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CHAPITRE CLI.

Comment le concile de Bâle fut en cet an en grand état tenu.

DURANT ce temps dessusdit, étoit le concile de Bâle en grand état tenu; et y étoit venu l'empereur signifiant roi des Romains, et plusieurs autres seigneurs de diverses nations, tant ecclésiastiques que séculiers, lesquels entendoient diligemment à mettre ambassadeurs sus, pour apaiser les discords d'entre le roi de France d'une part, et le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne d'autre part. Et entre temps vinrent nouvelles audit concile qui leur furent moult plaisants, c'est à savoir que les Pragois avoient été déconfits et morts de huit à dix mille personnes, par les nobles du pays de Béhaine, et par avec eux six cents hommes de guerre, que ceux dudit concile avoient envoyés en leur aide. Et bref ensuivant, furent occis deux prêtres qui étoient capitaines des errants, dont l'un étoit nommé Protestus du Tabouret, et l'autre Lupus, et avec eux six mille de leur secte. Si fut lors conquise la grand' cité de Prague, et nettoyée des mécréants, et grand' partie du pays. Si envoyèrent ceux de Béhaigne leur ambassade au concile, pour avoir absolution et confirmation de la foi catholique. Et adonc fut, par ledit concile, levé un demi

dixième sur le clergé. Et derechef vinrent les ambassadeurs du roi de Castille et des Espagnols, en très grand état, audit lieu de Bâle, et étoient bien quatre cents personnes et deux cent mulets, sans les chevaux. Et furent envoyés de par icelui concile, les cardinaux de Sainte-Croix et de Saint-Pierre, devers Philippe Maria, duc de Milan, pour ravoir la terre de l'Eglise qu'il tenoit, mais ce fut peine perdue.

CHAPITRE CLII.

Comment la ville et le châtel de Provins, en Brie, que tenoient les François, furent pris des Anglois et Bourguignons; et aussi comment la ville et forteresse de Saint-Valery fut reprise des François.

EN ce temps furent pris d'échelles, la ville et châtel de Provins, en Brie, que tenoient les François, par les Anglois et les Bourguignons, desquels étoient les chefs, messire Jean Raillard, Mando de Lussach, Thomas Girard, capitaine de Montereau faut Yonne, Richard Huçon, et aucuns autres, lesquels pouvoient avoir environ quatre cents combattants; et fut des écheleurs un nommé GrosseTête, et fut pris par le châtel environ cinq heures après minuit. Et étoient dedans environ cinq cents hommes de guerre, dont le principal étoit le com

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mandeur de Gueraines, qui, avec ses gens, très vaillamment se gouverna et défendit l'espace de huit heures ou environ, et tant que lesdits entrepreneurs en moururent largement, jusques au nombre de six vingts ou mieux, entre lesquels en fut l'un, un nommé Henri de Hongrefort, anglois, très vaillant homme d'armes. Néamoins, ladite ville et forteresse furent conquises, et du tout mises à saquement, et forent morts et pris grand' partie des dessusdits François défendeurs. Mais ledit commandeur, voyant que nul remède ne s'y pouvoit mettre, se sauva avec aucuns autres. Et depuis en demeura capitaine le seigneur de la Grange.

A l'entrée du mois de janvier, reprirent les gens du roi Charles, c'est à savoir, Charlot du Marêts, capitaine de Rambures, la ville et forteresse de Saint-Valery, par faute de guet; laquelle Robert de Saveuse avoit en sa garde, mais pour lors n'y étoit pas, et y avoit eu si grande mortalité, que de gens s'y s'y osoient tenir. Néanmoins le bâtard de Fiennes son lieutenant, fut pris, et aucuns autres avec lui. Pour laquelle prise ceux de Ponthieu, et autres à l'environ, furent en moult grand doute. Philippe de la Tour fut principal chef à prendre cette ville de Saint-Valery, avec le dessusdit Charlot du Marêts.

peu

CHAPITRE CLIII.

Comment le duc de Bourgogne retourna en ses pays de Bourgogne, en Flandre et en Artois, et amena avec lui Jean, fils du comte de Nevers; et autres matières.

Au commencement de cet an, Philippe, duc de Bourgogne, retourna en ses pays de Bourgogne, en Artois, en Flandre et en ses autres pays, six cents combattants avec lui ou environ, et laissa audit pays de Bourgogne la duchesse sa femme et son petit fils, et avec ses forteresses garnies de ses gens d'armes. Auquel retour amena avec lui Jean, fils au comte de Nevers, son cousin-germain, et fils à sa femme précédente. Si visita ses pays et bonnes villes, et prépara pour avoir gens et argent, pour retourner audit pays de Bourgogne. Et entre temps, les gens de messire Jean de Luxembourg, tenant les frontières de Laonnois, prirent le fort de l'abbaye SaintVincent-lez-Laon, que tenoient les gens du roi Charles; dedans lequel fort fut pris un notable gentilhomme, nommé Antoine de Cramailles, auquel le dessusdit duc de Luxembourg fit couper le chef, et son corps écartelé à Ripelmonde ; et demeurèrent morts à la prise dudit fort de Saint-Vincent Jamet de Pennesac et Eustache Vaude. Et après, ledit messire Jean de Luxembourg garnit icelui fort

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de ses gens d'armes pourquoi ceux de la ville de Laon furent en très grand doute, et, pour mieux y résister, garnirent leur ville de droites gens d'armes; et par ainsi les parties chacun jour livroient l'un contre l'autre de grands escarmouches, auxquelles souvent advenoit qu'il y en avoit de chacune partie des morts et de navrés, et entre les autres, de la partie dudit messire Jean de Luxembourg, y fut mort un vaillant chevalier, nommé Colart de Forges, par un trait dont il fut féru auxdites escarmouches, au travers de la jambe.

CHAPITRE CLIV.

Comment ledit Jean de Nevers fut ordonné à mettre le siége devant Moreul, et lui fut donné la comté d'Étampes.

APRÈS ce que le duc de Luxembourg eut ramené ès pays de Picardie Jean, fils du comte de Nevers, comme dit est dessus, lui fut, par ledit duc de Bourgogne, donnée la comté d'Etampes, et en porta le nom de ce jour en avant grand espace de temps, et avec ce, fut ordonné capitaine de Picardie, pour avoir la charge des frontières. Si assembla gens d'armes pour aller assiéger le château de Moreul, que tenoient les François. Avec lequel se mit le seigneur d'Antoin, messire Jean de Croy le vidame d'Amiens, Valeran de Moreul, le sei

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