Imágenes de página
PDF
ePub
[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Cominent le duc de Bar vint en la comté de Vaudemont pour la conquerre à force.

OR est vérité qu'au temps et à l'occasion de la guerre jà piéça émue, et dont en autre lieu est faite mention, entre René, duc de Bar, et Antoine de Lorraine, comte de Vaudemont, son ennemi, fit très grande assemblée de gens d'armes, tant des duchés de Bar et de Lorraine, comme des pays d'Allemagne et de plusieurs autres lieux, jusques au nombre de six mille combattants ou environ, desquels étoient les principaux les comtes de Salmes, de Salvines et de Limage, l'évêque de Metz, CHRONIQUES DE Monstrelet. T. VI.

1

messire Thibaut de Barbey, et aucuns autres nobles hommes et de grand état. Et si étoit avec eux ce gentil et renommé chevalier, le seigneur de Barbazan, au plaisir et induction duquel, ou au moins en la plus grand' partie, le dessusdit duc de Bar conduisoit son armée et exercite, pour ce qu'il étoit expert, subtil et renommé en fait de guerre. Lesquels grandement aornés et pourvus de grand nombre de charrois, vivres, artilleries et autres habillements de guerre, furent par ledit duc capitaine conduits et menés devant la ville de Vaudemont, chef-lieu et chef de ladite comté, laquelle fut en assez fort lieu. Et avec ce étoit bien réparée et pourvue, pour attendre guerre, tant de vivres et d'artillerie comme de gens et autres choses nécessaires, pour ce que par avant ledit comte étoit assez averti pour la venue de ses ennemis, et y avoit en son lieu constitué capitaine de ladite ville un nommé Gérard de Passenchault, bailli d'icelle comté, et Henri de Fouquencourt, lesquels deux firent bonne diligence de défendre et résister contre leurs adversaires. Néanmoins ils furent en assez bref terme assiégés et environnés de toutes parts, parce que leursdits adversaires étoient en très grand nombre au regard d'eux, et ne les pouvoient de ce détourber.

Et d'autre part lesdits assiégeants coururent, ravirent et dégâtèrent par feu et par épée la plus grand' partie de la comté de Vaudemont, dont grandement déplut audit comte; mais à présent lui

convenoit souffrir et endurer, pour ce qu'il n'étoit mie assez puissant pour y remédier. Si garnit les forteresses qui étoient en son obéissance de ce qu'il avoit de gens, et si conclut qu'il se retrairoit devers le duc Philippe de Bourgogne, duquel il avoit toujours tenu le parti, pour lui requerre humblement qu'il lui voulsît bailler aide de ses gens, afin qu'il pût délivrer sadite ville de ses ennemis, laquelle étoit assiégée, comme dit est. Lequel duc il trouva en son pays de Flandre.

Et après qu'il lui eut raconté ses affaires et la grand' nécessité en laquelle étoit la dessusdite ville de Vaudemont, ledit duc de Bourgogne lui fit réponse que de sa requête il parleroit volontiers à son conseil, et lui feroit brièvement réponse, et la meilleure aide que bonnement pourroit.

Et alors étoient venus des parties de Bourgogne, par-devers ledit duc, n'avoit point encore grandement, messire Antoine de Toulongeon, maréchal de Bourgogne, et aucuns autres notables personnes envoyés d'icelui pays, pour remontrer audit duc les grands affaires qui étoient en sondit pays de Bourgogne, par le moyen des François et Bourbonnois ses ennemis, qui, chacun jour incessamment, faisoient èsdites parties très grandes occisions et dommages, par feu et par épée, et avoient déjà conquis plusieurs bonnes villes et forteresses, au grand dommage et préjudice desdits pays, et étoient bien en volonté de plus avant conquerre, si par lui n'y étoit pourvu; requérant à icelui très humble

ment, qu'il lui plût, pour la salvation de ses pays, à eux faire aide de ses capitaines de Picardie, accompagnés de certain nombre de gens d'armes, et par espécial, de gens de traits, lesquels, comme ils disoient, leur étoient moult nécessaires.

Sur lesquelles deux requêtes dessusdites, ledit duc assembla plusieurs fois avec lui ceux de son conseil, pour avoir avis comment il pourroit besogner sur les affaires dessusdites. Si furent lesdites besognes moult débattues. Et lui remontroit-on comment les François ses ennemis étoient d'autre partie tout à l'environ des marches de Picardie, prêts et désirant d'entrer en son pays d'Artois; disant que s'il se défournissoit de ses Picards, et sesdits ennemis le savoient, ils lui pourroient porter un très grand préjudice.

Nonobstant toutefois tous les périls qui s'ensuivoient ou pourroient s'ensuivre, fut enfin conclu, pour le mieux faire que laisser, qu'on bailleroit audit maréchal, certain nombre de combattants, jusques à mille ou douze cents, lesquels seroient conduits et menés par aucuns chefs de la marche de Picardie, au-dessous dudit maréchal à tous les dessusdits; et ceux qu'ils pourroient avoir en Bourgogne, feroient au comte de Vaudemont le pius grand aide et secours qu'ils pourroient.

Après laquelle conclusion fut avisé quelles gens on pourroit prendre pour conduire cette entreprise; mais il y eut peu de gens d'état qui en voulussent entreprendre la charge, pource que c'étoit

« AnteriorContinuar »