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pourpre (1). Aujourd'hui, en Chine, celui qui porte ou achète des habits avec les dessins prohibés du dragon ou du phénix, subit trois cents coups de bâton et trois années de bannissement (2).

La symbolique explique cette sévérité des lois et des moeurs ; à chaque couleur, à chaque dessin appartenait une idée religieuse ou politique : la changer ou l'altérer était un crime d'apostasie ou de rébellion.

Les archéologues ont remarqué que les peintures indiennes, égyptiennes, et celles d'origine grecque, nommées étrusques, sont composées de teintes plates d'un coloris brillant, mais sans demi-teintes ); cela devait être. L'art ne parlait pas seulement aux regards des profanes, il était encore l'interprète et le dépositaire des mystères sacrés. Le dessin et le coloris avaient une signification nécessaire, ils devaient être tranchés: la perspective, le

(1) Justinian. Cod. lib. IV, tit. 40.

(2) Code Pénal de la Chine, tom. II, p. 340.

(3) Quatremère de Quincy, de l'Architecture égyptienne, p. 167.

clair-obscur et les demi-teintes auraient entraîné la confusion. Ils furent inconnus ou leur manifestation sévèrement réprimée.

Nous pourrions affirmer, sans invoquer aucune autorité, que si le dessin des hiéroglyphes égyptiens est symbolique, la couleur le fut également; n'offrait-elle pas en effet le moyen le plus direct de frapper les regards et d'attirer l'attention; même de nos jours, les grands coloristes ne sontils pas plus populaires que les grands des

sinateurs?

En remontant à l'origine de l'écriture, on voit que la couleur fut le premier moyen de transmettre la pensée et d'en conserver la mémoire. Les quipos du Pérou et les cordelettes de la Chine, teints de diverses nuances, formaient les archives religieuses, politiques et administratives de ces peuples enfans (1). Les Mexicains firent un pas de plus dans l'art de représenter la parole, et nous verrons

(1) Voyez Garcillaso de la Vega. Histoire des Incas et le Chou-King.

les couleurs jouer un rôle important sur les peintures de ce peuple, les hyéroglyphes égyptiens furent l'apogée et le dernier terme de cette écriture symbolique.

La langue profane des couleurs fut une dégradation de la langue divine et de la langue sacrée. On en retrouve des traces chez les Grecs et les Romains. Dans les représentations scéniques les couleurs étaient significatives. Un curieux passage de Pollux (1) donne le sens de ces emblèmes employés dans les costumes de théâtre: la tradition s'y retrouve encore, mais matérialisée comme elle l'est de nos jours.

Le christianisme rendit une nouvelle énergie à la langue des couleurs et en rappela les significations oubliées; la doctrine enseignée par le Christ n'était donc pas nouvelle, puisqu'elle empruntait les symboles des anciennes religions. Le fils de Dieu, en ramenant les hommes à la vérité, ne venait pas changer, mais accomplir la

(1) Julii Pollucis onomasticum, lib. IV, cap. 18.

loi; cette loi était le culte du vrai Dieu révélé primitivement à tous les hommes et conservé dans l'arche sainte du mosaïsme. Moïse et les prophètes citent des livres sacrés qui ne se trouvent pas dans la Bible; les guerres du Seigneur, les prophéties et le livre des Justes (1) avaient donc annoncé la parole divine à d'autres nations; nous en trouverons la preuve manifeste en rapprochant les monumens de l'antiquité de ceux du moyen-âge.

Les trois langues des couleurs, divine, sacrée et profane, se divisent, en Europe, les trois classes de la société, le clergé, la noblesse et le peuple.

Les vitraux des églises chrétiennes comme les peintures de l'Égypte ont une double signification, apparente et cachée, l'une est pour le vulgaire, l'autre s'adresse aux croyances mystiques. L'ère théocratique dure jusqu'à la renaissance; à cette époque le génie symbolique s'éteint, la langue divine des couleurs est oubliée,

(1) Voyez Nombres, XXI. - Jérémie, XLVIII. Rois, II, cap. 1. — Josué, X. Conf. Le Discours

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préliminaire du Bhaguat-Geeta, p. 15.

la peinture est un art et non plus une science (1).

L'ère aristocratique commence; la symbolique, bannie de l'église, se réfugie à la cour; dédaignée par la peinture, on la retrouve dans le blason.

L'origine des armoiries se perd dans la nuit des temps et semble se rattacher aux premiers élémens de l'écriture; les hiéroglyphes égyptiens comme les peintures aztèques indiquaient la signification d'un sujet par des emblèmes ou armes parlantes; il suffit de parcourir les tableaux mexicains et l'explication qui nous en a été conservée, pour n'avoir aucun doute à cet égard (2). Les représentations des divinités indiennes et égyptiennes, accouplemens monstrueux des formes humaines et animales, avaient sans doute

(1) Plus l'influence de l'art se fait remarquer sur les peintures du moyen-âge, et moins on y découvre des traces de la symbolique. La bible du dixième siècle, conservée à la Bibliothèque royale, est un des monumens les plus curieux pour la symbolique, et peut-être le plus pitoyable pour le dessin.

(2) Recueil de Thévenot.

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