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importante dans la vie de Monstrelet, puisque ce serait le point de départ de la conversion de son esprit vers les sages idées qu'on lui voit plus tard; c'eût été là pour lui, racheter bien utilement et bien moralement les fautes de sa jeunesse. Quoi que l'on pense aú reste de nos conjectures, nous n'en insistons pas moins sur tous les caractères qui permettent d'appliquer la lettre de rémission de 1424 au chroniqueur Monstrelet. Car la petite difficulté de détail qui s'y trouve, en ce que le frère de l'Enguerran de Monstrelet de la lettre, lequel y est. nommé deux fois, s'appelle Guilbin de Croix et non pas Guilbin de Monstrelet comme il semblerait tout naturel, n'en est pas une au fond, puisqu'il y a mille exemples, au xv° siècle, de frères ayant porté des noms différents. Une difficulté beaucoup plus grave, ce serait le silence de tous les contemporains de Monstrelet sur un fait de cette nature. Mais sans compter qu'il a bien pu se perdre dans mille autres semblables qui se passaient alors, on a vu que ce que l'on savait de certain sur Monstrelet, d'après les témoignages de son temps, se réduisait presque à rien.

L'éveil nous étant une fois donné par la lettre de rémission de 1422, nous n'avons rien négligé pour sonder le terrain à l'entour du point indiqué. Mais toutes nos recherches n'ont abouti qu'à bien peu de chose. Tout ce que nous avons trouvé, c'est, dans les registres du parlement deux arrêts de l'année 1398, où il est question d'un Enguerrand de Monstrelet, tué dans une querelle privée en 1396, et qui nous paraît

être le père de l'Enguerran de la lettre de rémission de 1422. Le premier de ces arrêts est du 18 janvier 1398 (v. s.). Il est rendu dans un procès entre le procureur général et Enguerrand de Fieffes, chambellan du roi et seigneur de Bonneville, chevalier, demandeurs, d'une part, et Thomas de Rosière dit Froissart, écuyer, seigneur de Raimbercourt et de Courcelles, défendeur, d'autre part. On y voit, qu'un Enguerrand de Monstrelet, était allé avec une suite, visiter chez lui cet Enguerrand de Fieffes, dont il avait été bien reçu. Mais pendant la visite il y eut un vol de commis, pour lequel quelques-uns des gens de Monstrelet furent arrêtés. De là la haine de ce Monstrelet contre ce de Fieffes. Un jour du mois de décembre 1395, Monstrelet et ses gens attaquent à main armée cet Enguerrand de Fieffes, lequel n'a que le temps de se sauver au plus vite. Nouvelle attaque au mois de janvier suivant. Surpris dans les champs, de Fieffes se sauve à la ville de Monstrelet dans la maison d'un Jean de Havernas. Il y est assiégé par Monstrelet et les siens qui démolissent le toit, tentent d'y mettre le feu, et finissent se retirer, après avoir tué trois chevaux appartenant à de Fieffes, de la valeur d'environ quatre cents francs d'or. Thomas de Rosière est impliqué dans l'affaire, mais il invoque un alibi et est absous'. Quant à Enguerrand de Monstrelet, il obtient des lettres de rémission'. Le second arrêt est du 1er février 1398 (v. s.). Il

1. Reg. 14 du Conseil, fol. 267 vo.

par

2. Elles se trouvent dans le registre du Trésor des chartes,

est rendu entre les mêmes parties, mais les rôles sont intervertis; c'est Thomas de Rosière qui est le demandeur contre Enguerrand de Fieffes, défendeur, lequel est condamné à cinq cents livres parisis d'amende envers Thomas de Rosière 1. C'est dans ce second arrêt qu'il est question de la mort de cet Enguerrand de Monstrelet, lequel, si nos conjectures étaient fondées, pourrait être le père du chroniqueur. Mais cette longue digression sur la lettre de 1422 nous a déjà entraîné trop loin. Il est temps de revenir à notre sujet.

