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si que nous deussions penser et assez congnoistre que vous n'avez vouloir d'avoir aliance à nostre personne, nous nous merveillons moult. Car, long temps après que nous estions en l'estat que par la grace de Dieu nous avons de présent, vous envoiastes devers nous ung de voz chevaliers portant vostre livrée, qui nous compta de par vous que vous vouldriez toutesfoiz à nous estre entier ami, à ce qu'il nous disoit, et que après vostredit seigneur et frère vous nous feriez autant de plaisir et amitié comme à nul prince qui feust. A telles enseignes que vous lui chargastes de nous dire que l'aliance faicte entre vous et nous estoit passée soubz noz grans seaulx, laquelle chose, ainsi qu'il nous disoit, ne vouldriez avoir descouverte à nul François. Et depuis, par aucuns de noz hommes liges vous nous feistes savoir vostre bon vouloir touchant celle amour et entiere amitié par semblable manière en effect comme ils nous ont dit. Mais puisque vous n'avez vouloir d'avoir aliance à nostre personne, nostre estat bien considéré, si comme escript nous avez, certes nous ne sçavons pour quoy nous deussions désirer d'avoir aucune aliance à vous, toutes choses bien considérées. Car, ce que envoié nous avez par avant, ne s'accorde pas à ce que escript nous avez à présent. Et là où vous avez escript quant à la considéracion que nous pourrons avoir en la dignité en quoy nous sommes, vous ne pensez que la vertu divine nous y ait mis en disant, Dieu peut avoir dissimulé, comme il a fait plusieurs princes régner, et à la fin à leur confusion. Certes, de bouche et de cuer plusieurs gens parlent, et pour telz comme ilz sont eulx mesmes, ilz jugent les autres. Pour quoy Dieu

est tout puissant de faire tourner vostre sentence sur vous mesme, et non point sans cause.

En ce que touchez la dignité en quoy nous sommes, vous ne croiez que la vertu divine nous y ait mis. Certes, nous vous respondons et faisons sçavoir que nostre seigneur Dieu, à qui nous donnons tousjours loanges et graces, nous a monstré de sa divine grace plus que nous ne sommes dignes de recevoir ou d'avoir, se ce n'estoit seulement de sa miséricorde et bénignité, par quoy il lui a pleu de nous donner, et certes ce que toutes les sorceries, ne dyableries pourroient faire ne donner, ne aussi tous ceulx qui s'en entremectent. Et combien que vous doubtez, nous ne doubtons pas, mais sçavons et affions bien en Dieu, que nous y sommes entrez par lui et de sa bénigne grace.

Quant à ce que vous escripvez par vostre demande que avoit à comparer vostre très chère et très honnorée dame et nièpce, nostre rigueur et nostre cruaulté, qui estoit venue en son pays désolée de sun seigneur qu'elle a perdu, desseurée de son douaire que vous dictes que nous detenons, despoullée de son avoir qu'elle aporta pardeçà et qu'elle avoit de son seigneur, Dieu scet, à qui nulle chose ne peut estre celée, que nous n'avons fait rigueur ne cruaulté envers elle, mais lui avons monstré honneur, amour et amitié. Qui vouldroit dire le contraire, il mentiroit faulsement. Et pleust à Dieu que vous n'eussiez jà fait rigueur, cruaulté ne villenie devers nulle dame, damoiselle ne autre personne, que n'avons fait devers elle; nous créons que vous en vauldriez mieulx.

Quant à ce que vous faictes si grant levée 'de son

douaire, comme vos lectres plus pleinement font mencion, nous sommes bien contens que ou cas que les lectres de convenance faictes sur son mariage eussent esté bien veues et entendues, vous ne peussiez, à dire vérité, avoir mis sus à nous telle reprouche comme vous cuidez avoir fait.

