs remportaient des victoires sous Charles-Martel; la papauté, hors d'état de se défendre elle-même, cherchait partout des soldats. Elle essaya d'en obtenir de l'empereur d'Orient, il n'en avait point à lui envoyer. En 739, Grégoire III eut recours à Charles-Martel. Boniface se chargea de la négociation; elle n'eut aucun résultat : CharlesMartel avait trop à faire pour son propre compte; il n'eut garde de s'engager dans une nouvelle guerre. Mais l'idée s'établit à Rome que les Francs seuls pouvaient défendre l'Église contre les Lombards, et que tôt ou tard ils passeraient les Alpes à son profit.

Quelques années après, le chef de l'Austrasie, Pepin, fils de Charles-Martel, eut à son tour besoin du pape. Il voulait se faire déclarer roi des Francs, et quelque bien établi que fût son pouvoir, il y voulait une sanction. Je l'ai fait remarquer plusieurs fois, et ne me lasse point de le répéter, la force ne

Je pourrais citer plusieurs lettres écrites avec autant de franchise et qui prouvent la même sincérité. Mais un fait parle plus haut que toutes les lettres du monde. Après avoir fondé neuf évêchés et plusieurs monastères, au point le plus élevé de ses succès et de sa gloire, en 753, c'est-à-dire à 73 ans, le missionnaire saxon demanda et obtint l'autorisa-se suffit point à elle-même; elle veut quelque chose tion de quitter son archevêché de Mayence, de le remettre à Lulle, son disciple favori, et d'aller reprendre, chez les Frisons, encore païens, les travaux de sa jeunesse. Il rentra en effet au milieu des bois, des marais et des Barbares, et y fut massacré, en 755, avec plusieurs de ses compagnons.

A sa mort, la conquête de la Germanie au christianisme était accomplie, et accomplie au profit de

(1) S. Bonif., ep. ad Zachariam; ep. 132; Bib. Pat., t. x1, p. 423, édit, de Lyon.

de plus que le succès; elle a besoin de se convertir en droit; elle demande ce caractère tantôt au libre assentiment des hommes, tantôt à la consécration religieuse. Pepin invoqua l'un et l'autre. Plus d'un ecclésiastique, Boniface peut-être, lui suggéra l'idée de faire sanctionner, par la papauté, son nouveau titre de roi des Francs; je n'entrerai pas dans les détails de la négociation entreprise à ce sujet; elle offre des questions assez embarrassantes, des difficultés chronologiques : il n'en est pas moins certain qu'elle eut lieu, que Boniface la conduisit, que ses

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Burchard, évêque de Würtzbourg, et Fulrad, prêtre chapelain, furent envoyés à Rome au pape Zacharie, afin de consulter le pontife touchant les rois qui étaient alors en France, et qui n'en avaient encore que le nom sans en avoir aucunement la puissance. Le pape répondit, par un messager, qu'il valait mieux que celui qui possédait déjà l'autorité de roi le fût en effet, et donnant son plein assentiment, il enjoignit que Pepin fùt fait roi... Pepin fut donc proclamé roi des Francs, et oint, pour cette haute dignité, de l'ouction sacrée par la

sainte main de Boniface, archevêque et martyr d'heureuse mémoire, et élevé sur le trône, selon la coutume des Francs, dans la ville de Soissons. Quant à Childéric, qui se parait du fanx nom de roi, Pepin le fit raser et mettre dans un monaslère (1).

lettres au pape la laissent plusieurs fois entrevoir, | vasion germaine. Je viens de les mettre sous vos qu'on le voit entre autres charger son disciple yeux. La société civile gallo-franque était dans une Lulle d'entretenir le pape d'affaires importantes sur complète dissolution; aucun système, aucun poulesquelles il aime mieux ne pas lui écrire. Enfin, voir n'était parvenu à s'y établir, et à la fonder en en 751: la réglant. La société religieuse était tombée à peu près dans le même état. Deux principes de régénération s'étaient développés peu à peu : chez les Francs d'Austrasie, la mairie du palais; à Rome, la papauté. Ces puissances nouvelles se trouvèrent naturellement rapprochées par l'entreprise de la conversion des peuplades germaniques, à laquelle elles avaient un intérêt commun. Les missionnaires, et spécialement les missionnaires anglo-saxons, furent les agents de ce rapprochement. Deux circonstances particulières, le péril que les Lombards faisaient courir à la papauté, et le besoin qu'eut Pepin du pape pour faire sanctionner son titre de roi, en firent une étroite alliance. Elle éleva dans la Gaule une nouvelle race de souverains, détruisit en Italie le royaume des Lombards, et poussa la société gallo-franque, civile et religieuse, dans une route qui tendait à faire prévaloir dans l'ordre civil la royauté, dans l'ordre religieux la papauté. Tel vous apparaîtra en effet le caractère des essais de civilisation tentés en France par les Carlovingiens, c'està-dire par Charlemagne, vrai représentant de cette direction nouvelle, quoiqu'il ait échoué dans ses desseins, et n'ait fait que jeter, pour ainsi dire, un pont entre la barbarie et la féodalité. Cette seconde époque, messieurs, l'histoire de la civilisation en France sous les Carlovingiens, dans ses phases diverses, sera l'objet de la seconde partie de ce cours. (Applaudissements.)

