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CHAPITRE II.

Comment un escuier d'Arragon, nommé Michel d'Oris, envoia en Angleterre lectres pour faire armes, et la response qu'il eut d'un chevalier dudit pays d'Angleterre.

Au commencement de cest an mil quatre cens, furent envoiées ou royaume d'Angleterre unes lectres par ung escuier du royaume d'Arragon, nommé Michel d'Oris, desquelles la teneur s'ensuit :

<< Ou nom de Dieu, et de la benoiste vierge Marie, de saint Michel et de saint Georges, je, Michel d'Oris, pour mon nom exaulcer, sachant certainement la renommée des proesses de la chevalerie d'Angleterre, ay, au jour de la date de ces présentes, prins ung tronçon de grève à porter à ma jambe jusques à tant qu'un chevalier dudit royaume d'Angleterre m'en aura délivré, à faire les armes qui s'ensuivent : premièrement, d'entrer en place à pié, et d'estre armé chascun ainsi que bon lui semblera, et d'avoir chascun sa dague et son espée sur son corps, en quelque lieu qu'il lui plaira, aiant chascun une hache, dont je bailleray la longueur : et sera le nombre des cops de

IX. Jean de France, né le 31 août 1398, mort le 4 ou 5 avril 1416.

X.

XI.

Catherine de France, née le 27 octobre 1401, morte en 1438.

Charles de France (Charles VII), né le 23 février 1402, mort le 22 juillet 1461.

x. Philippe de France, né le 11 novembre 1407, mort le même

jour.

1. On désignait par le mot grève, la pièce d'armure défensive destinée à protéger le gras de la jambe.

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tous les bastons ensuivans1 : c'est assavoir, de la hache, dix cops sans reprendre, et quant ces dix cops seront parfais, et que le juge dira: Ho! nous ferrons dix cops d'espée sans reprendre ne partir l'un de l'autre, et sans changer harnois. Et quant le juge aura dit Ho! d'espées, nous venrons aux dagues et en ferrons dix cops sur main. Et se aucun de nous perdoit, ou laissoit cheoir aucun de ses bastons, l'autre peut faire son plaisir du baston, qu'il tendra jusques à ce que le juge ait dit Ho! Et les armes à pié accomplies, nous maintendrons à cheval; et sera chascun armé du corps, ainsi qu'il lui plaira. Et y aura deux chapeaulx de fer paraulx, que je livreray; et choisira, mondit compaignon, lequel des deux chapeaulx qu'il lui plaira, et aura chascun tel gorgerin qu'il lui plaira. Et avecques ce, je bailleray deux selles, dont mondit compaignon aura le choix. Et oultreplus, aurons deux lances d'une longueur, desquelles lances nous ferrons vingt cops sans reprendre, à cheval, sur main, et pourrons férir par devant et par derrière, depuis le faulx du corps, en amont. Et icelles armes de lances faictes et acomplies, ferons les armes qui s'ensuivent : c'est assavoir, s'il advenoit que l'un ou l'autre ne feust blecié, nous serons tenus après, en icelle journée mesme et ou second jour après, férir de cop de lance, à course de chevaulx, à trois rens, tant que l'un ou l'autre cherra

1. On voit ici qu'on entendait par là toutes sortes d'armes blanches, haches, épées, dagues, etc. De là cette expression qui revient si fréquemment dans les anciens textes, de gens armés et embastonnés. Au reste l'édit. Vérard est ici plus claire; elle met: de tous les bastons combatans ensuyvant.

à terre, ou soit blecié si qu'il n'en puist plus faire. Et que chascun s'arme à sa voulenté, le corps et la teste, et les targes soient de nerfz, ou de corne', sans ce qu'elles soient de fer, ne d'acier, ne qu'il y ait aucune maistrise. Et courrons lesdictes lances, à tout les selles que les chevaulx auront, faisans lesdictes armes à cheval. Et chascun liera et mectra ses estriers à sa voulenté, sans faire nulle maistrise. Et pour y adjouster plus grant foy et fermeté, je, Michel d'Oris, ay scellé ceste lectre du séel de mes armes, laquelle lectre fut faicte et escripte à Paris, le venredi xx jour d'avril, l'an mil quatre cens. »

