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CHAPITRE XIX.

Comment Waleran, conte de Saint-Pol, à tout grant compaignie de gens d'armes, ala par mer en l'isle de Wisque, pour faire guerre au roy Henry d'Angleterre.

En cest an, le comte Waleran de Saint-Pol assembla à Abbeville en Ponthieu environ seize cens combatans, esquelz y avoit grant partie de nobles hommes, qui avoient fait grans pourvéances de chars salées, de biscuits, de vins, de cervoises, de beurres, de farines et autres choses neccessaires à mectre en mer. Duquel lieu d'Abbeville furent menez par ledit conte au port de Harfleur, où ils trouvèrent des nefz et des vaisseaulx à leur voulenté. Et quant ils eurent là séjourné un peu de jours pour appoincter et ordonner leurs besongnes, en eulx recommandant à monseigneur Saint Nicolas, montèrent esdiz vaisseaulx, et singlèrent tant qu'ilz vindrent en l'isle de Wisque, qui est près du port de Hantonne'. Ouquel descendirent à terre en démonstrant chère hardie pour combatre les ennemis, desquelz par iceulx à leur descendue furent assez peu veuz, car tous ceulx de ladicte isle s'estoient retrais ès bois et ès forteresses. Et là, de la partie dudit conte,

1. L'île de Wight près de Southampton. Elle avait été ravagée par les Français, en 1377. Le Religieux de Saint-Denis dit que le comte de Saint-Pol descendit à l'île de Thanet (comté de Kent) et met le fait en l'an 1403. (Chr. de Ch. VI, t. III, p 118.) La tentative du comte de Saint-Pol sur l'île de Wight est du mois de décembre 1403, comme on le voit dans les pièces données par Rymer, et notamment par un ordre d'armement adressé au bailli de Southampton le 10 décembre, lequel est révoqué le 13. (Rymer, Fœdera, etc., t. IV, p. 60.)

il eut faiz plusieurs chevaliers nouveaulx, c'est assavoir Jehan de Harecourt, Phelippe de Fosseux, le seigneur de Giency et plusieurs autres. Si alèrent fuster aucuns meschans villages du pays et bouter les feux en aucuns lieux. Durant lequel temps vint devers ledit conte ung prestre du pays, d'assez bon entendement, lequel traicta avecques lui pour le rachat et salvacion d'icelle ysle, comme il donnoit à entendre; et en devoit estre paiée grant somme de pécune à icellui conte et à ses capitaines. Lequel conte fut assez content. Mais ce fut une décepcion que ledit prestre faisoit afin de les délaier et atarger de paroles tandis que les Anglois s'assembleroient pour les venir combatre. De laquelle besongne ledit conte Waleran fut adverti, et pour ce, lui et les siens remontèrent en leur navire et s'en retournèrent ès parties de là où ilz estoient venus, sans plus riens faire. Pourquoy plusieurs grans seigneurs qui estoient avecques lui en prindrent grant desplaisance, pour tant qu'ilz avoient mis grant argent en faisant les dictes pourvéances. Et aussi les pays par où lesdictes gens d'armes passèrent en furent moult traveillez, et en commença on, en plusieurs parties, à murmurer contre ledit conte. Mais on n'en peut avoir autre chose1.

1. Le Religieux de Saint-Denis ajoute que sur la fin de février la garnison anglaise de Calais ravagea le comté de Saint-Pol. (t. III, p. 124.)

CHAPITRE XX.

Comment le duc Loys d'Orléans ala de par le Roy à Marseille devers le pape; le duc de Bourbon, en Languedoc; et le connestable, en la duchié d'Aquitaine.

Item, en ce temps, Loys, duc d'Orléans, fut envoyé de par le roy de France et son grant conseil devers le pape nommé Grégoire, acompaigné de six cens chevaucheurs ou environ, afin de lui remonstrer que l'union feust mise en nostre mère sainte Église '. Et par la Champaigne et Bourgongne s'en ala à Lyon sur le Rosne, et de là à Marseille où ledit pape estoit et toute sa court. Lequel grandement et notablement receut ledit duc. Et après qu'il eut oye sa requeste, lui bailla ses lectres apostoliques sur aucunes certaines condicions. Après lesquelles receues, et qu'il ot prins congié d'icellui pape, s'en retourna par plusieurs journées à Paris devers le Roy, où estoient les ducs de Berry, de Bretaigne et de Bourbon' et plusieurs autres seigneurs, tant séculiers comme ecclésiastiques, en la présence desquelz il les bailla au Roy, contenans entre autres choses que ledit pape se offroit à procurer l'union de toute l'universelle Église, et pour l'amour de ce, se il estoit neccessité, s'offroit de résigner ladicte papalité, et faire tout ce qui estoit expédient touchant ceste matière, en obéissant au saint concile en tout droit et raison. De laquelle lectre apostolique et du

