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LANGUE SACRÉE.

Les sacrifices furent à l'origine de leur institution les symboles de l'amour de l'homme pour son créateur; on présentait au feu des autels les prémices des moissons et des animaux, emblèmes de nos pensées et de nos affections.

Le feu du sacrifice, dit le Jadjour-Veda, est le symbole du feu céleste qui repose dans le cœur. Dans le sanscrit différentes expressions qui désignent le feu ont la signification symbolique du nombre trois, Vahni, etc.; le nom de la divinité Om a le même sens numérique; de même dans la langue tibetaine Mé signifie le feu et le nombre trois (1).

Ainsi le troisième attribut divin ou le Saint-Esprit, l'amour de Dieu, et le culte ont le même symbole, le feu, qui

(1) Journal asiatique, juillet 1835.

se traduit dans la langue des couleurs par le rouge.

Une tradition répandue chez tous les peuples établit que le feu a créé le monde et doit le détruire, car l'ame émanée de l'amour de Dieu doit retourner dans son sein. Un des noms de la Divinité en hébreu est celui du feu wx. Dans la mythologie indienne, Siva est le feu qui a créé le monde et qui doit le consumer; Orphée reproduit le même dogme que l'Égypte représentait par le phænix.

Le feu, symbole de la régénération et de la purification des ames, explique l'usage de brûler les corps morts; la coutume barbare qui contraint les veuves de l'Inde à se précipiter dans les flammes, et le fanatisme des gymnosophistes qui, d'après Strabon, se condamnaient à ce supplice pour gagner le ciel.

En Chine, la couleur rouge est consacrée à la Religion (1) et le deuil porté par les enfans est un sac de chanvre d'un

(1) Visdelou, Notice sur l'Y-King à la suite du Chou, King, p. 428.

rouge éclatant (1); l'amour eut toujours pour symbole l'enfance et la couleur rouge. Cupidon est un enfant; l'amour céleste est représenté dans la symbolique chrétienne par des anges enfans. Un enfant était initié aux grands mystères d'Éleusis, il jouait un rôle dans la dernière initiation qui était un emblème de la mort, son nom était l'enfant du sanctuaire; et les enfans de choeur sont encore aujourd'hui vêtus de rouge. L'amour ne peut être senti que par les ames vierges et innocentes; le royaume du ciel, dit JésusChrist, appartient à ceux qui ressemblent aux enfans. Dans l'antiquité païenne, le rouge était le symbole de l'innocence et de la virginité; les lits mystiques entourés de bandelettes de pourpre, dont on faisait usage dans les mystères d'Éleusis, désignaient l'état de virginité de Proserpine quand elle arriva aux enfers (2).

(1) Prevost, Histoire générale des Voyages, tom. VI, p. 155.

(2) Sainte-Croix, Mystères du Paganisme, tome I, p. 320.

Une cérémonie des Perses, décrite par Xénophon, témoigne du dogme de la triade divine et de son triple symbole, le blanc, l'or et le rouge; au sein d'une immense procession s'avançaient trois chariots, le premier était blanc couronné de fleurs, avec le timon doré, il devait être offert au Dieu suprême; le second chariot de même couleur et paré de même, était consacré au soleil; les chevaux du troisième chariot étaient caparaçonnés de housses d'écarlate; derrière marchaient les hommes qui portaient le feu sacré (1). Le premier char et le second étaient semblables, et dans la doctrine persanne comme dans le Pimandre, l'Être suprême s'identifie avec le Verbe.

Il serait facile de multiplier les exemples pour démontrer que l'amour, le feu et la couleur rouge étaient synonymes dans la langue des symboles; j'en trouverais encore un vestige dans les feux de la saintJean allumés tous les ans dans plusieurs

(1) Xenophon, Cyrop., lib. III.

provinces de la France, et qui rappellent le baptême de feu (1).

L'architecture des temples antiques offrirait de nouvelles applications de ce principe, la forme et le nom affectés aux pyramides ou colonnes de feu qui servaient de tombeaux aux rois d'Égypte, ne sont pas l'effet du hasard ou du caprice. Les obélisques, symboles d'Amon, le Verbe divin, n'étaient pas placés comme un vain ornement à l'entrée des temples (2).

Les langues pourraient de même apporter leur témoignage. Le génitif qui désigne la génération est formé dans la grammaire de presque tous les peuples par une désinence qui, dans les idiomes primitifs comme l'hébreu, signifiait le feu, as, es, is ou seulement s. De là le nom des divinités considérées dans leurs attributs d'amour,

(1) Dans la Symbolique chrétienne saint Jean représente l'amour dans les actes, comme saint Pierre la vérité et la foi.

(2) L'obélisque représentait le rayon de la lumière (Nestor l'Hôte, Notice sur les obélisques, p. 5); dans les caractères figuratifs décrits par Champollion, l'obélisque est le symbole d'Amon.

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