Du Troyen ou de moi faites-le décider ;
Qu'il songe qui des deux il veut rendre ou garder; Enfin qu'il me renvoie, ou bien qu'il vous le livre. Adieu. S'il y consent, je suis prête à vous suivre.
Oui, oui, vous me suivrez, n'en doutez nullement : Je vous réponds déjà de son consentement.
Je ne crains pas enfin que Pyrrhus la retienne : Il n'a devant les yeux que sa chère Troyenne; Tout autre objet le blesse; et peut-être aujourd'hui Il n'attend qu'un prétexte à l'éloigner de lui. Nous n'avons qu'à parler: c'en est fait. Quelle joie D'enlever à l'Épire une si belle proie!
Sauve tout ce qui reste et de Troie et d'Hector, Garde son fils, sa veuve, et mille autres encor, Épire: c'est assez qu'Hermione rendue Perde à jamais tes bords et ton prince de vue. Mais un heureux destin le conduit en ces lieux. Parlons. A tant d'attraits, Amour, ferme ses yeux!
Je vous cherchais, Seigneur. Un peu de violence M'a fait de vos raisons combattre la puissance,
Je l'avoue; et depuis que je vous ai quitté, J'en ai senti la force et connu l'équité.
J'ai songé, comme vous, qu'à la Grèce, à mon père, A moi-même, en un mot, je devenais contraire; Que je relevais Troie, et rendais imparfait Tout ce qu'a fait Achille et tout ce que j'ai fait. Je ne condamne plus un courroux légitime, Et l'on vous va, Seigneur, livrer votre victime.
Seigneur, par ce conseil prudent et rigoureux, C'est acheter la paix du sang d'un malheureux.
Oui. Mais je veux, Seigneur, l'assurer davantage : D'une éternelle paix Hermione est le gage; Je l'épouse. Il semblait qu'un spectacle si doux N'attendît en ces lieux qu'un témoin tel que vous. Vous y représentez tous les Grecs et son père, Puisqu'en vous Ménélas voit revivre son frère. Voyez-la donc. Allez. Dites-lui que demain J'attends, avec la paix, son cœur de votre main.
Hé bien, Phoenix, l'amour est-il le maître? 625
Tes yeux refusent-ils encor de me connaître ?
Ah! je vous reconnais; et ce juste courroux,
Ainsi qu'à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous.
Ce n'est plus le jouet d'une flamme servile : C'est Pyrrhus, c'est le fils et le rival d'Achille, Que la gloire à la fin ramène sous ses lois, Qui triomphe de Troie une seconde fois.
Dis plutôt qu'aujourd'hui commence ma victoire. D'aujourd'hui seulement je jouis de ma gloire; Et mon cœur, aussi fier que tu l'as vu soumis, Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis. Considère, Phoenix, les troubles que j'évite, Quelle foule de maux l'amour traîne à sa suite,
Que d'amis, de devoirs j'allais sacrifier,
Quels périls . . . Un regard m'eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondaient sur un rebelle.
Je trouvais du plaisir à me perdre pour elle.
Oui, je bénis, Seigneur, l'heureuse cruauté Qui vous rend . . .
Tu l'as vu, comme elle m'a traité.
Je pensais, en voyant sa tendresse alarmée, Que son fils me la dût renvoyer désarmée. J'allais voir le succès de ses embrassements: Je n'ai trouvé que pleurs mêlés d'emportements. Sa misère l'aigrit; et toujours plus farouche, Cent fois le nom d'Hector est sorti de sa bouche. Vainement à son fils j'assurais mon secours :
« C'est Hector, disait-elle en l'embrassant toujours; Voilà ses yeux, sa bouche, et déjà son audace;
C'est lui-même, c'est toi, cher époux, que j'embrasse. >>
Et quelle est sa pensée? Attend-elle en ce jour Que je lui laisse un fils pour nourrir son amour?
Sans doute. C'est le prix que vous gardait l'ingrate. Mais laissez-la, Seigneur.
Je vois ce qui la flatte.
Sa beauté la rassure; et malgré mon courroux, L'orgueilleuse m'attend encore à ses genoux.
Je la verrais aux miens, Phoenix, d'un œil tranquille. Elle est veuve d'Hector, et je suis fils d'Achille : x Trop de haine sépare Andromaque et Pyrrhus.
Commencez donc, Seigneur, à ne m'en parler plus. Allez voir Hermione; et content de lui plaire,
Oubliez à ses pieds jusqu'à votre colère. Vous-même à cet hymen venez la disposer. Est-ce sur un rival qu'il s'en faut reposer? Il ne l'aime que trop.
Crois-tu, si je l'épouse,
Qu'Andromaque en son cœur n'en sera pas jalouse?
Quoi? toujours Andromaque occupe votre esprit ? Que vous importe, ô dieux! sa joie ou son dépit ? Quel charme, malgré vous, vers elle vous attire?
Non, je n'ai pas bien dit tout ce qu'il lui faut dire : Ma colère à ses yeux n'a paru qu'à demi; Elle ignore à quel point je suis son ennemi. Retournons-y. Je veux la braver à sa vue, Et donner à ma haine une libre étendue. Viens voir tous ses attraits, Phoenix, humiliés. Allons.
Allez, Seigneur, vous jeter à ses pieds. Allez, en lui jurant que votre âme l'adore, A de nouveaux mépris l'encourager encore.
Je le vois bien, tu crois que prêt à l'excuser Mon cœur court après elle, et cherche à s'apaiser.
Qui me hait d'autant plus que mon amour la flatte? Sans parents, sans amis, sans espoir que sur moi, Je puis perdre son fils; peut-être je le doi. Étrangère. que dis-je ? esclave dans l'Épire, Je lui donne son fils, mon âme, mon empire; Et je ne puis gagner dans son perfide cœur D'autre rang que celui de son persécuteur ? Non, non, je l'ai juré, ma vengeance est certaine : Il faut bien une fois justifier sa haine. J'abandonne son fils. Que de pleurs vont couler ! De quel nom sa douleur me va-t-elle appeler !
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