Imágenes de página
PDF
ePub

lesdits François, lesquels, voyant qu'il étoit droit heure de besogner, avant que leursdits adversaires fussent assemblés, firent saillir hors leurs gens de pied le plus coiment que faire se put, desquels leurs adversaires furent vigoureusement assaillis, quand ils les virent devant eux. Et furent iceux Anglois ainsi comme demi surpris, et en bref déconfits, et la plus grand' partie mis à mort et tourné à grand meschef. Et adonc ceux de cheval, qui étoient saillis pour garder que icelui comte d'Arondel ne secourût ses gens, virent venir et approcher moult fort la seconde compagnie, dont dessus est faite mention, qui déjà étoient assez près, et ne se donnoient garde de leurs ennemis, pource que leur chef étoit devant. Si furent par les dessusdits incontinent envahis, et par force tréperçés et dérompus par plusieurs fois, par quoi ils ne se purent rassembler; mais en y eut grand' partie qui se prirent à retourner et à fuir vers Gournai, et les autres si furent assez tôt morts, pris et tournés à grand meschef.

Et adonc La Hire, atout une grand' partie de ses gens, chassa les fuyants bien deux lieues ; en laquelle chasse plusieurs des Anglois furent morts et pris. Et, d'autre part, les gens de pied avoient fort approché le comte d'Arondel, lequel, atout ses gens, s'étoit retiré au coin d'un clos, où il s'étoit logé : si étoit adossé de haies, et et par devant fortifié de poinssons, par quoi iceux gens de pied ne pouvoient bonnement entrer pour ladite forti

fication. Si firent apporter une coulevrine qu'ils avoient en leur fort, laquelle, au second coup qu'ils la firent jeter, férit ledit comte parmi la jambe, vers la cheville du pied, dont il fut durement blessé, et à grand' peine se pouvoit soutenir. Et après, La Hire retourna de ladite chasse où il étoit allé, amenant avecque lui plusieurs prison niers; mais, quand il aperçut la compagnie du comte d'Arondel être encore entière, il rassembla sa force et ses gens, et alla derechef combattre les dessusdits comte et ses gens, qui, en assez bref terme, comme les autres, furent tournés à déconfiture, et furent tous morts et pris sans nul remède. Entre lesquels furent pris des gens de renom, premier, ledit comte d'Arondel, messire Richard de Dondeville, Mondot de Montferrant Restandif, et autres, jusques à six-vingts hommes, ou mieux, qui tous furent prisonniers ès mains des François ; et en y eut de morts largement jusqu'à douze-vingts, et le remanant se sauva par bien fuir là où ils purent le mieux.

Après laquelle détrousse et déconfiture les capitaines de France rassemblèrent leurs gens, et trouvèrent qu'ils n'avoient point perdu vingt hommes de leur compagnie. Si furent moult joyeux de cette victoire et noble aventure, et en regracièrent dévotement leur créateur, et puis s'en retournèrent en leur place. Et de là le comte d'Arondel fut mené à Beauvais, où il mourut de sa blessure. Si fut enterré aux Cordeliers, et les autres prison

niers anglois furent depuis délivrés par finance. Et par ainsi les François qui étoient à Rue, demeurèrent sûrement et paisiblement quant alors, et se commencèrent de plus en plus à eux garnir et fortifier.

CHAPITRE CLXXIII.

Comment le duc de Bourgogne fut mal content et indigné sur ceux de la ville d'Anvers.

EN ce temps, Philippe, duc de Bourgogne, étant en sa duché de Brabant, fit assembler très grand nombre de gens d'armes du pays de Picardie et autres contrées sous son obéissance, lesquels il avoit en propos de bouter en la ville d'Anvers, par certains moyens qu'il avoit en icelle, afin de punir aucuns des gouverneurs et habitants d'icelle ville, qui étoient en son indignation, pour tant que longtemps par avant ils avoient pris ou souffert prendre de force, par leurs sujets, un grand navire qui étoit au duc de Bourgogne, garni de ses gens, lequel il avoit fait mettre à l'embouchure de l'entrée du hâvre par où les marchands de plusieurs pays venoient par mer audit lieu d'Anvers : et là, les gens dudit duc, étant dans icelui navire, cueilloient sur les marchands passants plusieurs tributs, qui grandement étoient au préjudice de ladite ville, comme

ils disoient, et aussi contre le serment que leur avoient fait passer à long-temps les ducs de Brabant défunts à l'entrée de leurs seigneuries, et mêmement icelui duc présent. Par quoi, comme dit est dessus, sans faire sommation à leur prince ni officiers, furent tous contents de ce prendre : c'est à savoir icelui navire, et amener dedans leur ville et mettre prisonniers ceux de dedans. A l'occasion de laquelle besogne, le duc dessusdit, de ce non content, avoit fait l'assemblée dessus déclarée pour entrer dedans icelle ville secrètement, et les punir; mais entre temps son intention fut sue et découverte par aucuns sachant sa volonté, et furent ceux d'Anvers avertis de ce qu'on leur vouloit faire, dont grandement furent émerveillés.

Et lors, sans délai, ils se mirent en armes, en grand nombre, pour eux défendre, si aucunement on les vouloit assaillir, et de fait allèrent à l'abbaye de Saint-Michel, séant dedans leur ville, où se logeoit ledit duc de Bourgogne quand il venoit en leurdite ville. Et pource qu'ils avoient l'abbé dudit lieu en suspection, cherchèrent par tous les lieux de léans, haut et bas, pour savoir s'ils y trouveroient nuls de leurs adversaires; et après qu'ils virent qu'il n'y avoit homme qui mal leur voulût, rompirent les murs de ladite abbaye en plusieurs lieux, afin que de la ville on pût garder et passer pour faire leurs défenses aux murs qui étoient à l'encontre de ladite abbaye. Après laquelle besogne se retrahirent de là, et firent grands

préparations pour eux bien garder. Si fut ledit due bref en suivant bien acertené qu'ils savoient son entreprise; et pour ce, voyant qu'icelle ne pouvoit mettre à exécution, licencia ses gens d'armes, et fit défendre sur peine capitale, aux bonnes villes de Flandre, Brabant, et autres, ses pays environ, que nul ne portât ne menât vivres ou autres biens quelconques, en ladite ville d'Anvers, ni que on leur donnât.conseil, confort ni aide. Et adoncque, ceux de celle la ville, sachant icelle publication être faite contre eux, furent en grand' tristesse, et gardèrent leur ville diligemment, et demeurèrent une bonne espace en ce danger. Puis se firent traités entre icelles parties, parmi ce que ledit duc en eut grand' somme de deniers, et retournèrent les gouverneurs de ladite ville d'Anvers en sa grâce.

CHAPITRE CLXXIV.

Comment les François prirent sur les Angloís la ville de SaintDenis, en France.

DURANT le temps dessusdit, prirent les François la ville de Saint-Denis, tant de force comme d'emblée, et étoient en nombre douze cents combattants ou environ, desquels étoient les principaux, messire Jean Foucault, messire Louis de Vaucourt, messire Regnault de Saint-Jean, et au

« AnteriorContinuar »