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et

sire Jean de Luxembourg, ni aussi au seigneur d'Orchimont; et par ainsi fut ce propos rompu, mis en délai. Et s'en allèrent l'évêque dessus nommé et une partie de ses gens loger à Aubigny, où il trouva que ceux de la garnison s'en étoient fuis de peur qu'ils avoient eue. Et pour tant fit ardoir la forteresse, et puis s'en alla au Haut-Châtelet, où il y avoit une partie de ses gens qui étoient dedans; et l'avoient abandonné ceux qui le tenoient; et fut abattu comme les autres. Et lors avoit l'évêque intention d'aller à Villiers; et quand ce fut venu à la connoissance d'icelui et de ceux de Mousson et d'Ivoy, doutant le dommage qu'ils pouvoient avoir au pays pour le grand nombre desdits Liégeois, eux-mêmes abattirent ledit fort de Villiers. Et quand ce fut venu à la connoissance dudit évêque, il prit son chemin pour aller à Beaurain; laquelle forteresse, Jean de Beaurain, qui en étoit seigneur, avoit fait fort réparer, et y édifier quatre tours; dont l'une étoit nommée Hainaut, la seconde Namur, la tierce Brabant, et la quatre Retels, qui étoient les quatre pays où il avoit pris la finance dont il les avoit fait fonder. Toutefois, quand il sut la venue des dessusdits Liégeois, il ne les osa attendre. Si s'en alla avecque ses gens, et y fit bouter le feu dedans: mais pourtant ne demeura mie que ledit évêque de Liége ne fit abattre de fond en.comble et du tout démolir. Et de là, sans plus avant besogner, ramena ses Liégeois en leur pays, et s'en retourna en sa cité de Liége.

CHRONIQUES DE Monstrelet. T. VI.

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En ce temps se rendit au seigneur d'Aussy et à messire Florimont de Brimeu, sénéchal de Ponthieu, la ville de Gamache en Vimeu, qui moult long-temps avoit tenu le parti des Anglois, par certains moyens qu'ils avoient dedans; en laquelle ville furent mis par ledit sénéchal gens d'armes de la partie du duc de Bourgogne. Et pareillement furent lesdits Anglois déboutés d'Aumarle ; et fut mise en la main d'un gentilhomme nommé David de Reume, qui tenoit le parti du roi Charles. Durant lequel temps, le comte de Richemont, connétable de France, fit assiéger le Creil, que tenoient les Anglois ; et fut faite une bastille au bout du pont d'icelle ville, vers Beauvoisis, où ils furent longue espace; mais enfin ils se départirent assez honteusement, dont ils eurent grand deuil au cœur ; et perdirent de leurs gens et aussi de leurs habillements de guerre bien largement.

CHAPITRE CCI.

Comment la ville et forteresse d'Orchimont furent détruites et démolies par le damoisel Éverard de la Marche.

DURANT ce temps, Bernard de Bourset, qui tenoit la forteresse d'Orchimont, sur la marche d'Ardennes, envoya environ cinquante saquements (pillards) qu'il avoit, pour courre sur le pays de Liége, ainsi que plusieurs fois par avant avoient fait; lesquels

furent aperçus du dessusdit pays de Liége, et mis à chasse par l'aide et entreprise du prévôt de Rebonge. Et de fait leur fut rompu le passage par où ils s'en cuidoient retourner, et s'enfuirent par emprès Dinant, et se boutèrent en Bouvines pour eux cuider sauver; mais ils furent détenus prisonniers. Et depuis, nonobstant que lesdits officiers du pays de Liége fissent plusieurs requêtes à ceux de Bouvines qu'ils fissent justice des dessusdits coureurs, si les délivrèrent-ils; car icelles deux seigneuries ne s'aimoient point bien l'une l'autre. Et entre temps qu'iceux furent ainsi empêchés, Everard de la Marche, qui étoit allié avec l'évêque de Liége et auquel iceux dessusdits coureurs avoit fait plusieurs dommages et déplaisances, assembla hâtivement ce qu'il put avoir de gens; et se mirent avecque lui iceux de Dinant et ceux du pays, atout lesquels il s'en alla devant Orchimont, et gagna la ville d'assaut. Et lors le dessusdit Bernard, qui adonc avoit très peu de gens de guerre avec lui, se retrahit en la forteresse, où il fut approché des Liégeois très fièrement, tant que par vive force, au bout de quatre jours, il fut contraint par telle manière qu'il se rendit, et fit traité avecque le dessusdit Everard de la Marche. Après lequel traité, icelle ville d'Orchimont et le châtel ensemble, furent démolis et rasés jusques à terre, dont tout le peuple de toute la marche et des pays à l'environ furent très joyeux, pourtant que de très long-temps par avant s'étoient tenus dedans

icelles aucunes gens de très mauvaise raison, et qui moult avoient grévé et oppressé leurs pays

voisins.

CHAPITRE CCII.

Comment les Anglois de Calais coururent vers Boulogne et Gravelines, et déconfirent les Flamands; et de La Hire qui gagna Gisors, et tantôt le perdit.

EN ce temps, après que les besognes dessusdites furent ainsi approchées de guerre, comme dit est ci-dessus, entre les Anglois et Bourguignons, et que chacune des parties étoit sur sa garde, iceux Anglois vinrent courre devant Boulogne, et cuidèrent prendre la Basse-Boulogne ; mais elle leur fut fort défendue. Si ardirent partie du navire qui étoit en hâvre, et après se retrahirent, atout (avec) ce qu'ils purent avoir, en leur forteresse, sans perte. Et assez bref ensuivant, se mirent ensemble de cinq à six cents combattants, et allèrent fourrager les pays vers Gravelines; mais les Flamands de la marche à l'environ du pays s'assemblèrent et coururent sus aux dessusdits Anglois, outre la volonté des gentilshommes qui les conduisoient, c'est à savoir Georges de Ubes et Chéry de Hazebrouck. Si furent tôt vaincus et mis à déroi: et en y eut de trois à quatre cents morts, et bien six vingts prisonniers; lesquels, par lesdits Anglois, avecque grands proies, furent menés dedans la ville de Calais, et ès autres forteresses de leur

obéissance; et les autres se sauvèrent par les haies et buissons, où ils purent pour le mieux.

Auquel temps aussi La Hire, qui se tenoit à Beauvais et à Gerberoy, par certains moyens qu'il avoit en la ville de Gisors, entra dedans à puissance, et gagna ladite ville; mais aucuns de la garnison étant léans, se retrahirent en la forteresse, et envoyèrent quérir secours de leurs gens à Rouen et ailleurs de leur obéissance. Lequel secours, dedans le tiers jour, fut envoyé si fort, qu'ils reconquirent la ville; et s'en partirent La Hire et les siens plus tôt que le pas, réservé de vingt à trente, qui demeurèrent en icelle ville, que morts que pris, avecque grand' quantité des habitants; desquels par iceux Anglois fut faite grand' destruction, pour tant qu'ils étoient demeurés avecque leurs ennemis.

CHAPITRE CCIII.

Comment les Gantois et ceux du pays de Flandre firent grand appareil de guerre, pour aller devant la ville de Calais.

DURANT le temps dessusdit, les Gantois, pour savoir leur puissance, mandèrent par tous leurs châtellenies et és pays à eux sujets, que tous ceux qui étoient leurs bourgeois, de quelque état qu'ils fussent, réservé ceux qui étoient à leur prince, vinssent dedans trois jours eux montrer devant les échevins de Gand, et faire écrire leurs noms et

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