d'une longue maladie qui lui consuma les entrailles. Sa mort funeste n'empêcha pas Ochozias d'imiter son impiété et celle d'Athalie sa mère. Mais ce prince, après avoir régné seulement un an, étant allé rendre visite au roi d'Israël, frère d'Athalfe, fut enveloppé dans la ruine de la maison d'Achab, et tué par l'ordre de Jéhu, que Dieu avait fait sacrer par ses prophètes pour régner sur Israël, et pour être le ministre de ses vengeances. Jéhu extermina toute la postérité d'Achab, et fit jeter par les fenêtres Jézabel, qui, selon la prédiction d'Élie, fut mangée des chiens dans la vigne de ce même Naboth qu'elle avait fait mourir autrefois pour s'emparer de son héritage. Athalie, ayant appris à Jérusalem tous ces massacres, entreprit de son côté d'éteindre entièrement la race royale de David, en faisant mourir tous les enfants d'Ochozias, ses petitsfils. Mais heureusement Josabeth, sœur d'Ochozias, et fille de Joram, inais d'une autre mère qu'Athalie, étant arrivée lorsqu'on égorgeait les princes ses neveux, trouva moyen de dérober du milieu des morts le petit Joas encore à la mamelle, et le confia avec sa nourrice au grand prêtre son mari, qui les cacha tous deux dans le temple, où l'enfant fut élevé secrètement jusqu'au jour qu'il fut proclamé roi de Juda. L'histoire des Rois dit que ce fut la septième année d'après. Mais le texte grec des Paralipomenes, que Sévère Sulpice a suivi, dit que ce fut la huitième. C'est ce qui m'a autorisé à donner à ce prince neuf à dix ans, pour le mettre déjà en état de répondre aux questions qu'on lui fait. Je crois ne lui avoir rien fait dire qui soit au-dessus de la portée d'un enfant de cet âge qui a de l'esprit et de la mémoire. Mais, quand j'aurais été un peu au delà, il faut considérer que c'est ici un enfant tout extraordinaire, élevé dans le temple par un grand prêtre qui, le regardant comme l'unique espérance de sa nation, l'avait instruit de bonne heure dans tous les devoirs de sa religion et de la royauté. Il n'en était pas de même des enfants des Juifs que de la plupart des nôtres : on leur apprenait les saintes lettres, non-seulement dès qu'ils avaient atteint l'usage de la raison, mais, pour me servir de l'expression de saint Paul, dès la mamelle. Chaque Juif était obligé d'écrire une fois en sa vie de sa propre main le volume de la loi tout entier. Les rois étaient même obligés de l'écrire deux fois; et il leur était enjoint de l'avoir continuellement devant les yeux. Je puis dire ici que la France voit en la personne d'un prince de huit ans et demi, qui fait aujourd'hui ses plus chères délices, un exemple illustre de ce que peut dans un enfant un heureux naturel aidé d'une excellente éducation; et que si j'avais donné au petit Joas la même vivacité et le même discernement qui brillent dans les reparties de ce jeune prince, on m'aurait accusé avec raison d'avoir péché contre les règles de la vraisemblance. L'âge de Zacharie, fils du grand prêtre, n'étant point marqué, on peut lui supposer, si l'on veut, deux ou trois ans de plus qu'à Joas. J'ai suivi l'explication de plusieurs commentateurs fort habiles, qui prouvent par le texte même de l'Écriture, que tous ces soldats à qui Joïada, ou Joad, comme il est appelé dans Josèphe, fit prendre les armes consacrées à Dieu par David, étaient autant de prêtres et de lévites, aussi bien que les cinq centeniers qui les commandaient. En effet, disent ces interprètes, tout devait être saint dans une si sainte action, et aucun profane n'y devait être employé. Il s'y agissait non-seulement de conserver le sceptre dans la maison de David, mais encore de conserver à ce grand roi cette suite de descendants dont devait naître le Messie. « Car ce Messie, tant de fois promis comme ils d'Abraham, de <<< vait aussi être fils de David et de tous les rois de Juda. » De là vient que l'illustre et savant prélat (*) de qui j'ai emprunté ces paroles appelle Joas le précieux reste de la maison de David. Josèphe en parle dans les mêmes termes; et l'Écriture dit expressément que Dieu n'extermina pas toute la famille de Joram, voulant conserver à David la lampe qu'il lui avait promise. Or cette lampe, qu'était-ce autre chose que la lumière qui devait être un jour révélée aux nations? L'histoire ne spécifie point le jour où Joas fut proclamé. Quelques interprètes veulent que ce fût un jour de fête. J'ai choisi celle de la Pentecôte, qui était l'une des trois grandes fêtes des Juifs. On y célébrait la mémoire de la publication de la loi sur le mont de Sinaï, et on y offrait aussi à Dieu les premiers pains de la nouvelle moisson; ce qui faisait qu'on la nommait encore la fête des prémices. J'ai songé que ces circonstances une fourniraient quelque variété pour les chants du chœur. Ce chœur est