1. C'est en 1403 et non en 1404, que le duc d'Orléans alla trouver le pape, et ce pape était Benoît XIII.

2. Le ms. Suppl. fr. 93, et aussi l'édit, de 1572, ajoutent ici : le duc de Bourgogne.

contenu en icelle, le Roy, les dessusdiz seigneurs et tout le conseil, avec l'Université, se tindrent lors assez pour contens.

Ouquel temps, Jehan, conte de Clermont, filz et héritier du duc de Bourbon, fut envoié de par le Roy et son conseil, en Languedoc, pour aler en Gascongne guerroier les Anglois qui adonc faisoient grant guerre aux François sur les frontières d'ilec. Et fist son assemblée de gens d'armes à Saint-Flour en Auvergne; laquelle fut de cinq cens bacinets et cinq cens archers et arbalestriers; desquelz estoit le principal, avecques ledit de Bourbon, le viconte de Castelbon, filz au conte de Foix. Si commencèrent à faire forte guerre aux Anglois, et mirent plusieurs fortresses en l'obéissance du Roy. C'est assavoir le chastel Saint-Pierre, le chastel Saincte-Marie, le Neufchastel et plusieurs autres. Après lesquelles besongnes, et que les fortresses furent bien garnyes, s'en retourna devers le Roy et les autres grans seigneurs, desquelz il fut bienveigné et conjoy grandement.

Et tantost après, messire Charles de Labreth, connestable de France, et avecques lui Harpedane, chevalier de grant renom, eulx grandement acompaignez, en la duchié d'Acquitaine asségèrent le chastel de Calefrin qui moult traveilloit les pays du Roy et tenoit ses garnisons en trop grande subjection. Et si estoit la plus grande partie du pays appati à eulx. Lequel siége dura environ six sepmaines, en la fin desquelles firent traictié iceulx asségez avec ledit connestable, par condicion qu'ilz se partiroient saufz leur corps et leurs biens, et avecques ce, auroient certaine somme d'argent, qui se print et cueilli sur les habitans d'icellui

pays. Et après que icellui connestable eut garny ledit chastel de gens de guerre, il s'en retourna à Paris devers le roy Charles.

CHAPITRE XXI.

Comment le duc Aubert, conte de Haynnau, trespassa, et pareillement la duchesse Marguerite de Bourgongne, vesve du duc Phelippe, jadis fille du conte Loys de Flandres.

En cest an trespassa de ce siècle le duc Aubert conte de Haynnau, de Holande et de Zélande, lequel avoit esté filz de Loys jadis empereur d'Alemaigne. Duquel duc, demourèrent deux fils et une fille, c'est assavoir, Guillaume, lequel estoit ainsné, et Jehan, de son surnom nommé Sans-Pitié, lequel fut promeu à estre évesque du Liège, non obstant qu'il n'estoit point encore sacré. Et la fille estoit mariée au duc Jehan de Bourgongne. Et fut ledit duc Aubert, enterré en l'église collégiale de La Haye en Holande1.

Et pareillement mourut audit an, le vendredi devant la my-quaresme, Marguerite, duchesse de Bourgongne', vesve du duc Philippe derrenier trespassé en son hostel à Arras. Laquelle fut actaincte de hastive maladie. Si fut, de ses trois filz, c'estassavoir Jehan,

1. Albert, comte de Hainaut et de Hollande, second fils de l'empereur Louis de Bavière, et de Marguerite, comtesse de Hollande, mort à la Haye le 13 décembre 1404, à l'âge de soixantesept ans. L'Art de vérifier les dates lui donne trois fils et quatre filles.

2. 20 mars.

3. Marguerite de Flandre, fille unique de Louis III, comte de Flandre et d'Artois, et de Marguerite de Brabant, mourut à Arras le 20 mars 1404. (V. S.)

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