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estre prest, vous III, quant vous manderay, je vous feray gangnier bon bustin et de bonne prise, car j'ay aucuns qui sont mes féables, qui m'ont promis de moy livrer Armignaz portant grans finances d'or et d'argent. » Et ledit Enguerran lui respondit qu'il seroit tout prest et qu'il lui fist savoir le jour. Et environ six ou huit jours après, revint ledit Molliens parler audit Enguerran, et lui dist qu'il avoit parlé à son homme, nommé Colinet de Grandchamp dit L'eschopier, et qu'il serait heure de partir au bout de deux jours. Et dist ledit Molliens qu'il orroit certaines nouvelles à Lisle. Et sur ce, parti ledit Enguerran, Guilbin de Croix, son frère, et Jacob de Croisectes, son varlet, et ledit Molliens, lui re, et alèrent droit à Lisle. Et là vint ledit Colinet de Grandchamp et dist ausdiz Molliens et Enguerran, que ceulx qui quéroient passeroient à venir, de Guise à Tournay, et de Tournay au Pont à Vendin, et de là au Crotoy ou ès places ennemies d'entour. Et fut par lesdiz Molliens, Enguerran et Colinet, conclud que le dit Colinet les yroit garder, et il les actendroit au Pont à Vendin. Et au second jour ou environ, vindrent passer ceulx mesmes et ledit Colinet avec, qu'il fist les signes tels que diz estoient. Et tantost eulx passez, ledit Molliens et ledit Enguerran et leurs gens, vindrent montez à cheval, et à demie lieue dudit pont les vindrent ataindre, et destrousser de 1 à vo escuz d'or, et avec ce leur ostèrent plusieurs bouges esquelles il avait pluseurs menues besoingnes, et leur décoppèrent leurs sangles et brides. Et lors ceste chose ainsi faicte, vindrent chevauchier lesdiz Enguerran et Molliens, vers Saint Pol, et, environ de 1 à six lieues, partirent leur bustin, et s'en ala chascun ou bon lui sembla. Et quant est dudit Enguerran il tira au chastel de Frevench, dont il estoit capitaine. Et au bout de huit jours après, vint Colart Janglet, qui avoit espousé la seur dudit Colinet Eschoppier, audit chasteau de Frevench, devers ledit Enguerran, et lui dist comment ledit Colinet avoit fait

destrouçer Jehan le Vaasseur, son beau-frère, et ш ou m marchans d'Abbeville, et dist audit Enguerran qu'il estoit renommé de y avoir esté. Et lors ledit Enguerran lui dist la vérité, et comment ledit Molliens et ledit Colinet, son beau frère, lui avoient donné à entendre que ceuls estoient des places ennemis à nous, et nonobstant, se ledit Molliens et ledit Colinet lui avoient donné bourdes à entendre, et que se ilz n'estoient de bonne prise, il estoit prest, se il l'avoit mauvaisement pris, de bien rendre, et que ceulx qui avoient fait ceste perte ne se soussiassent de ce que ledit Enguerran, son frère, et varlet, en avoient eu, et que ils ne perdroient riens. Et après ce, feust Hue le Sergent, parent dudit Enguerran, et Colart Jouglet, alez à Ligny sur Canche, et ledit Enguerran avecques eulx, et là lui distrent qu'ils estoient mauvaisement trahis, et que ceulx que on avoit destroussé estoient de la ville d'Abbeville. Et lors ledit Enguerran fut de ce grandement courroucé, et dist qu'il courrouceroit ledit Molliens et ledit Colinet qui ce lui avoient donné à entendre. Et depuis ce, feust mandé Jehan le Vaasseur, Jehan Brunet, et ceulx qui ceste perte avoient faicte, par ledit Hue le Sergent, et vindrent à Arras, et là fut ledit Enguerran parler à eulx, et conclud icellui Enguerran de eulx récompenser de ce que lui, son frère, et varlet, en avoient eu. Dont ledit Jehan le Vaasseur et ledit Brunet dirent, présent ledit Hue le Sergent : « Enguerran! nous sommes bien acertenez que vous avez esté trahi, et ce vous a fait ledit Jehan de Molliens, et faictes bien pour vostre descharge, de prendre ledit Molliens et le nous livrer. » Et adont ledit Enguerran dist aux dessusdiz qu'il le prendroit de bon cœur, et mectroit grant peine de à eulx le livrer. Et depuis fut ledit Enguerran bien accompaigné, en la maison dudit Molliens pour le prendre et livrer audit Vaasseur et Brunet. Mais il sailli par une petite fenestre et s'en fouy, et ne l'a depuis ledit Enguerran peu prendre, combien qu'il s'en est mis en grant peine.