composé de jeunes filles de la tribu de Lévi, et je mets à leur tête une fille que je donne pour sœur à Zacharie. C'est elle qui introduit le choeur chez sa mère. Elle chante avec lui, porte la parole pour lui, et fait enfin les fonctions de ce personnage des anciens chœurs qu'on appelait le GORYPHÉE. J'ai aussi essayé d'imiter des anciens cette continuité d'action qui fait que leur théâtre ne demeure jamais vide, les intervalles des actes n'étant marqués que par des hymnes et par des moralités du chœur, qui ont rapport à ce qui se passe. On me trouvera peut-être un peu hardi d'avoir osé mettre sur la scène un prophète inspiré de Dieu, et qui prédit l'avenir. Mais j'ai eu la précaution de ne mettre dans sa bouche que des expressions tirées des prophètes mêmes. Quoique l'Écriture ne dise pas en termes exprès que Jorada ait eu l'esprit de prophétie, comme elle le dit de son fils, elle le représente comme un homme tout plein de l'esprit de Dieu. Et d'ailleurs ne parait-il pas, par l'Évangile, qu'il a pu prophétiser en qualité de souverain pontife? Je suppose donc qu'il voit en esprit le funeste changement de Joas, qui, après trente années d'un règne fort pieux, s'abandenna aux mauvais conseils des flatteurs, et se souilla du meurtre de Zacharie, fils et successeur de ce grand prêtre. Ce meurtre, commis dans le temple, fut une des principales causes de la colère de Dieu contre les Juifs, et de tous les malheurs qui leur arrivèrent dans la suite. On prétend même que depuis ce jour-là les réponses de Dieu cessèrent entièrement dans le sanctuaire. C'est ce qui m'a donné lieu de faire prédire tout de suite à Joad et la destruction du temple et la ruine de Jérusalem. Mais comme les prophètes joignent d'ordinaire les consolations aux menaces, et que d'ailleurs il s'agit de mettre sur le trône un des ancêtres du Messie, j'ai pris occasion de faire entrevoir la venue de ce consolateur, après lequel tous les anciens justes soupiraient. Cette scène, qui est une espèce d'épisode, amène très-naturellement la musique, par la coutume qu'avaient plusieurs prophètes d'entrer dans leurs saints transports au son des instruments; témoin cette troupe de prophètes qui vinrent au-devant de Saül avec des harpes et des lyres qu'on portait devant cux; et témoin Élisée lui-même, qui, étant consulté sur l'avenir par le roi de Juda et par le roi d'Israël, dit, comme fait ici Joad, Adducite mihi psaltem. Ajoutez à cela que cette prophétie sert beaucoup à augmenter le trouble dans la pièce par la consternation et par les différents mouvements ou elle jette le chœur et les principaux acteurs. () M. de Meaux. TRAGÉDIE (1672). ACTEURS. JOAS, rei de Juda, fils d'Ochozias. ATHALIE, veuve de Joram, aïeule de Joas. JOAD, autrement JOIADA, grand prêtre. JOSABETH, tante de Joas, femme du grand prêtre. ZACHARIE, fils de Joad et de Josabet. SALOMITH, sœur de Zacharie. ABNER, l'un des principaux officiers des rois de Juda. AZARIAS, ISMAEL, et les TROIS AUTRES CHEFS des prêtres et des lévites. MATHAN; prêtre apostat, sacrificateur de Baal. NABAL, confident de Mathan. AGAR, femme de la suite d'Athalie. TROUPE de prêtres et de lévites. SUITE d'Athalie. LA NOURRICE de Joas. CHOEUR de jeunes filles de la tribu de Lévi. La scène est dans le temple de Jérusalem, dans un vestibule de l'appartement du grand prêtre. ACTE PREMIER. SCÈNE I. JOAD, ABNER. ABNER. Oui, je viens dans son temple adorer l'Éternel; Je viens, selon l'usage antique et solennel, Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée. De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux fruits, Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre : Ou même, s'empressant aux autels de Baal, Et blasphème le nom qu'ont invoqué leurs pères. JOAD. D'où vous vient aujourd'hui ce noir pressentiment? ABNER. Pensez-vous être saint et juste impunément? Dès longtemps elle hait cette fermeté rare Et de toute vertu zélé persécuteur. C'est peu que, le front ceint d'une mitre étrangère, Ce lévite à Baal prête son ministère ; Ce temple l'importune, et son impiété Voudrait anéantir le Dieu qu'il a quitté. Pour vous perdre il n'est point de ressorts qu'il n'invente : Et, par là de son fiel colorant la noirceur, Il lui feint qu'en un lieu que vous seul connaissez Ne vienne attaquer Dieu jusqu'en son sanctuaire. JOAD. Celui qui met un frein à la fureur des flots Soumis avec respect à sa volonté sainte, Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. Cependant je rends grâce au zèle officieux Qui sur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux. Que vous avez encor le cœur israélite. Le ciel en soit béni! mais ce secret courroux, Je crains Dieu, dites-vous, sa vérité me touche! " Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses? |