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la manière que vous avons rescript en nostre autre lectre, que à quelque heure qu'il nous plaira et semblera mieulx expédient à l'onneur de nous et de Dieu premier, et de nostre royaume, nous vendrons personnellement en nostre pays de pardelà, acompaigné de tant de gens et telz comme il nous plaira, lesquelz nous réputons tous noz loyaulx serviteurs, subgetz et amis, pour y conserver nostre droit. Toutesfois nous commectons à l'aide de Dieu nostre droit contre le vostre en nostre défense, comme escript vous avons paravant, pour obvier à la malicieuse et faulse renommée que vous nous cuidez avoir mis sus, se vous le voulez ou osez prouver. Lequel temps vous trouverez assez tost à vostre confusion et pour estre congneu tel que vous estes. Dieu scet et voulons que tout le monde le sache, que ceste nostre response ne procède point d'orgueil, ne de présumpcion de cuer, mais pour ce que vous avez commencé à vostre tort, nous confiant tousjours en nostre seigneur Dieu, qui nous a mis en tel estat en qui nous devons soustenir droit de tout nostre povoir, par la bonne grace et aide de

lui devant mise.

Si vous respondons et respondrons comme dessus est dit. Et pour ce que nous voulons que vous sachez que ceste nostre response, laquelle nous vous rescripvons et mandons, procède de nostre certaine science, avons seellé de noz armes ces présentes lectres. Donné à Londres, etc. >>

Néantmoins, jà soit ce que ledit roy d'Angleterre et le duc d'Orléans eussent escriptes et envoiées les lectres dessusdictes l'un à l'autre, toutesfois ne com

Et

parurent onques personnellement l'un contre l'autre. par ainsi se demourèrent les besongnes touchans la matière, en cest estat.

CHAPITRE X.

Comment le conte Waleran de Saint-Pol envoia lectres de défiance au roy Henry d'Angleterre, et la teneur d'icelles.

Item, en cest an pareillement Waleran, conte de Saint-Pol, envoia lectres de défiance au roy d'Angleterre; desquelles la teneur s'ensuit :

« Très hault et puissant prince, Henry de Lenclastre, moy, Waleran de Luxembourg, conte de Haynnau et de Saint-Pol, considérant l'affinité, amour et considéracion que j'avoye pardevers très puissant et très hault prince, Richard, roy d'Angleterre, duquel ay eu la seur à espeuse, et la destruction dudit roy dont notoirement estes encoulpé et très grande.nent diffamé; avec ce, la grant honte et dommage que moy et ma généracion de lui descendant, povons ou pourrons avoir ou temps avenir, et aussi l'indignacion de Dieu tout-puissant et de toutes raisonnables et honnorables personnes, se je ne me expose avecques toute ma puissance à venger la destruction dudit roy, auquel je estoye alyé; pour tant, par ces présentes vous fais savoir qu'en toutes manières que je pourray, vous gréveray, et tous dommages tant par moy comme par mes parens, mes hommes et mes subgetz, je vous feray, soit en terre ou en mer, toutesfois, hors du royaume de France, pour la cause devant dicte, non pas aucunement pour les faiz meuz et à mouvoir entre

mon très redoubté prince et souverain seigneur le roy de France et le royaume d'Angleterre. Et ce je vous certifie par l'impression de mon seel. Donné en mon chastel de Luxembourg, le x jour de février, l'an mil quatre cens et deux. »

Lesquelles lettres furent envoiées audit roy par ung hérault d'icellui conte Waleran.

A quoy fut respondu par ledit roy Henry que de ce ne faisoit compte, et qu'il avoit bien entencion que le dessusdit conte Waleran auroit assez à faire à garder contre lui sa personne, ses subgetz et ses pays.