Telle fut, messieurs, la marche progressive de cette révolution; telles en furent les causes indirectes et véritables. On l'a représentée dans ces derniers temps (2) (et j'ai moi-même contribué à répandre cette idée (3)), comme une nouvelle invasion germanique, comme une seconde conquête de la Gaule par les Francs d'Austrasie, bien plus Barbares, plus Germains que les Francs de Neustrie, qui s'étaient peu à peu fondus avec les Romains. Tel a été, en effet, le résultat, et, pour ainsi dire, le caractère extérieur de l'événement; mais ce qui le caractérise ne suffit point à l'expliquer; il a eu des causes plus lointaines et plus profondes que la continuation ou le renouvellement de la grande in

(1) Annales d'Éginhard, t. III, p. 4, dans ma Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France.

(2) Histoire des Français, par M. de Sismondi, t. n, p. 168-174. (3) V. mes Essais sur l'Histoire de France, 3e Essai, p. 67-85.

GUIZOT.

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VINGTIÈME LEÇON.

Règne de Charlemagne. Grandeur de son nom.

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· Est-il vrai qu'il n'ait rien fondé, que tout ce qu'il avait fait ait péri avec lui? - De l'action des grands hommes. Ils jouent un double rôle. Ce qu'ils font, en vertu du premier, est durable; ce qu'ils tentent, sous le second, passe comme eux, - Exemple de Napoléon. De la nécessité de bien savoir l'histoire des événements sous Charlemagne, pour comprendre celle de la civilisation. Comment on peut résumer les événements en tableaux. 10 De Charlemagne, comme guerrier et conquérant. — Tableau de ses principales expéditions. — De leur sens et de leurs résultats. — 20 De Charlemagne, comme administrateur et législateur. - Du gouvernement des provinces. Du gouvernement central. — Tableau des assemblées nationales sous son règne. — Tableau de ses capitulaires. — Tableau des actes et documents qui nous restent de cette époque. - 30 De Charlemagne, comme protecteur du développement intellectuel.· Tableau des hommes célèbres contemporains. — Appréciation des résultats généraux et du caractère de son règne.

MESSIEURS,

Nous entrons dans la seconde grande époque de l'histoire de la civilisation franque, et en y entrant, au premier pas, nous y rencontrons un grand homme. Charlemagne n'a été ni le premier de sa race, ni l'auteur de son élévation. Il reçut de Pepin, son père, un pouvoir tout fondé. J'ai essayé de vous faire connaître les causes de cette révolution et son vrai caractère. Quand Charlemagne devint roi des Francs, elle était accomplie; il n'eut pas même besoin de la défendre. C'est lui cependant qui a donné son nom à la seconde dynastie, et dès qu'on en parle, dès qu'on y pense, c'est Charlemagne qui se présente à l'esprit comme son fondateur et son chef. Glorieux privilége d'un grand homme! Nul ne s'en étonne, nul ne conteste à Charlemagne le droit de nommer sa race et son siècle. On lui rend même souvent des hommages aveugles; on lui prodigue, pour ainsi dire, au hasard le génie et la gloire. Et en même temps, on répète qu'il n'a rien fait, rien fondé, que son empire, ses lois, toutes ses œuvres ont péri avec lui. Et ce lieu commun historique amène une foule de lieux communs moraux sur l'impuissance des grands hommes, leur inutilité, la vanité de leurs desseins, et le peu de traces réelles qu'ils laissent dans le monde, après l'avoir sillonné

en tous sens.

