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eu ladite ville de Guise, pour la victoire qu'ils avoient obtenue.

CHAPITRE CXLIX.

Comment La Hire et plusieurs autres François coururent en Artois et en Cambrésis; mais ce fut devant l'aventure dessusdite.

Au mois de septembre, la Hire, accompagné de plusieurs capitaines du roi Charles, c'est à savoir Antoine de Chabannes, Blanchefort, Charles de Flavi, Regnault de Longueval, et aucuns autres, avecque bien quinze cents combattants ou environ, qu'ils avoient assemblés ès marches de Beauvais, passèrent l'eau de Somme à Cappy, au pays d'Artois; si prirent icelui à fourrer, et de première venue, prirent grand nombre de paysans, qui de ce ne se donnoient garde; lesquels ils emmenèrent en la ville de Beauvais, en Cambrésis, où ils se logèrent tous ensemble. Et derechef, comme ils avoient fait ailleurs, prirent la plus grand' partie des hommes d'icelle, lesquels ils composèrent à grand' finance. Et le lendemain se mirent aux champs tous ensemble, en une compagnie; et après qu'ils eurent chevauché un petit en cet état, ils se départirent pour aller en deux lieux ; c'est à savoir, Antoine de Chabannes et Blanchefort, atout leurs gens, s'en allèrent passer devant Cambrai, et prirent leur

chemin droit à Hâpre, où la franche fête avoit été le jour devant la tour d'Ywis; et pource que ceux de dedans ne se voulurent composer à leur plaisir, ardirent la plus grand' partie de la ville du Moulin. Et après s'en allèrent devers ladite ville de Hâpre, où il y avoit très grand nombre de peuple, et de biens abondamment. Si se férirent dedans, sans ce que ceux de Hâpre en fussent de rien, avertis, si en prirent plusieurs; mais les autres se retrahirent en une forte tour avecque les moines, où ils furent par iceux François longuement as saillis.

Et pource qu'ils ne les purent avoir, après ce qu'ils eurent pris et ravi des biens d'icelle ville tout à leur plaisir, boutèrent le feu en plusieurs maisons, et aussi en l'église Saint- Akaire et en l'abbaye, et y firent dommage incomparable. Et après ce se remirent aux champs atout leurs bagages, et traversèrent le pays de Cambrésis; si prirent plusieurs hommes prisonniers, et ardirent plusieurs maisons, et puis s'en allèrent loger au mont Saint-Martin avecque la Hire, qui là les attendit. Et en ce même jour ledit la Hire avoit fait ardoir et embraser la ville de Beau-Revoir, le moulin, et aussi une très belle maison de plaisance nommée la Mothe, séant assez près d'icelle ville, laquelle étoit à la comtesse de Ligny. Si coururent lors en plusieurs parties, par petites compagnies, en faisant grands maux et innumérables dommages sur le pays, sans être occupés de leurs ennemis ;

car messire Jean de Luxembourg étoit encore avec le jeune comte de Saint-Pol, son neveu, pour les affaires qui lui étoient survenues à cause de la mort du comte Pierre son frère.

Et pour cette cause, les dessusdits François ne trouvèrent quelque détourbier, ni résistance partout où ils allèrent durant cette entreprise. Et en après, du mont Saint-Martin prirent leur chemin vers Laon, et en accueillant grandes proies de bétail, et menant grand' multitude de prisonniers, s'en allèrent loger à Cressi-sur-Serre, et de là, sans perte de leurs gens, s'en retournèrent à Laon, où ils partirent leur butin, et puis s'en allèrent en leurs garnisons, chacun dont ils étoient venus. Environ le temps dessusdit, retournèrent des pays de Bourgogne les seigneurs de Croy et de Humières, atout deux mille chevaux, lesquels, par long espace, avoient été avec le duc Philippe de Bourgogne, pour faire plusieurs conquêtes audit pays sur les François. Auquel temps la duchesse de Bourgogne se délivra d'un fils en la ville de Dijon, lequel fut fait chevalier sur les fonts. Et furent les parrains, Charles, comte de Nevers, qui lui donna son nom, et ledit seigneur de Croy avec lui. Et avant son département, fut dès lors constitué de l'ordre de la confraternité de la Toison d'or, et avec ce, par le dessusdit duc de Bourgogne son père, lui fut donnée la comté de Charrolois.

CHAPITRE CL.

Comment le duc de Bourgogne tint la fête de la Toison d'or en la ville de Dijon; et comment il alla aux noces du fils du duc de Sayoie.

EN ce temps, le duc de Bourgogne tint sa fête de la Toison d'or en la ville de Dijon, en Bourgogne, et bref ensuivant vinrent devers lui les gens du duc de Savoie, lui requerre qu'il voulsît aller aux noces de son neveu le comte de Genève, lequel prenoit à femme la fille au roi de Chypre, et se devoit tenir la fête d'icelles noces à Chamberry, en Savoie. Lequel duc de Bourgogne accorda d'y aller; et après qu'il eut ordonné ses besognes, environ la Chandeleur, laissa sa femme la duchesse, à Châlons en Bourgogne, et son armée environ; et se partit atout deux cents chevaliers et écuyers, et chevaucha par plusieurs journées, tant qu'il vint en ladite ville de Chamberry, en Savoie, et là vinrent au-devant de lui le duc de Savoie et son cousingermain le comte de Genève, lesquels les reçurent moult liement. Et le lendemain furent faites les noces moult solennelles et plantureuses, et se sirent à la grand' table, le cardinal de Chypre, oncle de l'épousée, la reine de Sicile, femme du roi Louis, fille dudit duc de Savoie; et puis ledit duc

de Bourgogne, tous trois au droit lez, et au milieu fut assise l'épousée; et après le duc de Bar, le comte de Nevers, et le damoisel de Clèves. Et à la seconde table se sirent le duc de Savoie, le comte de Fribourg, le marquis de Fribourg, le prince d'Orange, le chancelier de Savoie, et autres seigneurs et dames. Aux autres tables furent assis plusieurs chevaliers et écuyers, dames et damoiselles de diverses contrées, moult richement habillés, lesquels, chacun selon son état, furent moult hautement et richement servis ; et dura ladite fête par trois jours moult plantureuse. Durant laquelle furent faites moult de joyeusetés en danses et autres ébattements. Et après, ledit duc de Bourgogne donna à l'épousée un moult riche fermail de la valeur de trois mille francs. Et puis, les trois jours dessusdits passés, prit congé à toute la seigneurie qui là étoit, et s'en retourna en Bourgogne. Si fut à son département grandement remercié du duc de Savoie et de son fils.

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