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adverse avoit moult à souffrir. Nientmains, Charles des Mares, qui estoit ung des principaulx capitaines de la dessusdicte ville de Dieppe, et aulcuns aultres vaillans homme de guerre avec lui, faisoient moult grand diligence nuit et jour pour résister aux dessusdiz Anglois, leurs adversaires. Et aussy, durant le temps que ycelle bastille y fut faite, furent ravitailliés par pluiseurs et diverses fois, tant par mer comme par terre. Et y avoit très souvent entre lesdictes deux parties de très dures escarmuches, auxquelles en demouroit très souvent de mors et de navrés des deux parties. Et dura ceste besongne entre ycelles parties assés longuement, et jusques à tant qu'on comptoit le temps l'an mil IIII et XLIII, que lors Loys, Daulphin, premier filz du Roy, y ala à tout sa puissance et conquist ladicte très forte bastille de force, comme ci-après sera plus à plain déclairié.

CHAPITRE CCLXX.

Comment Pierre Renauld fut par force débouté de la forteresce de Milly '.

Vous avez bien oy racompter comment Pierre Renauld estoit logié ou chastel de Milly estant à deux lieues ou environ près de Beauvais, lequel lieu de Milly il avoit fait réparer et fortifier. Et avoit bien avec luy le nombre de deux cens combatans, tous fors sacquemans, rades et viguereux, à tout lesquelz il

1. C'est ici que reprend Vérard, qui, comme nous l'avons dit plus haut, n'a pas les deux chapitres précédents.

couroit souvent en divers lieux. Et tout ce qu'il povoit attaindre et attraper au dehors des chasteaulx et fermetez', tant sur les pays du Roy, comme ailleurs, estoit prins, ravi et enmené ou emporté en leur forteresce ou garnison. Et par espécial avoit couru et couroit continuellement de jour en jour sur les villes et pays de l'obéyssance et signourie du duc de Bourgongne, du conte d'Estampes, et de pluiseurs aultres grans seigneurs de ce party. Et meismement très souvent passoient l'eaue et la rivière de Somme en tirant vers les marches d'Artois, où il avoit de xi à xvi lieues de leur dicte garnison. Et pareillement faisoient les chastellenies de Péronne, Mondidier et Roye, où ilz prenoient de bons prisonniers, lesquelz ilz mettoient à grosses finances, ainsy et par la manière que euyssent peut faire les adversaires du temps de la guerre, avec tous aultres biens quelconques, dont lesdiz pays estoient moult fort oppressés et travilliés. Si en furent par pluiseurs fois faites grandes plaintes et doléances aux seigneurs dessusdiz, dont ilz estoient très mal contens. Et pour ceste cause, envoia ledit duc de Bourgongne devers le Roy, avec aultres affaires, luy remoustrant la destruction de yceulx ses pays, en luy requérant de y avoir provision. A quoy le Roy fist responce, comme aultre fois avoit fait pour pareil cas : C'estoit qu'il luy en desplaisoit moult, et qu'il estoit très content que ledit duc de Bourgongne le feyst ruer jus et destrousser se il le povoit trouver en sesdiz pays, ou qu'il le feyst asségier et débouter par ses gens, d'ycelle forteresce de Milly. Et il manderoit et feroit

1. Forteresses.

faire deffence à tous ses capitaines des marches à l'environ, qu'ilz ne lui baillassent ayde, souscours ne faveur nulle contre les gens dudit duc de Bourgongne, sur autant qu'ils doubtoient à encourir son indignacion. De laquelle responce ycelui duc fut assés content, et se pourpensa qu'il pourverroit au sourplus au plus brief que bonnement faire le pourroit. Si trouva moyen de faire traictier avec aulcuns capitaines Anglois sur la marche de Normendie, et qu'ilz bailleroient seurté de non faire guerre à ses gens. Et quand ledit duc de Bourgongne fut assés adcertené des deux parties qu'ilz ne luy porteroient nul grief ne dommage, ne à ses gens, à la cause devant dicte, luy, qui pour lors estoit en son pays de Bourgongne, fist sçavoir au conte d'Estampes, qui avoit le gouvernement de ses pays de Picardie, qu'assamblast le plus de gens de guerre qu'il pourroit finer et les menast devant ledict chastel de Milly. Sur quoy ledict conte fist grand diligence et mist ensamble en assés brief terme bien le nombre de douze cens combatans ou environ, tant chevaliers, comme escuyers et aultres gens de guerre, les plus experts et exelens d'ycelui pays de Picardie et de la marche à l'environ. Entre lesquelz estoient, Walerant de Moreul, Gui de Roye, Jehan de Hangiers, le seigneur de Saveuses, Simon de Lalaing, Jehan de Happlaincourt, Charles de Rochefort, messire Colard de Mailly, et moult d'aultres grans et notables seigneurs et gentilz hommes. Et fut faite celle assamblée en la ville d'Amiens. Duquel lieu, à tout charroy chargié de vivres et habillemens de guerre, s'en alèrent en moult belle et bonne ordonnance, par aulcuns jours, jusques à Beauvais, où il

fut receu moult honnourablement, et ses gens se logèrent ès vilages environ. Et de là ledit conte se tira devant le chastel de Milly. Si fist logier ses gens au plus près de la porte, qui desrompirent très fort les deffences de la dessusdicte forteresce, et par espécial de la basse court qu'ilz avoient moult fort réparée de quesnes' et d'aultres groz bos. Si se commencèrent ceulx de dedens à deffendre très radement et très viguereusement, tant de canons comme d'aultres artilleries et engiens de guerre. Desquelz ilz occirent et navrèrent aulcuns des gens du conte d'Estampes. Entre lesquelz y fut mort messire Mathieu de Humières. Et avoient les gens dudit conte laissié leurs chevauls, pour la plus grande partie, en la ville de Beauvais. De laquelle, et aussy de la cité d'Amiens venoient vivres de jour en jour audit siège. Durant lequel siège, après que les engiens dessusdiz eurent moult fort adommagié les fortificacions de la basse court dessusdicte, y fut livré par lesdiz asségans ung très dur et fort assault. Auquel, tant d'un costé comme d'aultre furent faites pluiseurs vaillances et prouesces. Desquelles, entre les aultres, le seigneur de Saveuses, avec ses gens, emporta le bruit. Nientmains, ceulx de dedens se deffendirent très puissamment, et tant que lesdiz assaillans véant que bonnement ne les povoient conquerre sans avoir trop grand perte et dommage de leurs gens, se retrayrent. Et y furent mors des assaillans environ de huit à dix. Et des deffendeurs aulcuns navrés. En après, yceulx deffendans, considérans qu'ilz ne se povoient longuement tenir, et

1. De chênes.

y eut

aussy qu'ilz n'avoient point grand espérance d'avoir aulcun secours, firent traictié avec les commis dudit conte d'Estampes, moyenant et par tel sy, qu'ilz se départiroient de là en emportant trestous leurs biens avec eulx. Si rendirent la dessusdicte forteresce, dedens laquelle on bouta le feu, et le fist on du tout démolir et désoler. Et ce fait, ledit conte et ses gens s'en retournèrent, environ la sepmaine peneuse', ès lieux dont ilz estoient venus. Et avoit ledit conte esté devant ladicte place et tenu siège environ de trois sepmaines ou plus, audit lieu de Milly.

Pour lequel voiage et déboutement des dessusdiz coureurs, tous les pays qui avoient acoustumé d'estre courus et pilliés, furent très joieux quand ilz furent adcertenez qu'on les avoit ainsy deslogiés et chaciés hors de ladicte place.

1. La semaine sainte.

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