Tout cela serait-il vrai, messieurs? La destinée des grands hommes ne serait-elle en effet que de peser sur le genre humain et de l'étonner? Leur activité, si forte, si brillante, n'aurait-elle aucun

résultat durable? Il en coûte fort cher d'assister à ce spectacle; la toile baissée, n'en resterait-il rien? Faudrait-il ne regarder ces chefs puissants et glorieux d'un siècle et d'un peuple que comme un fléau stérile, tout au moins comme un luxe onéreux? Charlemagne, en particulier, ne serait-il rien de plus?

Au premier aspect, il semble qu'il en soit ainsi, et que le lieu commun ait raison. Ces victoires, ces conquêtes, ces institutions, ces réformes, ces desseins, toute cette grandeur, toute cette gloire de Charlemagne se sont évanouies avec lui; on dirait un météore sorti tout à coup des ténèbres de la barbarie pour s'aller perdre et éteindre aussitôt dans les ténèbres de la féodalité. Et l'exemple n'est pas unique dans l'histoire; le monde a vu plus d'une fois, nous avons vu nous-mêmes un empire semblable, un empire qui prenait plaisir à se comparer à celui de Charlemagne, et en avait le droit, nous l'avons vu tomber également avec un homme.

Gardez-vous cependant, messieurs, d'en croire ici les apparences: pour comprendre le sens des grands événements et mesurer l'action des grands hommes, il faut pénétrer plus avant.

Il y a dans l'activité d'un grand homme deux parts; il joue deux rôles on peut marquer deux époques dans sa carrière. Il comprend mieux que tout autre les besoins de son temps, les besoins réels, actuels, ce qu'il faut à la société contemporaine pour vivre et se développer régulièrement. Il le comprend, dis-je, mieux que tout autre, et il

sait aussi mieux que tout autre s'emparer de toutes | avouer, accueillir des autres États, et la constituer au dedans d'une manière paisible, régulière; la mettre en un mot en possession de l'indépendance et de l'ordre, seuls gages d'un long avenir, c'était là le vœu, la pensée générale du pays. Napoléon la comprit et l'accomplit; le gouvernement consulaire fut dévoué à cette tâche.

les forces sociales et les diriger vers ce but. De là son pouvoir et sa gloire : c'est là ce qui fait qu'il est, dès qu'il paraît, compris, accepté, suivi, que tous se prêtent et concourent à l'action qu'il exerce | au profit de tous.

Celle-là terminée ou à peu près, Napoléon s'en proposa mille autres; puissant en combinaisons et d'une imagination ardente, égoïste et rêveur, machinateur et poëte, il épancha pour ainsi dire son

Il ne s'en tient point là: les besoins réels et généraux de son temps à peu près satisfaits, la pensée et la volonté du grand homme vont plus loin. Il s'élance hors des faits actuels; il se livre à des vues qui lui sont personnelles; il se complaît à des combinaisons plus ou moins vastes, plus ou moins spé-activité en projets arbitraires, gigantesques, enfants cieuses, mais qui ne se fondent point, comme ses premiers travaux, sur l'état positif, les instincts communs, les vœux déterminés de la société; en combinaisons lointaines et arbitraires; il veut, en un mot, étendre indéfiniment son action, posséder l'avenir comme il a possédé le présent.

Ici commencent l'égoïsme et le rêve pendant quelque temps, et sur la foi de ce qu'il a déjà fait, on suit le grand homme dans cette nouvelle carrière; on croit en lui, on lui obéit; on se prête, pour ainsi dire, à ses fantaisies, que ses flatteurs et ses dupes admirent même et vantent comme ses plus sublimes conceptions. Cependant le public, qui ne saurait demeurer longtemps hors du vrai, s'aperçoit bientôt qu'on l'entraîne où il n'a nulle envie d'aller, qu'on l'abuse et qu'on abuse de lui. Tout à l'heure le grand homme avait mis sa haute intelligence, sa puissante volonté au service de la pensée générale, du vœu commun; maintenant il veut employer la force publique au service de sa propre pensée, de son propre désir; lui seul sait et veut ce qu'il fait. On s'en inquiète d'abord; bientôt on s'en lasse; on le suit quelque temps mollement, à contrecœur; puis on se récrie, on se plaint; puis enfin on se sépare; et le grand homme reste seul, et il tombe; et tout ce qu'il avait pensé et voulu seul, toute la partie purement personnelle et arbitraire de ses œuvres tombe avec lui.

de sa seule pensée, étrangers aux besoins réels de notre temps et de notre France. Elle l'a suivi quelque temps à grands frais dans cette voie, qu'elle n'avait point choisie; un jour est venu où elle n'a pas voulu l'y suivre plus loin, et l'empereur s'est trouvé seul, et l'empire a disparu; et toutes choses sont retournées à leur propre état, à leur tendance naturelle.

