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autres besognes extraordinaires, il en fut fait, selon les coutumes de la guerre, comme en ville conquise. Et le lendemain furent coupées les têtes à aucuns de ceux qui paravant avoient gouverné pour les Anglois; et furent, de par le roi de France, dedans icelle cité reconstitués tous nouveaux capitaines de gens d'armes et gouverneurs. Si demeura très puissante garnison pour les frontières des Anglois, desquels fut le principal chef sur tous les autres, le dessusdit bâtard d'Orléans.

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CHAPITRE CXVIII.

Comment le cardinal de Sainte-Croix vint en France, de par le Saint Père , pour apaiser la guerre des parties dessusdites.

EN ce temps fut envoyé par notre Saint Père le pape, ès parties de France, le cardinal de SainteCroix, pour apaiser le discord qui étoit entre le roi de France, d'une part, et le roi Henri d'Angleterre et le duc de Bourgogne ensemble, d'autre part. Pour lequel traité ledit cardinal fit de grands diligences entre les parties, mais enfin ne pouvoit rien accorder à paix. Par son travail et moyen furent accordée unes trèves, à durer l'espace de six ans, entre le dessusdit roi Charles et le duc de Bourgogne, et baillèrent chacun d'eux, pour Ja

sûreté et entretennement desdites trèves, lettres scellées de leurs sceaux, devisées par la meilleure forme et manière que faire se pouvoit. Par le moyen desquelles, en aucuns lieux sur les frontières, le peuple eut grand' consolation, espérant que ce se dût entretenir et à l'occasion d'icelle se commencèrent aucuns des pays sur lesdites frontières, à remplir de laboureurs, bétail et autres choses. Mais cette liesse ne leur dura point grandement; car en dedans le premier demi-an, les parties furent si obstinées et entretouillées, qu'ils commencerent comme devant à demener très forte guerre l'un contre l'autre. Si fut la principale cause de celle émeute, pource que les François prenoient aucuns tenant le parti de Bourgogne, comme Anglois; et pareillement lesdits Bourguignons : c'est à savoir les pauvres saquements (pillards), voulant vivre de la guerre, se boutoient avecque lesdits Anglois, et, en portant la croix rouge, prenoient les François, et leur faisoient guerre. Par lequel moyen icelles trèves devantdites furent en bref du tout mises à néant. Si n'étoit lors en nulle des trois parties justice ni raison entretenue: ains régnoit contre le peuple et gens d'église très innumérables et tyranniques pilleries. Et combien que pour vivre en paix, au-dessous de ceux qui faisoient la guerre, ils donnassent et promissent du leur très largement, en prenant d'iceux ou de leurs capitaiues, sauf-conduits, lettres de gardes ou scellés d'apactiz, néanmoins, peu ou néant leur

étoit entretenu, et par ainsi n'avoient-ils autre récours, sinon de crier misérablement vengeance å Dieu.

CHAPITRE CXIX.

Comment le boulevert de Lagny-sur-Marne fut pris des Anglois.

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ENVIRON le mois de mars de cet an, furent ordonnés par le duc de Bedfort et le conseil du roi Henri, étant à Paris, certain nombre de gens d'arines pour aller mettre en l'obéissance dudit roi aucunes forteresses que tenoient les François, ses ennemis, sur les marches de l'Ile-de-France comme Mongay, Gournai et autres; et avecque ce rompre et démolir le pont de Lagny, qui vient de la ville, par-dessus l'eau, vers l'Ile-de-France: de laquelle armée furent chefs et conducteurs le comte d'Arondel, l'enfant de Warwick, le seigneur de l'Ile-Adam, maréchal de France pour le roi Henri; messire Jean, bâtard de Saint-Pol, le Galois d’A unay, chevalier, seigneur d'Orville, et aucuns autres, lesquels, tous ensemble, partant de Paris, atout douze cents combattants ou environ, et foison de chars et charrettes, canons, artilleries et autres instruments de guerre, vinrent par aucuns jours dedans lesdites forteresses. Lesquelles en assez brefs jours, par contrainte d'iceux Anglois,

furent mises en l'obéissance d'eux, et se départirent aucuns desdits François, sauve leur vie et partie de leurs biens, et les autres demeurèrent à volonté. Si en y eut aussi aucuns exécutés par justice, et les autres mis à finance.

Après lesquelles redditions, les dessusdits Anglois prirent leur chemin vers Lagny-sur-Marne, et se logèrent devant. Si fit le comte d'Arondel asseoir une grosse bombarde contre l'arche du pont-levis de la ville, laquelle, du premier coup qu'elle jeta, rompit ladite arche par telle manière, que ceux de dedans ne pouvoient bonnement venir à leur boulevert, qui étoit à l'autre bout du pont, qui passe par-dessus l'eau. Et adonc, ledit comte d'Arondel et les autres capitaines, avecque leurs gens, assaillirent hâtivement icelui boulevert, et le prirent sans délai,, nonobstant que ceux de dedans, qui étoient en bien petit nombre, le défendoient puissamment et vaillamment. Auquel assaut fut mort Jean de Luxembourg, un des bâtards de Saint-Pol, et aucuns autres, avecque plusieurs navrés. Et enfin, les dessusdits Anglois rompirent le pont en plusieurs lieux, et après ardirent ledit boulevert, puis se retrahirent en leurs logis. Si conclurent, dedans brefs jours ensuivants, d'assaillir la ville en plusieurs lieux, laquelle chose ils firent.

Si demeura ledit comte d'Arondel, atout certain nombre de gens, sans aller audit assaut, et quand ce vint que le maréchal et les capitaines se

départirent pour aller audit assaut, ledit messire Jean de Luxembourg, bâtard de Saint-Pol, qui portoit en sa devise et en son étendard un soleil, dit tout haut, oyant plusieurs, qu'il faisoit vœu à Dieu, que si le soleil entroit en la ville, qu'il y entreroit aussi. Laquelle parole fut de plusieurs entendue par divers propos. Néanmoins, ils allèrent à l'assaut, et s'y portèrent assez vaillamment: mais par la diligence de Huçon Queue, Écossois, messire Jean Foucaut et autres capitaines de la ville, ils furent bien et vaillamment reçus, et en y eut plusieurs des dessusdits assaillants morts et grièvement navrés; et avecque ce perdirent quatre ou cinq de leurs étendards et canons, qui furent tirés à force de bras dedans la ville, par les deux bouts, desquels furent la bannière de l'Ile-Adam, maréchal, et l'étendard et enseigne du soleil, appartenant audit messire Jean, bâtard de St.-Pol qui avoit voué d'entrer en icelle ville. Si convint qu'ils se retrahissent à grand' honte et confusion en leur logis; et au bout de trois jours ensuivants, s'assemblèrent et s'en allèrent secrètement, grand' partie d'iceux compagnons de guerre, sans le congé de leurs capitaines, voyant qu'ils perdoient leur temps de là plus séjourner; car ils y pouvoient plus perdre que gagner. Si retournèrent à Paris devers le duc de Bedfort; et avant qu'iceux Anglois et Bourguignons fissent icelui assaut, avoient bien été buit jours logés devant la ville, et y assis grosses bombardes, dont ils avoient fait battre et travailler la muraille d'icelle.

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