Imágenes de página
PDF
ePub

on avoit attaché l'une de ses mains, c'est à savoir celle dont il avoit féru ledit roi d'Ecosse, et en cet état fut mené par la ville en plusieurs rues ; et environ lui avoient trois exécuteurs de justice, qui lui lançoient les fers tout chauds parmi les cuisses et autres parties de son corps; et après fut écartelé. Et les autres, chacun en droit soi, furent tourmentés très horriblement. Et fut cette justice tout accomplie en dedans les quarante jours après la mort du dessusdit roi d'Écosse. Et la cause pour quoi ledit comte fit cette cruauté à sondit neveu le roi d'Écosse, fut pource que après qu'icelui roi fut retourné d'Angleterre, où il avoit été long-temps prisonnier, comme il est déclaré en mon premier livre, et il fut retourné en son royaume d'Ecosse, il fit de très grands justices de plusieurs grands seigneurs, tant de son sang comme d'autres, qui avoient eu le gouvernement de son royaume durant sadite prison, et n'avoient point fait leur devoir selon son vouloir de le délivrer de la dessusdite prison. Entre lesquels en avoit fait exécuter aucuns qui étoient moult prochains audit comte d'Atholles. Et pour tant, jà-soit-ce que devant le jour dudit homicide, il fût un des plus prochains et plus féables dudit roi, néanmoins lui avoit de long-temps gardé cette mauvaise pensée et volonté, laquelle enfin il mit à exécution, comme vous avez ouï ci-dessus. Lequel roi d'Écosse avoit uu sien fils âgé de douze ans ou environ, lequel, par l'autorité et du consentement des trois états du

pays,

fut prestement élu et élevé à roi d'Écosse, et fut mis à gouvernement d'un moult notable chevalier, nommé messire Guillaume Criston, lequel le gouvernoit dès le vivant du roi son père; et avoit icelui roi nouvel la moitié du visage droit à ligne vermeil, et l'autre blanc. Et puis après certain temps ensuivant, ladite reine embla audit chevalier le roi son fils au châtel de Haudebourg (Edini. bourg), et le mit en autre gouvernement, c'est à savoir de grands seigneurs du pays, lesquels depuis firent mourir le comte de Douglas et un sien frère, appelé David de Combrebant, pource qu'on disoit qu'il avoit fait conspiration contre le jeune roi pour le déposer de sa seigneurie. Si avoit icelui jeune roi, six sœurs, dont l'aînée étoit mariée au Dauphin, fils au roi de France; et depuis en eut une le duc de Bretagne; et la tierce fut mariée au fils du duc de Savoie; la quarte, au fils du seigneur de La Verre en Hollande. Et après, la reine d'Écosse, mère aux enfants dessusdits, se remaria à un jeune chevalier nommé Jacques Stuart, et en eut plusieurs enfants.

Or est ainsi que depuis cet article écrit, je sus par approbation que ledit comte d'Atholles, principal facteur de la mort du roi d'Écosse, fut dévêtu tout nu en pur ses braies en la ville de Edimbourg, et fut tiré par plusieurs fois à une poulie, encontre mont tout haut, et puis on le laissoit choir en bas à deux pieds de terre; et après fut mis sur un pilier, et couronné d'une couronne de

fer ardent, en signifiant qu'il étoit le roi des traîtres. Et le lendemain fut mis sur une claie tout nu, et traîné de rue en rue; et après fut mis sur une table, et lui ouvrit-on le ventre; et puis furent tous ses boyaux et entrailles tirés hors et jetés en un feu, et ars en sa présence durant sa vie ; et depuis fut son cœur jeté au feu; et après fut décapité et écartelé, et les quartiers mis aux quatre meilleures et bonnes villes d'icelui royaume d'Écosse, comme dit est ci-dessus. Et avecque ce que lesdits facteurs moururent par divers martyres et tourments, furent aussi exécutés plusieurs de leurs plus prochains amis, qui point n'en étoient coupables: et n'est point mémoire qu'oncque on vît faire aux chrétiens plus âpre justice.

En ce propre temps, le duc de Bourgogne tint plusieurs étroits conseils avecque les trois états de son pays, pour avoir avis pour résister contre la descendue et puissance des Anglois ses ennemis, lesquels il attendoit chacun jour.

Il fut sur ce conclu de mettre garnison par toutes les frontières, tant sur la mer comme ailleurs. Et aussi fut ordonné à tous les nobles de ses pays et autres, qui s'avoient accoutumé armer, qu'ils fussent prêts, toutes les fois qu'on les manderoit, pour aller avecque les capitaines qui étoient commis pour la garde et défense des pays, c'est à savoir en chef, Jean de Bourgogne, comte d'Etampes. Et d'autre part, durant le temps dessusdit, plusieurs citoyens de la ville de Lyon sur le Rhône

se rebellèrent contre les officiers du roi de France, pour et à cause de ce qu'ils étoient trop travaillés de gabelles et subsides qu'on levoit sur eux; mais pour cette cause en furent plusieurs exécutés, et les autres emprisonnés par lesdits officiers royaux. Et pareillement aucuns Parisiens furent accusés de vouloir relivrer la ville de Paris aux Anglois ; entre lesquels en furent décapités maître Jacques Roussel et maître Mille des Saulx, avocats en parlement, et avecque eux un poursuivant ; desquels les biens furent confisqués au roi.

En l'an dessusdit, se mirent les Gantois en armes, eten très grand nombre, et occirent un nommé Gillebert Pactetent, souverain doyen des métiers, et lui imposèrent qu'il avoit empêché qu'on n'assaillît pas la ville de Calais quand on fut devant, et que les engins jetèrent peu durant le siége; et disoient que trahison y avoit couru. Si requéroient entre les autres choses, qu'on ordonnât et publiât que dorénavant on ne brassât plus nulles cervoises (bières), et qu'on ne fit nuls autres métiers à trois lieues près de Gand. Mais pource que les eschevins et autres officiers de la ville se mirent atout la bannière de France amiablement avecque eux sur le marché des Vendredis, et leur dirent courtoisement qu'ils en auroient avis et conseil, et feroient tant qu'ils y pourvoiroient, en telle manière qu'ils s'en devroient bien tenir pour contents, par raison ils furent tantôt rapaisés, et tantôt se départirent d'illec et mirent jus leurs armures paisiblement.

Et après plusieurs conseils tenus par les échevins et les doyens des métiers d'icelle ville sur le fait de ladite requête, icelle fut déclarée être inutile et déraisonnable; et finablement fut conclu et déterminé qu'on laisseroit le pays en l'état où il avoit été moult longuement, sans faire aucune irraisonnable nouvelleté.

CHAPITRE CCXII.

Comment La Hire, Pothon et plusieurs autres capitaines du roi de France cuidèrent avoir la cité de Rouen; et comment ils furent assaillis et déconfits des Anglois, lesquels les surprirent en leurs logis.*

EN cet an s'assemblèrent plusieurs des capitaines du roi Charles sur les frontières de Normandie, c'est à savoir La Hire, Pothon de Sainte-Treille, le seigneur de Fontaines, Lavagan, Philippe de la Tour, et aucuns autres, qui tous ensemble pouvoient être de huit cents à mille combattants. Et se tirèrent tous vers la cité de Rouen, sur intention d'entrer dedans icelle par le moyen d'aucuns des habitants, qui secrètement leur avoit promis d'eux faire ouverture. Mais cette entreprise fut rompue, parce que nouvellement les Anglois y étoient venus en grand nombre. Et pource que les dessusdits capitaines françois, atout leurs gens, qui déjà étoient

« AnteriorContinuar »