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départirent d'illecque, en desroi, par une poterne qui point n'étoit bien gardée. Mais, ains qu'ils fussent tous hors, furent aperçus de leurs ennemis, lesquels s'armèrent et vigoureusement se férirent en eux, si en prirent et occirent plusieurs ; et le dessusdit Forte-Epice et aucuns des principaux se sauvèrent par fuite. Et adonc fut ladite ville soudainement assaillie et prise, sans trouver quelconque défense. Dedans laquelle fut prise la femme d'icelui Forte-Fpice, et plusieurs de ses gens, avecque aucuns paysans, et tous les biens d'icelle pris et ravis.

CHAPITRE CXLV.

Comment Pierre de-Luxembourg, comte de Saint-Pol, assiégea la ville de Saint-Valery, auquel voyage il mourut.

de

Au mois de juillet, Pierre de Luxembourg, comte de Saint-Pol, accompagné du seigneur de Villeby, anglois, et douze cents combattants de deux nations, il mit le siége tout à l'environ de la ville de Saint-Valery, dedans laquelle étoient, par le roi Charles, messire Louis de Vaucourt, Philippe de la Tour et messire Regnault de Verseilles, atout trois cents combattants. Si firent derechef dresser contre les portes et murailles aucuns engins pour les gréver. Et après que ledit siége

eut duré par l'espace de trois semaines, les dessusdits chevaliers assiégés firent traité avecque Robert de Saveuse, à ce commis de par ledit comte de Saint-Pol, par tel si, qu'ils devoient avoir certaine somme de denier et emporter tous leurs biens, et aussi emmener tous leurs prisonniers, et avecque ce eurent jour de partir de ladite ville, en cas que lesdits assiégeants ne seroient combattus de ceux de leur parti. Auquel jour ne comparut homme tenant leur parti, et par ainsi se départirent de là, et s'en allèrent à Beauvais, sous bon saufconduit, et de là, bref ensuivant, les dessusdits messire Louis et messire Regnault furent rencontrés d'un nommé le Petit Rolant, tenant leur parti, lequel, pour aucune haine particulière, sur le chemin de Senlis, leur courut sus avecque ses gens qu'il avoit amenés à Chantilly, et en conclusion, les conquit et détroussa, et mêmement y fut pris ledit messire Regnault de Verseilles. Et après, le dessusdit comte de Saint-Pol refournit de ses gens ladite ville de Saint-Valery, et la bailla en garde à messire Robert de Saveuse, et de là, partant de sondit siége, s'en alla loger en un grand village nommé Blangy, en la comté d'Eu, en l'intention d'aller assiéger le châtel de Mouchas, que tenoit, pour parti du roi Charles, messire Regnault de Fontaines. Lequel messire Regnault, non voulant attendre ledit siége, fit traité avecque les gens et commis dudit comte par tel si, qu'il lui rendroit ladite forteresse le quinzième jour du mois d'octo

du

bre ensuivant, en cas qu'en ce jour les gens roi Charles ne seroient puissants pour combattre ledit comte, audit jour, devant le châtel de Mouchas, où ès pays de Santois, emprès Villers-leCarbonnel, à une lieu de Haplaincourt.

Et pour la sûreté de ce traité fait et confirmé par les parties, le vingt-sixième jour du mois d'août, furent baillés ôtages; et le dernier jour d'icelui même mois d'août, icelui comte étant en ses tentes, emprès ladite ville de Blangy, faisant les ordonnances pour aller assiéger le châtel de Rambures, lui prit la maladie de l'épidémie, de laquelle il mourut assez soudainement. Pour la mort duquel tous ses gens, et aussi les capitaines anglois, là étant, furent fort troublés et courroucés en cœur. Si s'en retournèrent assez bref chacun en leurs places et propres lieux dont ils étoient venus; et ceux de sa famille emportèrent son corps en la ville de Saint-Pol, et depuis il fut enterré devant le grand autel du moustier de Cler-Champ, l'abbaye de laquelle ses prédécesseurs étoient fondateurs. Et assez bref ensuivant, Louis de Luxembourg, fils aîné dudit comte, àgé de quinze ans ou environ, prit et appréhenda toutes les seigneuries qu'avoit tenues sondit feu père, et de là, en avant, se fit nommer comte de Saint-Pol.

CHAPITRE CXLVI.

Comment le seigneur de la Trimouille fut pris en l'hôtel du roi Charles, et rendit la vicomté de Thouars.

DURANT le temps dessusdit, le roi Charles de France se tenoit moult souvent au châtel de Chinon, avecque lequel étoit le seigneur de la Trimouille, par qui toutes besognes se conduisoient quant à l'état du roi, dont n'étoient pas bien contents Charles d'Anjou et aucuns autres grands seigneurs qui l'avoient en haine, pour l'amour du seigneur d'Amboise, vicomte de Thouars, lequel il faisoit tenir prisonnier dès le temps que le seigneur de Lezay et Antoine de Vivonne avoient été décapités en la cité de Poitiers, par son pourchas; et aussi pource que par lui le connétable ne pouvoit retourner en la grâce du roi, comme iceux entendoient être vrai. Si advint un certain jour, qu'en comptant des choses dessusdites, entrèrent dedans icelui châtel de Chinon le seigneur de Beuil messire Pierre de Verseil, Pregent de Coytizy, et aucuns autres grands barons, jusques au nombre de seize, lesquels allèrent jusques à la chambre d'icelui seigneur de la Trimouille, qui encore étoit en son lit. Si le prirent prisonnier et l'emmenèrent, et lui fut lors ôté tout le gouvernement

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du roi, et puis, par traité qu'il fit avecque les dessusdits et autres leurs alliés, rendit ledit seigneur d'Amboise, et avecque ce promit de n'en plus retourner devers le roi, et si rendit plusieurs forteresses qu'il tenoit.

Et assez brief ensuivant retourna ledit connétable devers le roi, lequel roi fût assez content de lui, jà-soit-ce qu'il lui déplût grandement du désappointement du dessusdit seigneur de la Trimouille néanmoins lui furent baillés nouveaux gouverneurs. Au temps dessusdit, Philippe, le seigneur de Saveuse, se tenoit en la ville de MontDidier, atout certain nombre de combattants, pour défendre le pays et résister contre les François de Compiegne, Ressons-sur-la-Mer, Mortemer, Breteuil, et autres places, lesquels étoient allés courre vers le pays de Santois, environ eux cinquante combattants, lesquels furent tantôt envahis, et la plus grand' partie pris prisonniers, et les autres se sauvèrent par fuite. En cet an mourut le comte de Penthièvre, en sa ville d'Avesnes, en Hainaut; lequel par long-temps avoit été déchassé de Bretagne, comme en autres lieux est assez déclaré. Et alors régnoit sur la plus grand' partie des marches de France, grand' mortalité, tant en bonnes villes comme en plein pays. Et d'autre part étoient les seigneurs et nobles hommes fort divisés les uns contre les autres, et n'étoient Dieu, l'Église, ni justice obéis ni craints, et par ainsi le pauvre et simple peuple étoit en plusieurs manières offensé.

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