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CHAPITRE CXLI.

Comment le duc de Bourgogne reconquit plusieurs forteresses que les François avoient conquises en son pays de Bourgogne.

EN ce temps, après que le dessusdit duc de Bourgogne eut séjourné aucun peu de jours à Châtillon, il ordonna sa femme la duchesse à aller à Dijon, où elle fut joyeusement reçue de la ville et du pays, et il s'en alla après ses gens. Si fit assiéger Lussigines et Passy, que tenoient ses adversaires. Laquelle forteresse de Lussigines fut si rigoureusement contrainte, que ceux qui la tenoient la rendirent audit duc, par telle condition, qu'ils s'en iroient, sauve leur vie, en délaissant leurs biens. Et les dessusdits de Passy baillèrent ôtages de rendre leur fort le premier jour de septembre ensuivant, en cas que icelui duc, ou ses commis, ne seroient combattus par ceux de leur parti, au jour dessusdit. Et adonc plusieurs autres forteresses que tenoient lesdits François, doutant la grand' puissance qu'avoit ledit duc de Bourgogne au pays, se rendirent à lui, avecque celles dessusdites, c'est à savoir Danlermoinne, Herny, Coursain, Secalofloug, Malegny, Saint-Phalle, Sitry, Sabelly, et autres forteresses, jusques à vingt et quatre, et au-dessus. Après lesquelles

redditions, ledit duc s'en alla à Dijon ; et ses capitaines, atout leurs gens d'armes, se retrahirent vers leurs marches; desquels, durant ce voyage, fut le chef, messire Jean de Croy, atout les siéges qui se mirent en l'obéissance du dessusdit duc de Bourgogne.

CHAPITRE CXLII.

Comment Gilles de Postelles fut accusé de trahison, dont il fut décapité.

EN cet an, fut accusé de trahison envers le duc de Bourgogne un gentilhomme du pays de Hainaut, nommé Gilles de Postelle, lequel avoit long-temps été nourri et serviteur en la maison de la comtesse de Hainaut, douagière, tante audit duc de Bourgogne. Et fut la cause de ladite accusation, pource qu'il avoit pourparlé, avecque aucuns autres nobles du pays, de mettre à mort le dessusdit duc, par trait, ou aucune autre manière, en allant avec lui au bois à la chasse. Si fut, pour cette cause, pris en l'hôtel de celle dame, au Quesnoy, par messire Guillaume de Lalain, bailli dudit pays de Hainaut. Et puis, après qu'il eut été diligemment questionné et examiné, il fut décapité et écartelé au marché de Mons, en Hainaut, et les quartiers mis au dehors de quatre bonnes

villes du pays. Avecque lequel, fut ainsi décapité un sien serviteur, et Jean de Vendège, à qui icelui Gilles de Postelle s'en étoit découvert, se rendit fugitif du pays; et depuis, par divers moyens, quist plusieurs fois ses excusations devers ledit duc. Si fut, pour cette cause, mise aucune suspection contre ladite comtesse de Hainaut, douagière; mais, en conclusion, rien n'en vint à clarté.

CHAPITRE CXLIII.

Comment les François échelèrent la ville de Crespy en Valois ; et plusieurs autres matières.

DURANT Ces tribulations, les gens du roi prirent, par échelles, à un point du jour, la ville de Crespy, en Valois, tenant le parti des Anglois ; et en étoit capitaine le bâtard de Thien, lequel, avecque grand' partie de la garnison et de ses habitants, fut pris, et tous les biens pillés et ravis, avec plusieurs autres maux grands et innumérables qui furent faits, et par la manière qu'il est accoutumé de faire en ville conquise. La nuit de l'Ascension de cet an, se rémurent les Gantois contre les officiers du prince et les gouverneurs de la ville; mais le souverain échevin de la ville se mit sur le grand marché, alout (avec) la bannière du comte de Flandre, bien accompagné, avant que les mouve

ments fussent assemblés; lesquels, voyant qu'ils ne pouvoient mener leur intention à fin, se rendirent fugitifs ; et les aucuns furent depuis pris et punis par les souverains gouverneurs de la ville de Gand. En ces jours, fut prise la ville de Bruyères, en Laonnois, sur les gens du roi Charles, par aucnns des gens de messire Jean de Luxembourg, comte de Ligny, desquels étoit l'un des meneurs Villemet de Hainaut, capitaine de Montagu; pour laquelle prise ceux de la ville de Laon furent en grand effroi, doutant qu'en icelle ne fût', en bref temps, mise puissante garnison contre eux ; et pour tant se garnirent et fournirent de gens de guerre, au mieux que bonnement faire le purent pour y

résister.

CHAPITRE CXLIV.

Comment le duc de Bourgogne tint la journée de Passy; et comment il fit assiéger la ville et forteresse d'Avalon.

Le premier jour de septembre venu, le duc de Bourgogne, qui par avant avoit mandé, ès parties de Bourgogne, tous ceux qui l'avoient accoutumé de servir, tint la journée pour la reddition de Passy, dont dessus est faite mention. A laquelle journée, vinrent en son aide, le seigneur de l'Ile-Adam, maréchal de France, de par le roi

Henri, et messire Jean de Talbot, anglois, atout seize cents combattants ou environ, lesquels furent dudit duc reçus moult joyeusement, et fit très beaux dons à iceux seigneurs et leurs gens. Toutefois lesdits François ne comparurent pas à ladite journée, parquoi ceux de ladite forteresse de Passy, si comme promis l'avoient, la rendirent en la main du dessusdit duc de Bourgogne, et se départirent sur bon sauf-conduit. Et après, ledit duc envoya aucuns de ses capitaines mettre le siége entour Avalon, dedans laquelle étoit capitaine un nommé Forte-Epice, atout deux cents combattants, fleur de gens d'armes roides et bien instruits de la guerre, qui moult vaillamment se défendirent. Et étoient les principaux assiégeants, c'est à savoir, de Bourgogne, le seigneur de Charny, Philebert de Vaudray, et aucuns autres; et de Picardie, y étoient messire Jean, bâtard de Saint-Pol, le seigneur de Humières, et plusieurs autres nobles hommes, lesquels, en grand' hardiesse, approchèrent leurs ennemis, et se logèrent, grand' partie, au plus près des fossés. Si firent dresser plusieurs engins, dont la muraille d'icelle ville fut fort travaillée, et en moult de lieux abattue, et tant qu'iceux assiégeants, espérant icelle prendre de force, lui livrèrent un grand assaut, duquel ils furent, par force, reboutés et reculés; mais, finalement, lesdits assiégés, doutant qu'enfin ne fussent pris de force, et non ayant espérance de secours, s'effrayèrent si fort, que, par nuit, se

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