Lequel poursuivant, nommé Aly, s'adreça, à tous ses lectres, en la ville de Calais, et là, furent icelles veues par ung chevalier d'Angleterre, nommé messire Jehan de Prendegrest, lequel accepta de faire lesdictes armes ou cas qu'il plairoit au Roy d'Angleterre, son souverain seigneur. Et sur ce, rescripvi ses lectres à l'escuier d'Arragon dessus nommé : desquelles la teneur s'ensuit :

« A noble homme et honnorable personne, Michel d'Orix, je, Jehan de Prendegrest, chevalier et familier de très hault et puissant seigneur monseigneur le conte de Sombreseil', honneur et plaisance. Plaise vous savoir que j'ay, ores, personnellement, veues unes lectres

1. Et que les targes soient de nerfz ou de corne, que les boucliers soient de cuir ou de bois dur.

2. L'édit. Vérard et celle de 1572 donnent le conte de Sommerset. Sur quoi Ducange fait la note suivante : « Jean de Beaufort, filz de Jean de Gand, duc de Lancastre et de Catherine Swinfort sa 2o femme. Il succéda au gouvernement de Calais, à Jean Holland, comte de Huntington.

par deçà envoiées par Aly le poursuivant, par lesquelles je entens la vaillance et courageux désir d'armes qui sont en vous, et aussi que vous avez fait veu de porter une certaine chose, laquelle, comme vos dictes lectres contiennent, vous fait grant mal à la jambe, et que vous le porterez jusques à certain temps que vous serez délivré d'aucun chevalier anglois d'avoir fait certaines armes, composées en vosdictes lectres. Moy, désirant honneur et plaisance, comme gentil homme, de tout mon povoir, ay, ou nom de Dieu et de la doulce vierge Marie, de monseigneur sainct George, et de saint Anthoine, acceptée et accepte vostre requeste, telle et en la meilleure manière que vosdictes lectres contiennent, tant pour vous aléger de la peine et du mal que vous souffrez, comme aussi pour ce que j'ay longuement désiré d'avoir acointance avec aucun noble et vaillant homme de la partie de France, afin d'apprendre aucune chose appartenant à honneur d'armes, pourveu qu'il plaise à mon sire le Roy, de sa grace espéciale me donner congé de le faire, soit devant lui et sa personne royale, en Angleterre, ou autrement, à Calais, par devant mondit très hault et puissant seigneur, le conte de Sombreseil. Et en oultre, pour tant que vos dictes lectres font mencion que vous apporterez chapeaulx, desquelz vostre compaignon choisira celui qu'il lui plaira, et aura chascun tel gorgerin qu'il lui plaira, vous plaise savoir, que pour ce que ne vouldroie que par aucune subtilité de ma partie, d'une piece de harnois ne d'autre, le fait par bon vouloir entreprins, peust aucunement estre destourbé ou délaissé, je vueil, s'il vous plaist, que vous apportez deux gor

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gerins d'une facon, dont vous aurez semblablement le choix. Et vous prometz en bonne foy que loyaument je mectray et feray diligence à mon povoir devers messeigneurs mes amis et de moy-mesme, de impétrer ledit congié; en quoy j'espère en Dieu que je ne fauldray pas. Et avecques ce, du jour et lieu où lesdictes armes se feront, se c'est le plaisir du Roy nostre sire, comme dit est, je escripray au capitaine de Boulongne dedens le jour de la Tiphaine prouchain venant au plus tost que faire se pourra, à fin que de mon entente et voulenté puissiez hastivement estre certifié, et de la plaine voulenté de mon cuer en ceste partie. Noble, honnorable et vaillant seigneur, je prie à cellui qui est faiseur et créateur de tous biens, qu'il vous octroit joye, honneur et plaisance, avecques tous biens que vous vouldriez de vostre dame, à laquelle je vous prie que ces présentes me puissent recommander. Escriptz soubz mon seel, à Calais, le onzieme jour de juing, l'an dessusdit. »

Depuis lesquelles lectres dessusdictes envoiées audit escuier d'Arragon, pour ce que icellui chevalier n'avoit pas assez briève response, et que la besongne fut par longtemps délaiée, lui rescripvi de rechef autres lec

tres, dont la teneur s'ensuit :

S'ensuit la seconde lectre du chevalier anglois, envoiée à l'escuier d'Arragon.

« A honnorable homme, Michel d'Oris, je, Jehan de Prendegrest, chevalier, salut. Comme pour vous aisier et aléger de la peine que vous avez soufferte je vous ay octroié à délivrer les armes que vous avez

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