Quant à ce que vous touchez la désolacion de vostre très chère et très honnorée dame et nièpce de son seigneur, nous vous respondons par la manière que respondu vous avons paravant. Quant à son avoir, il est vérité qu'à son département de nostre royaume nous feismes pleinement à elle restituer ses biens et ses joiaulx et plus que nous n'en trouvasmes avec elle quant nous venismes à nostre royaume. Si que nous tenons à en estre quicte, comme il appert par une quictance soubz le seel de son père, vostredit seigneur, passée, et par son conseil, vous y estant présent; comme à toutes gens pourra clèrement apparoir, sans ce que de riens l'ayons despoullée, comme mis sus le nous avez faulsement. Et pour ce, vous devriez adviser de ce que vous escripvez; car nul prince ne doit escripre si non loyaument et pleinement, ce que vous n'avez pas fait à présent et pour tant nous vous avons respondu comme dessus et vous respondons à tous poins en ce que nous devons faire par telle manière qu'à l'aide de Dieu, de Nostre Dame et de monseigneur saint George, chascun nous tendra preudomme et nostre honneur en sera gardé.

A ce vous escripvez que vous sçavez que ceulx de vostre compaignie et vous, estes tous preudommes et loyaulx et pour telz vous réputez, touchant vostre compaignie, nous ne leur reprouchons pas, car nous

pour

ne les congnoissons pas, mais quant à vostre personne, nous ne vous réputons pas pour tel, toutes choses considérées. Et là où vous nous merciez ceulx de vostre costé, que de leur sang avons plus grant pitié que n'avons eu de nostre roy lige et souverain seigneur, nous vous respondons qu'en l'onneur de Dieu et de Nostre Dame et de monseigneur saint George, que en ce que vous nous avez escript que du sang de ceulx de vostre costé avons plus grant pitié que nous n'avons eu de nostredit seigneur, vous avez menti faulsement et mauvaisement. Car vraiment nous avons son sang plus cher que le sang de ceulx de vostre costé, combien que vous prétendez le contraire faulsement. Et se vous voulez dire que nous n'aions eu cher son sang et sa vie, nous disons que vous mentez et mentirez faulsement à toutes les foiz que vous le direz. Et scet le vray Dieu, que nous appellons en tesmoing, en mectant en ce nostre corps contre le vostre pour nostre défense, comme loial prince doit faire, se vous le voulez ou osez prouver. Et pleust à Dieu que vous n'eussiez onques fait ne procuré contre la personne de vostredit seigneur et frère, ne les siens, plus que nous avons de nostredit seigneur. Si créons qu'ils en feussent à présent plus aises. Et jà soit ce que vous pensez que nous n'avons desservi d'estre merciez de ce que nous avons pitié de ceulx de vostre costé, toutesfois il nous semble que envers Dieu et tout le monde nous l'avons bien desservi, mais non pas en telle manière que vous prétendez faulsement. Considéré que après le sang de noz féaulx liges et subgetz, certes nous avons bonne cause comme il nous semble de avoir bien cher le

sang

de

ceulx de France en recordant le bon droit que Dieu nous a donné, ainsi, comme nous avons entier espoir en lui, pour la salvacion desquelz vouldrions plus voulentiers mectre nostre corps contre le vostre, que souffrir l'effusion de leur sang, comme bon pasteur doit faire, en lui exposant pour ses brebis, là où, moiennant vostre bonne grace et orgueil de cuer, vous les mectriez à ce qu'ilz pourroient, quant vous ne vouldriez mectre vostre corps ou exposer pour eulx quant mestier seroit. Mais nous ne merveillons point se vous faictes de vostre part comme le mercenaire veu que au pasteur des brebis n'appartient pas que quant il voit le loup venant, laisser les brebis, en soy mectant à la fuite sans avoir de riens cher leur sang. Et nous aussi confermant des femmes qui contredirent avoir l'enfant devant le noble roy Salomon. C'est assavoir, la bonne mère qui avoit pitié de son filz, ou l'autre qui n'estoit point sa mère vouloit avoir en ce faisant départi et mis à mort, se le sage juge et discret n'eust esté.

De ce que vous escripvez que sceue de nous la response de vos derrenières lectres, soit corps à corps ou nombre à nombre, soit povoir à povoir, nous vous trouverons en faisant vostre devoir et en gardant l'onneur de vous par effect comme en tel cas appartient, nous vous mercions se vous le voulez poursuivir et fournir. Néantmoins savoir vous faisons que nous espérons, à l'aide de Dieu, que vous verrez le jour que vous ne départirez sans avoir l'une des deux voies à nostre honneur.

A ce que vous désirez d'estre acertené de la venue que pensons à faire pardelà, vous faisons sçavoir par

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