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princes se logèrent dedans ladite ville. Et environ quinze jours ensuivant, ceux dudit châtel se rendirent au roi, par tel si qu'ils s'en iroient saufs leurs vies et leurs biens. Après laquelle reddition, fut constitué capitaine le bâtard d'Orléans, qui le regarnit de ses gens. Et toutes ces besognes achevées, le dessusdit roi Charles, avecque lui son fils, et autres grands et nobles princes, s'en alla à Melun; et les gens d'armes, par compagnies, se tirèrent en divers lieux, mais la plus grand' partie allèrent vers Paris.

CHAPITRE CCX VI.

Comment ceux de Bruges issirent par plusieurs fois hors de leur ville et allèrent fourrager le plat pays.

OR, convient retourner à parler de ceux de Bruges, lesquels continuèrent toujours en leur mauvaise et folle opinion à l'encontre de leur prince, et allèrent très souvent par grands compagnies hors de leur ville fourrager le plat pays, et abattre les maisons de ceux qu'ils hayoient et tenoient pour leurs ennemis; et entre les autres, prirent le châtel de Coquelaire, que tenoit le bâtard de Bailleul, et y firent de grands dérois. Et d'autre part, quand ils étoient retournés dedans leur ville, ils faisoient souvent de cruelles justices sur ceux qu'ils sa

voient non être du tout de leur alliance. Et entre les autres, firent décoller le doyen des feures, et lui mirent sus qu'il vouloit livrer la ville aux Gantois. Et quant aux puissants et plus notables de la ville, grande partie s'en étoient partis, et allèrent en divers lieux pour doute des dessusdits; et après se mirent sus de trois à quatre mille, atout charrois, engins et habillements de guerre, et allèrent assiéger la ville de l'Écluse, qu'ils avoient en moult grand' haine; dedans laquelle étoit, de par ledit duc de Bourgogne, messire Simon de Lalain, avecque certain nombre de combattants. Si y furent par l'espace de ving-trois jours; durant lequel temps livrèrent plusieurs assauts à aucunes des portes et barrières d'icelle ville de l'Écluse; et y furent entre les parties faites plusieurs escarmouches, auxquelles en y eut grand nombre de morts et de navrés, et par espécial desdits Brugelins.

Et entre temps, le dessusdit duc de Bourgogne fit grand' assemblée de nobles et gens de guerre du pays de Picardie, et autres lieux de ses seigneuries autour de Saint-Omer, sur intention d'y aller pour eux combattre; mais durant le temps dessusdit, tant par le moyen des Gantois, qui s'en entremirent, comme pour la doute de l'assemblée que faisoit ledit duc, les dessusdits Brugelins se retrahirent en leur ville.

CHAPITRE CCXVII.

Comment les Anglois reconquirent la ville de Fescamp, en Normandie.

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EN ces jours, les Anglois mirent le siége devant la ville de Fescamp, en Normandie, et y furent environ trois mois ; en la fin desquels ceux de dedans se rendirent moyennant que de là se départiroientsaufs leur corps et leurs biens; mais tôt et assez brefs jours ensuivant fut reconquise par les François. Si avoit pour lors très grand' guerre par toute la Normandie, et se faisoient très souvent de diverses rencontres entre les parties; et entre les autres, y en eut une dont il faut faire mention : c'est à savoir que La Hire, Pothon de Sainte-Treille, le seigneur de Fontaines, Lavagan, et autres capitaines, se mirent ensemble un certain jour, et allèrent environ atout six cents combattants courre devers Rouen, sur intention de faire aucune bonne besogne sur iceux Anglois de Normandie leurs adversaires; mais ils faillirent de ce qu'ils avoient entrepris, et pourtant se prirent à retourner vers Beauvais. Et pource qu'eux et leurs chevaux étoient fort travaillés, se logèrent à un village nommé Ris, pour eux repaître et rafraîchir. Auquel logis vint assez tôt après messire Thomas Kiriel et aucuns autres capitaines

anglois, lesquels vigoureusement coururent sus, devant qu'ils pussent être assemblés, et enfin les déconfirent à peu de dommage de leurs gens. Et y fut pris ledit seigneur de Fontaines, Allardin de Moussay et plusieurs autres. Et La Hire, par le bon cheval qu'il avoit, se sauva à grand' peine, et fut navré en plusieurs et divers lieux. Et pareillement se sauva Pothon de Sainte-Treille, et aucuns autres avecque eux, et par espécial, perdirent la plus grand' partie de leurs chevaux et harnois. Après laquelle détrousse, les Anglois s'en retournèrent à Rouen, très joyeux de leur bonne fortune; mais ce nonobstant, ils perdirent tantôt ladite ville de Fescamp, comme ci-devant est déclaré.

CHAPITRE CCXVIII.

Comment le seigneur d'Offemont prit La Hire prisonnier, où il jouoit à la paume, en la cité de Beauvais.

DURANT les besognes dessusdites, le seigneur d'Offemont, qui point encore n'avoit oublié la mauvaise compagnie que La Hire lui avoit faite, lequel l'avoit pris et rançonné à Clermont en Beauvoisis, comme en autre lieu est plus à plein déclaré, assembla environ six vingt combattants, desquels étoit le seigneur de Moy, son beau-frère, le bâtard de Chauny, et plusieurs autres capitaines, lesquels

il mena, par moyen dudit seigneur de Moy, dedans la cité de Beauvais, dont La Hire étoit capitaine; et à cette heure jouoit à la paume en la cour d'une hôtellerie où étoit l'enseigne Saint-Martin. Ledit seigneur d'Offemont, atout ses gens, y alla tout droit, car bien le savoit par ses espies être à icelui jeu; mais La Hire, qui en fut averti aucunement, s'en alla musser (cacher) sous une mangeoire de chevaux, où enfin fut trouvé et pris par les gens dudit seigneur d'Offemont, avecque lui un nommé Perret de Salle-Noire. Si furent prestement montés à cheval derrière deux hommes ; et leur fut dit que s'ils faisoient semblant de crier, ni d'émouvoir quelque noise pour les rescourre, on les mettroit incontinent à mort. Et lors sans arrêter, furent amenés à travers de la ville hors de la porte; mais aucuns de ses gens et de la communauté s'assemblèrent et poursuivirent pour eux cuider délivrer, et y eut fait aucunes escarmouches de trait entre icelles parties. Néanmoins ils furent emmenés jusques au châtel de Moy, et de là à Meulan, où ils furent aucune espace de temps; et depuis furent amenés au châtel d'Ancre, qui étoit au dessusdit seigneur d'Offemont; et là furent certaine espace de temps prisonniers. Pour laquelle assemblée et entreprise le roi de France et plusieurs de ses capitaines n'étoient mie bien contents, pour tant qu'on l'étoit ainsi allé quérir ès pays du roi ; mais la plus grand' partie de ces nobles hommes et seigneurs dessusdits disoient avoir fait à icelui seigneur ce service à cause de lignage et appartenance.

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