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l'entour du Velin; lesquels Anglois furent assiégés, mais ils se rendirent, sauves leurs vies, réservés aucuns du pays, qui demeurèrent à volonté. Et le lendemain, qui étoit jeudi, messire Thomas de Beaumont, lequel nouvellement étoit venu à Paris, atout six cents Anglois qu'il avoit amenés de Normandie, alla, dudit lieu de Paris, à iceux vers ladite ville de Saint-Denis pour savoir et enquerre de l'état des François, desquels il fut aperçu ; et saillirent hors à grand' puissance contre lui. Si furent assez tôt mis à grand meschef et tournés à déconfiture; et en demeura de morts en la place bien trois cents, et quatre-vingts prisonniers, desquels fut l'un ledit messire Thomas ; et les autres se sauvèrent en fuyant à Paris, et furent chassés jusques aux portes de la ville. Et adonc les Parisiens, qui étoient moult favorables au duc de Bourgogne, c'est à savoir le quartier des halles, aucuns de l'université, Michaut Laillier et plusieurs autres notables bourgeois de Paris, eux voyant la perte qu'avoient faite les Anglois, et la puissance qu'avoient les François et Bourguignons auprès d'eux, se mirent ensemble par diverses compagnies, et conclurent l'un avec l'autre de bouter les Anglois hors de leur ville, et y mettre les François et Bourguignons dessusdits. Si le firent savoir au seigneur de l'Ile-Adam, afin qu'il y menât les autres. Lequel nonça ces nouvelles au connétable de France, et aux autres seigneurs; lesquels, tous ensemble se conclurent d'y aller, et se partirent de Saint

Denis en belle ordonnance le vendredi très matin. Et entre temps, Louis de Luxembourg, evêque de Thérouenne, les évêques de Lisieux et de Meaux, le seigneur de Villeby (Willoubgy), et plusieurs autres tenant le parti des Anglois, doutant ce qui leur advint; c'est à savoir que le commun ne se tournât contre eux, firent loger leurs gens en la rue SaintAntoine auprès de la bastille ; et firent ladite bastille de bien garnir de vivre et de plusieurs habillements de guerre ; et avec ce se tinrent leurs gens armés et sur leur garde pour eux y retraire si besoin leur en étoit. Et les dessusdits François et Bourguignons venus devant ladite ville de Paris vers la porte Saint-Jacques, outre l'eau vers Montlhéry, envoyèrent le seigneur de l'Ile-Adam parlementer à ceux des murs, lequel leur montra une abolition générale de par le roi Charles de France, scellée de son grand scel, en les admonestant très instamment qu'ils se voulsissent réduire en l'obéissance du dessusdit roi Charles, à l'instance et faveur du duc de Bourgogne qui s'étoit réconcilié avec lui, duquel ils avoient si bien tenu le parti, et encore demeuroient sous son gouvernement. Lesquels Parisiens oyant les douces paroles et offres que leur faisoit ledit seigneur de l'Ile-Adam et autres de sa partie, s'inclinèrent et conclurent assez bref ensuivant l'un avecque l'autre, de mettre les dessusdits seigneurs en leur ville.

Alors, sans délai, furent dressées échelles contre la muraille, par lesquelles icelui seigneur de l'Ile

Adam monta et entra en ladite ville, et avec lui le bâtard d'Orléans et grand foison de leurs gens. Avecque lesquels s'assemblèrent grand foison de Bourguignons, et grand foison du commun d'icelle cité, qui tantôt commencèrent à crier parmi ladite ville: La paix! vivent le roi et le duc de Bourgogne! Et tantôt après firent ouvrir les portes par lesquelles entrèrent dedans ledit connétable et autres seigneurs, atout leurs gens d'armes, qui se retrahirent vers la bastille Saint-Antoine où étoient les Anglois; c'est à savoir, les dessusdits évêques et seigneurs qui déjà se retrayoient dedans ladite bastille, et cuidoient aucunement résister; mais ce fut peine perdue, car leurs adversaires étoient trop puissants au regard d'eux ; par quoi ils furent assez tôt reboutés en icelle, et en y eut de morts et pris en petit nombre.

Et après furent faites barrières au devant de la porte de la Bastille, de quartiers de bois. Et se logèrent gens d'armes aux Tournelles et autres logis au plus près, afin qu'iceux Anglois ne pussent saillir dehors. Et lors tous leurs biens qu'ils avoient laissés furent pris et départis, et aussi plusieurs des principaux qui avoient tenu leur parti furent mis prisonniers, et leurs biens confisqués; et avecque ce, de par le roi Charles, y furent faits nouveaux officiers. En après, l'évêque de Thérouenne, le seigneur de Villeby et leurs complices étant en ladite bastille, eurent parlement avec les François ; lequel parlement, par le moyen du seigneur de Ter

nant, et de messire Simon de Lalaing, vint à conclusion par tel si, qu'en rendant ladite bastille, ils s'en iroient saufs leurs corps et leurs biens. Si eurent sauf-conduit du connétable de France, sous lequel ils s'en allèrent à Rouen par eau et par terre; et à leur département firent lesdits Parisiens grand huée en criant: A la queue. Et par ainsi demeura ladite ville de Paris en l'obéissance du roi Charles; et issirent iceux Anglois par la porte des champs, et allèrent par autour monter sur l'eau derrière le Louvre. Si perdit ledit évêque de Thérouenne sa chapelle qui étoit moult riche, et grand' partie de ses joyaux et autres bonnes bagues qui demeurèrent audit connétable. Toutefois il fut aucunement favorisé dudit seigneur de Ternant et de messireSimon de Lalaing; et lui fut secrètement rendue aucune partie de ses biens qui étoient aval la ville, à l'entrée de laquelle fut déployée la bannière du duc de Bourgogne et son étendard, pouravoulenter (disposer) lesdits Parisiens à eux tourner de ce parti. Et si y furent faits chevaliers nouveaux de par le connétable dessus nommé des marches de Picardie, Sanse de Lalaing et Robert de Neuville, avecque aucuns autres de la partie des François. Après laquelle entrée demeurèrent dedans icelle ville grande espace de temps ledit connétable, et avec lui ledit seigneur de Ternant, qui lors fut fait prévôt de Paris. Et le dessusdit messire Sanse de Lalaing et les autres, comme le bâtard d'Orléans et les autres Picards. retournèrent ès lieux dont ils étoient venus.

CHAPITRE CXCIX.

Comment Artus, comte de Richemont, connétable de France, fit guerre au damoiseau de Commercy.

EN cet an, le comte de Richemont. connétable de France, atout grand' compagnie de gens d'armes, vint au pays de Champagne et ès marches d'environ pour guerroyer le damoiseau de Commercy et les autres qui étoient désobéissants au roi Charles de France, et moult travailloient ses pays. Et à sa première venue prit Lonnois à quatre lieues près de Reims, et de là alla devant Braine, apartenant au seigneur de Commercy; mais pource qu'elle étoit trop forte et bien garnie, et qu'ils ne vouloient point obéir, il passa outre et s'en alla à Saint-Menehoult, que tenoit Henri de la Tour, lequel il en débouta par certains traités faits entre les parties. Auquel lieu vint devers le connétable le damoiseau Everard de la Marche, qui avec lui fit appointement pour avoir ses gens et mettre le siége devant Chavency. Si bailla ledit connétable plusieurs de ses capitaines avec leurs gens audit damoiseau Everard, qui allèrent assiéger ladite ville de Chavency, environ huit jours après Pâques; et là firent une grande et forte bastille où se logèrent environ quatre cents combattants, avec grand nom

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