Les éditions de Monstrelet sont nombreuses. Il y a d'abord les éditions gothiques au nombre de trois : celle de Vérard (sans date), celle de Jean Petit et Michel Lenoir, 1512, et celle de 1518. Viennent ensuite les éditions de Chaudière et Luillier, 1572, de Pierre Mestayer, 1595, et d'Orry en 1603, qui est la dernière avant celle de Buchon. Enfin Th. Johnes a traduit Monstrelet en anglais, comme il avait déjà traduit Froissart. De toutes ces éditions celle de Vérard (sans date) et celle de 1572 ont toujours été les plus estimées.

Quant aux manuscrits de Monstrelet, on peut les ranger tous sous trois classes: ceux qui ne contiennent

coté 148, pièce 79. Elles sont datées de Paris, du mois d'août 1395. L'Enguerrand de Monstrelet qu'elles concernent y est qualifié d'écuyer.

1. Reg. 14 du Conseil, f. 273. Dans ce même registre, f. 67, se trouve un ajournement du 5 août 1395 dans le procès d'Enguerrand de Fieffes contre Enguerrand de Monstrelet.

que le premier livre de la chronique, ceux qui comprennent les deux premiers livres, enfin ceux qui comprennent les trois livres tels qu'ils se trouvent dans les premières éditions gothiques. On peut encore former une quatrième catégorie, celle des manuscrits qui ne sont que des abrégés de Monstrelet. Enfin il faut distinguer les uns et les autres en manuscrits français et en manuscrits picards.

Nous avons trouvé à la Bibliothèque impériale sept manuscrits de Monstrelet, et deux à la bibliothèque de l'Arsenal. Nous allons les examiner dans l'ordre qui vient d'être indiqué.

Les manuscrits de la première classe, c'est-à-dire ceux qui ne contiennent que le premier livre de Monstrelet, sont au nombre de deux, tous deux appartenant à la Bibliothèque impériale. Le premier porte le numéro 8347-5.5., olim Colbert 3186. C'est un beau manuscrit grand in-folio vélin, relié en veau bleu, de 227 feuillets, y compris la table qui est à la fin, et incomplète, car elle s'arrête au 243 chapitre, tandis qu'elle devrait aller jusqu'au 258° chapitre, qui est le nombre donné par le texte. Aussi, après le 227° feuillet trouve-t-on la trace d'un autre qui a été coupé et qui suffisait évidemment à contenir le reste de la table. Il est écrit à longues lignes avec les titres des chapitres en rouge et les initiales ornées; celles qui commencent les années sont plus travaillées et de plus, dorées. Le premier feuillet a un encadrement colorié et disposé, en chevrons des deux côtés, en losanges dans le haut et en girons au bas. Sur cette dernière partie

de l'encadrement ou frontispice on voit un arbre, enlevé sur fond blanc, qui surmontait peut-être un blason. Ce qu'il y a de certain, c'est que sur le travail primitif effacé, on voit, très-grossièrement dessiné à l'encre, un écu penché, portant une face chargée de trois croisettes, accompagnée en chef d'un croissant, et en pointe d'un lion issant, avec la devise: Cœur qui désire n'a repos. Au-dessous de l'encadrement se lit en lettres noires sur une banderole à fond d'or, la devise: Fax mentis honeste gloria. Enfin, pour ne rien omettre de ce qui concerne ce premier feuillet ou frontispice, il faut ajouter qu'on lit à côté de la banderole dont on vient de parler le nom de Bourthevin, et sur la marge de droite celui de A Bonelles. Quant au corps du manuscrit, il est écrit d'un bout à l'autre de la même main, et de cette petite cursive, basse, très-nette et carrée qui appartient à la première moitié du xv° siècle. Certainement ce n'est pas là l'original de la chronique de Monstrelet, original que personne, que nous sachions, n'a connu, mais c'en est, du moins à notre avis, l'une des premières et des meilleures copies. Nous avons été frappé, à première vue, du caractère contemporain qu'il présentait, et rien depuis, dans l'examen attentif que nous avons fait des autres manuscrits, ne nous a fait revenir sur l'idée favorable que nous avions conçue de celui-ci. En conséquence, c'est lui que nous avons choisi pour notre édition.

Le second des deux manuscrits de la première classe, c'est-à-dire de ceux qui ne comprennent que le premier livre de Monstrelet, appartient aussi à la Biblio

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