Après ceste défiance, ledit conte se disposa et prépara en toutes manières à faire guerre au dessusdit roy d'Angleterre et aux siens. Et qui plus est fist, en ce mesme temps, faire en son chastel de Bohain, la figure et représentacion du conte de Rostelant', armoié de ses armes, et ung gibet assez portatif, lequel il fist mener et conduire secrètement en aucune de ses fortresses ou pays de Boulenois. Et tost après furent icellui gibet et représentacion conduis par Robinet de Rebretenges, Aleaume de Viritum '? et autres de expers gens de guerre jusques assez près des portes Calais, et là fut le dessusdit gibet drécié, et le dessusdit conte de Rostelant pendu les piez dessus. Et quant ce vint au matin que les Anglois de Calais ouvrirent leurs portes, ilz furent tous esmerveillez de voir ceste aventure. Si le despendirent sans délay, et l'emportèrent dedens leur ville. Et depuis ce temps furent par longue

1. Édouard Plantagenest, comte de Rutland, connétable et amiral d'Angleterre, fils d'Edmond de Langley, duc d'York. 2. Aliaume de Biurtin (édit, de 1572).

espace plus enclins à faire dommage et desplaisir au conte Waleran et à ses pays et subgets, plus que pa

ravant n'avoient esté.

CHAPITRE XI.

Comment messire Jaques de Bourbon, conte de La Marche, il et ses frères, furent envoiez de par le roy de France en l'aide des Galois.

En cest an, messire Jaques de Bourbon, conte de La Marche, acompaigné de ses deux frères, c'est assavoir Loys et Jehan, et douze cens chevaliers et escuiers, fut envoiez de par le roy de France au port de Breth' en Bretaigne, pour aler en Gales en l'aide des Galois contre les Anglois'. Et là, monta ou navire qui apresté lui estoit, très bien garni et pourveu de toutes besongnes neccessaires. Si cuida aler au port de Tordemue', mais le vent lui fut contraire, par quoy il n'y peut aler. Et adonc vid icellui conte partir sept nefz qui estoient pleines de diverses marchandises et aloient au port de Pleinemue. Si les suivirent hastivement, et tant que les hommes qui estoient dedens

1. Le texte porte Breth très-lisiblement. Cependant on peut fort bien y substituer Brech, le t et le c se prenant fréquemment l'un pour l'autre dans tous les textes de cette époque. En prononçant Bresce on se rapproche du vrai nom, Brest.

2. Dès l'an 1400, Owen Glandower avait soulevé les Gallois contre Henri IV, roi d'Angleterre, et avait pris le titre de prince de Galles. Il en est question dans un des chapitres sui

vants.

3. Dans le ms. Suppl. fr. 93: Tertemue, et d'Artmue dans l'édit. de 1572. C'est Darmouth en Devonshire.

4. Plymouth.

les sept nefz dessusdictes entrèrent dedens leurs petis basteaulx et se saulvèrent au mieulx qu'ilz porent. Et ledit conte et ses gens prindrent et emmenèrent lesdictes nefz et tous les biens, et puis alèrent audit port de Pleinemue et le exilla par feu et par espée, et de la ala à une petite isle nommée Salemine ', laquelle pareillement fut destruicte. A laquelle isle prendre, furent faiz nouveaulx chevaliers les deux frères du dessusdit conte, c'est assavoir, Loys, conte de Vendosme, et Jehan de Bourbon qui estoit le plus jeune avec plusieurs autres de leur compaignie. En après, quant ledit conte de La Marche et ses gens en eurent la seigneurie par trois jours, doubtans que les Anglois qui s'assembloient pour les combatre ne venissent à trop grant puissance sur eulx, sortirent de là pour aler en France. Mais quant ilz furent entrez en mer, une grande tempeste se leva qui leur dura par trois jours, de laquelle furent péries douze de ses nefz et ceulx qui estoient dedens. Et ledit conte, à tous le surplus, s'en vint à grant péril pour ladicte tempeste, arriver au port de Saint-Maclou3, et de là s'en ala à Paris devers le roy de France.

de

En cel an, le duc de Bourgongne, oncle du roy France, fist la feste et solemniza très autenticquement les nopces et mariage de son second filz Anthoine conte de Réthel, qui depuis fut duc de Brabant, et de la seule fille Walerand conte de Saint-Pol, laquelle il avoit eue de la contesse Mahaut sa première

1. Le ms. Suppl. fr. 93 et l'édit. de 1572 donnent Sallemue.

2. Saint-Malo.

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