Et depuis toutes ces choses ainsi faictes, fut traictié par Jehan de Maillefeu, parent dudit Enguerran, à Abbeville, ausdiz Jehan le Vaasseur, Jehan Brunet et autres, que pour tout ce que ledit Enguerran, Guillebin son frère, et Jacob son varlet, avoient eu, furent lesdiz marchans récompensez tout plainement. Et passa ledit Jehan le Vaasseur lettres obligatoires royaulx, lui faisant fort de tous ceux qui perte avoient eu à ceste besoingne, et qui en quicta ledit Enguerran, sondit frère, et varlet, promectant de eulx en jamais poursuir, en disant qu'il estoit d'eulx bien récompensé. Mais non obstant toutes les choses ainsi faictes, a esté faicte informacion par nos officiers, des choses dessusdictes. Pour laquelle chose ledit Enguerran doubte que nostre procureur ou autres le veulent de ce poursuir, qui seroit en son grand préjudice. En nous humblement suppliant, que actendu que ledit Enguerran cuidoit certainement que les choses dessusdictes ainsi prises feussent à noz ennemis, et ainsi lui avoit esté donné à entendre, et que quant la vérité est venue à sa congnoissance il a restitué ce que lui, sesdiz frères et varlet, en avoient eu, et se sont lesdiz marchans tenuz pour contens, comme dit est, Nous, sur ce vueillons audit Enguerran nostre grace et miséricorde impartir. Pourquoy, Nous ces choses considérées, et actendu les bons et aggréables services faiz à Nous et à nostre dit cousin de Bourgogne par ledit Enguerran, en nos guerres et autrement, et espérons que face ou temps à venir, audit Enguerran de Monstrelet, ou cas dessus dit, avons remis, quicté et pardonné, remectons, quictons et pardonnons, de nostre grace espécial, plaine puissance et auctorité royal, le fait et cas dessusdit, avec toute peine, amende et offense corporelle, criminelle et civile, en quoy il puet estre encouru envers nous et justice pour occasion des choses dessusdictes, et le remectons et restituons à sa bonne fame et renommée, au pais et à ses biens non confisqués, satisfaction faicte à partie, civilement

tant seulement, se faicte n'est, et aucune en y a qui se plaigne. Et sur ce imposons silence perpétuel à nostre procureur. Si donnons en mandement par ces présentes, aux bailli d'Amiens et sénéchal de Pontieu et à tous nos autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans présens et avenir et ad chacun d'eulx si comme à lui appartiendra, que de nostre présente grace et rémission, facent, seuffrent et laissent ledit Enguerran joir et user paisiblement, sans le molestier, travaillier ou empeschier, ne souffrir estre molesté, travaillié ou empeschié, en corps ne en biens, en aucune manière. Mon (lis. mais) son corps et ses biens non confisqués, se aucuns en sont pour ce prins, saisiz, levez ou arrestez, lui mectent ou facent mectre sans délay à plaine délivrance. Et afin que ce soit chose ferme et estable à toujours, nous avons fait mectre nostre séel à ces présentes, sauf en autres choses nostre droit, et l'autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de novembre, l'an de grace mil cccc xx, et de nostre regne le tiers. Ainsi signé : Par le Roy, à la relacion du Conseil.

G. FERREBOUC.

(Arch. imp. Trés, des ch., reg. J, 173, n° 13.)

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