C'est un spectacle analogue, messieurs, que nous offre, au 1x siècle, le règne de Charlemagne. Malgré d'immenses différences de temps, de situation, de forme, de fond même, le phénomène général est semblable: ces deux rôles d'un grand homme, ces deux époques de sa carrière se retrouvent dans Charlemagne comme dans Napoléon. Essayons de les démêler.

Ici je rencontre une difficulté qui m'a préoccupé longtemps et que je ne me flatte pas d'avoir complétement surmontée. Au commencement de ce cours, je vous ai engagés à lire une histoire générale de la France : je ne vous ai point raconté les événements; je n'ai cherché que les résultats généraux, l'enchaînement des causes et des effets, le progrès de la civilisation, caché sous les scènes extérieures de l'histoire; quant aux scènes mêmes, j'ai supposé que vous les connaissiez. Jusqu'à présent je me suis peu inquiété de savoir si vous aviez pris ce soin : sous la racé mérovingienne, les événements proprement dits sont si peu nombreux, si monotones, qu'il est moins nécessaire d'y regarder de très-près : les faits généraux seuls sont importants, et ils peuvent, jusqu'à un certain point, être mis en lumière et compris sans une connaissance exacte des détails. Sous le règne de Charlemagne, il en est tout autrePersonne n'ignore qu'au moment où il s'est saisi ment: les guerres, les vicissitudes politiques de tout du pouvoir en France, le besoin dominant, impé- genre sont nombreuses, éclatantes; elles tiennent rieux de notre patrie, était la sécurité, au dehors, une grande place, et les faits généraux sont cade l'indépendance nationale, au dedans, de la vie chés fort loin derrière les faits spéciaux qui occucivile. Dans la tourmente révolutionnaire, la desti-pent le devant de la scène. L'histoire proprement née extérieure et intérieure, l'État et la société dite enveloppe et couvre l'histoire de la civilisaavaient été également compromis. Replacer la France tion. Celle-ci ne vous sera pas claire si l'autre ne nouvelle dans la confédération européenne, la faire vous est pas présente, je ne puis vous raconter

Je ne me refuserai point à emprunter de notre temps le flambeau qu'il nous offre en cette occasion pour en éclairer un temps éloigné et obscur. La destinée et le nom de Napoléon sont maintenant de l'histoire; je ne ressens pas le moindre embarras à en parler, et à en parler avec liberté.

les événements, et vous avez besoin de les savoir. J'ai tenté de les résumer en tableaux, de présenter sous cette forme les faits spéciaux de cette époque, ceux-là du moins qui tiennent de près aux faits généraux et aboutissent immédiatement à l'histoire de la civilisation. On regarde aujourd'hui, et avec raison, les tableaux statistiques comme un des meilleurs moyens d'étudier, sous certains rapports, l'état d'une société; pourquoi n'appliquerait-on pas à l'étude du passé la même méthode? elle ne le reproduit point vivant et animé, comme le récit, mais elle en relève, pour ainsi dire, la charpente, et empêche les idées générales de flotter dans le vague et au hasard. A mesure que nous avancerons dans le cours de la civilisation, nous serons souvent obligés de l'employer.

Trois caractères essentiels paraissent dans Charlemagne : on peut le considérer sous trois points de vue principaux : 1o comme guerrier et conquérant; 2° comme administrateur et législateur; 3° comme protecteur des sciences, des lettres, des arts, du développement intellectuel en général. Il a exercé une grande puissance au dehors par la force, au dedans par le gouvernement et les lois; il a voulu agir et il a agi en effet sur l'homme lui-même, sur l'esprit humain comme sur la société. J'essayerai de vous le faire connaître sous ces trois aspects, en vous présentant, en tableaux, les faits qui s'y rapportent et desquels se peut déduire l'histoire de la civilisation.

Je commence par les guerres de Charlemagne; en voici les faits les plus essentiels:

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