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mi, aores qu'il eut fait son oraison, au Palais, où il coucha pour celle nuit. Et à son entrée étoient environ huit cents archers, bien habillés et en moult ordonnance, lesquels le comte d'Angoulême conduisoit. Et etoient le roi et le dauphin armés de plein harnois. réservé leur chef; et sur le barnois du roi étoit une tourmole couverte d'orfèvrerie, et sur son cheval étoit un pers (bleu) velour, tout tissu de grands fleurs de lys d'or moult riche, et battoit jusques à terre, et avoit un chanfrain d'acier, sur lequel avoit un très bel plumail. Et devant lui alloit, tont au plus près de sa personne, Pothon de Sainte-Treille, lequel portoit le heaume du roi, sar un bâton, appuyé contre la cuisse, lequel heaume étoit couronné d'une moult riche couronne ; et sur le milieu de ladite couronne avoit une double fleur de lys. Et menoit son cheval, tout à pied, un gentilhomme nommé Jean d'Olon, et toujours portoit-on le ciel dessusdit par-dessus lui. Et après lui suivoient les pages, qui étoient très richement et noblement habillés et ouvrés d'orfévrerie, et leurs chevaux pareillement. Et un petit devant ledit Pothon alloient le connétable, les comtes de Vendôme et de Tancarville, et plusieurs autres grands et notables seigneurs moult noblement montés et habillés. Et un petit ensuivant, le roi chevauchoit, et ledit dauphin, tout couvert d'orfévrerie, lui et son coursier moult noblement, et semblablement ses pages et leurs coursiers ; et étoit accompagné de messire Charles d'Anjou, son

oncle, des comtes de Perdiac et de la Marche. Et tout derrière suivoit le bâtard d'Orléans, armé de plein harnois, tout couvert d'orfévrerie, lui et son cheval ; et avoit une moult riche écharpe d'or, qui alloit par derrière jusques sur le dos de son cheval, et menoit la bataille du roi, où il y pouvoit avoir environ mille lances, fleur de gens d'armes, et habillés eux et leurs chevaux.

Et quant aux autres chevaliers et écuyers et gentilshommes, en y avoit en grand nombre qui étoient, eux et leurs chevaux, tout chargés d'orfévrerie. Desquels entre les autres, après les princes messire Jacques Chabannes et le seigneur de Rostelant, en eurent le bruit pouricelui jour, d'avoir été, eux et leurs gens et leurs chevaux, le plus richement parés et ornés. Et quant est au peuple d'icelle ville de Paris, il y en avoit si grand' multitude, qu'à grand' peine pouvoit-on aller parmi les rues, lesquels en divers lieux crioient à haute voix, tant comme ils pouvoient crier: Noël ! pour la joyeuse venue de leur roi et naturel seigneur, et de son fils le dauphin. Si en avoit plusieurs qui pleuroient de la joie et de la pitié qu'ils avoient, de ce qu'ils le revoyoient dedans leur ville. En après toutes ces choses faites et accomplies, et le roi venu au Palais en la manière comme dit est; se logea là, et avecque lui le dauphin, son fils, et tous les autres seigneurs tant chevaliers et écuyers comme gens de guerre, s'en allèrent loger parmi la ville, en plusieurs et divers lieux. Et fut crié, de par le roi, à son de

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trompe, sur la hart, que homme nul, de quelque état qu'il fût, ne mésît rien aux Parisiens, ni en corps, ni en biens. Et le lendemain, le roi montra au peuple, à la Sainte-Chapelle, la vraie croix NotreSeigneur, le fer de lance dont Notre-Seigneur Jésus-Christ fut féru au côté en la croix. Et tantôt après montèrent à cheval, et alla le roi loger à l'hôtel neuf, près de la bastille, et le dauphin se logea aux Tournelles. Si demeurèrent certaine espace de temps audit lieu de Paris; et furent faites plusieurs nouvelles ordonnances sur le régime du royaume.

Et

par espécial dedans icelle ville de Paris, furent adonc faits aucuns nouveaux officiers, tant en la cour de parlement comme ailleurs.

En outre, après ce que le roi eut fait son entrée à Paris, comme dit est, les comtes de la Marche et de Perdiac, enfants de Bernard, comte d'Armagnac, jadis connétable de France, mis à mort par la communauté de Paris, très grandement accompagnés de plusieurs seigneurs, tant d'église comme séculiers, firent déterrer leur feu père, et mettre en un cercueil de plomb; et après le firent porter en l'église Saint-Martin-des-Champs, où lui fut fait un service très solennel, auquel furent toute la plus grand' partie des colléges de Paris; et le lendemain fut mis sur un charriot couvert de noir, et convoyé à grand' solennité hors de la ville, et après mené à grand' compagnie de gens, de ses deux fils dessusdits, en la comté d'Armagnac.

CHAPITRE CCXX.

Comment les Brugelins se commencèrent à modérer et envoyèrent leurs ambassadeurs devers le duc de Bourgogne pour avoir la paix.

EN ce temps, les Brugelins, qui se sentoient grandement avoir offensé vers le duc de Bourgogne, leur seigneur, et aussi considérant que les autres bonnes villes de Flandre ne les vouloient aucunement conforter ni aider, par quelque manière que ce fût, se commencèrent à esmayer (effrayer) et avoir doute qu'à long aller ne pussent résister, ni eux défendre contre le dessusdit duc de Bourgogne; car avecque ce ils savoient assez qu'ils n'étoient point bien en la grâce des Gantois, et leur venoient chacun jour des nouvelles que le-devant dit duc de Bourgogne venoit à très grand' puissance de gens d'armes pour les subjuguer, et iceux Gantois seroient en son aide pour à eux faire guerre. Et pour à toutes ces choses dessusdites obvier, trouvèrent aucune manière d'envoyer leurs ambassadeurs devers icelui duc, qui se tenoit à Arras ; et fut la besogne assez longuement démenée entre icelles parties; et entre temps iceux Brugelins se commencèrent à abstenir de faire leurs courses et rudesses en icelui pays, comme par avant avoient fait.

CHAPITRE CCXXI.

Comment le seigneur d'Auxy et messire Florimont de Brimeu, sénéchal de Ponthieu et d'Abbeville, allèrent assiéger le Crotoy.

Au temps dessusdit, qui fut environ le mois d'octobre audit an, le seigneur d'Auxy, capitainegénéral des frontières de Ponthieu et d'Abbeville, avecque lui messire Florimont de Brimeu, sénéchal dudit Ponthieu, et un chevalier de Rhodes, preux et hardi aux armes, qui étoit nommé messire Jean de Foi, assemblèrent certain nombre de combattants, lesquels conducteurs conduisirent et menèrent devant le châtel du Crotoy, que pour lors tenoient les Anglois, espérant icelui reconquerre et mettre en l'obéissance du duc de Bourgogne, dedans bref terme ensuivant, parce qu'un paysan, qui naguère avoit été audit châtel, et comme il disoit, avoit époudré tous les blés de léans, leur donna à entendre qu'il étoit impossible qu'ils pussent vivre ni eux entretenir plus haut d'un mois. Sur lequel rapport, qui point n'étoit véritable, comme depuis fut apparent, s'en allèrent loger avecque leurs gens devant ledit châtel, en la vieille fermeté de la ville, et mandèrent aide de gens plusieurs seigneurs, qui leur envoyèrent aucuns hommes de guerre. Et avecque ce furent fort aidés

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