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Chin, le seigneur de Houcourt, et plusieurs autres nobles hommes en très grant nombre, avec lequel conte, ils tindrent plusieurs consaulx esquelz ils conclurent d'aler à puissance devers les marches de leurs adversaires pour iceulx envayr et grever de toute leur puissance. Mais en ces propres jours fut mandé audit conte et ausdiz seigneurs de par le Roy qu'ilz ne procédassent plus avant à faire ladicte entreprinse, car le Roy y avoit pourveu d'autres gens. C'est à dire qu'il y envoia le marquis du Pont, filz au duc de Bar, le conte de Dampmartin et Harpedane', chevalier de grant renom, à tout quatre cens bacinets et cinq cens autres hommes de guerre qui se logèrent à Boulongne et és autres lieux sur les frontières de Boulenois. Pour lequel mandement d'iceulx ne de leur venue, ledit conte Waleran de Saint-Pol ne fut guères joyeux. Mais ce lui convint il souffrir, feust de son bon gré ou autrement. Et d'autre part, le duc Jehan de Bourgongne, qui estoit en son pays de Flandres, sachant la fortune et dommage que avoit eu ledit conte de hastiveSaint-Pol, en fut très desplaisant, et envoya ment messire Jehan de La Valée2, chevalier, et plusieurs hommes d'armes et arbalestriers à Gravelines et autres lieux de ladicte frontière pour garder que les Anglois ne leur feissent aucun dommage. Esquelles frontières estoient aussi commis de par le roy France, messire Holiel d'Araines, lequel nuit et jour très diligemment entendoit aux besongnes.

1. Harpedane, Harpaydanne, dans Vérard.

2. Jehan de La Vallée. (Vér.)

de

3. Holiel d' Araines. Vérard et l'édit. de 1572 portent : Lyonnet ď Arummes ; où le prénom est bon, et le nom,

mauvais.

En oultre, le roy Henry d'Angleterre, qui par ceulx de Calais avoit sceau la bonne fortune que ses gens avoient eue contre les François devant Merck, mist hastivement sus une grosse armée de quatre à six mille combatans', lesquelz il envoya devant Dunquerque et Nyeuport descendre au port de l'Escluse. Et eulx là venus, se mirent hors dudit navire bien trois mille hommes et par le gravier alèrent tout à pié bien une lieur assaillir le chastel de l'Escluse. Mais les gardes ellui avec ceulx de la ville et du pays environ, qui en brief furent en grant effroy, se défendirent très vaillamment, et tant que par le trait des canons et autre défense reboutèrent leurs ennemis et en occirent bien soixante et plus, entre lesquelz le conte de Pennebruch', qui estoit ung de leurs principaulx capitaines, y fut navré à mort. Et pour tant ne demoura point que ledit duc de Bourgongne pour garder son pays contre iceulx Anglois ne feist tantost assembler grant nombre de gens d'armes par le seigneur de Croy et autres ses capitaines, lesquelz il fist traire sur les frontières de Flandres afin de résister à telles ou pareilles entreprinses que avoient fait ses adversaires, et iceulx combatre se plus y retournoient.

Et qui plus est, le dessusdit duc de Bourgongne mist sus une ambaxade qu'il envoia à Paris devers le Roy et son grant conseil pour avoir aide de gens et

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1. De quatre à cinq mille. (Édit. de Vérard et celle de 1572.) 2. Lesquelz, par mer, à grant nombre de navires, il envoia nageant par devant Dunquerque et Nuefport. (Vérard et l'édit. de 1572.)

3. Le comte de Pembroke. Vérard et l'édit. de 1572 écrivent Preembroc.

4. Le Roy, le duc d'Orléans et autres du grant conseil. (Vér.)

d'argent pour mectre siége devant Calais. Car il estoit de ce moult désirant. Mais aux ambaxadeurs dessusdiz fut par le duc d'Orléans et autres du grant conseil baillé response négative'. Et pour tant, ledit duc de Bourgongne, oye la response devant dicte par sesdiz ambaxadeurs, se disposa d'aler à Paris devers le Roy pour mieulx expédier et conduire ses besongnes. Et pour ce tira vers Arras, où il eut plusieurs grans consaulx sur ses afaires avec plusieurs seigneurs, et ses féables serviteurs.

CHAPITRE XXV.

Comment le duc Jehan de Bourgongne ala à Paris et fist retourner la Royne et le Daulphin que le duc d'Orléans emmenoit.

En après, quant ledit duc de Bourgongne eut conclud dedens Arras sur ses afaires, il se parti, à tout plusieurs hommes d'armes, jusques à huit cens combatans ou plus, armez couvertement, la vigile de l'Assumpcion Nostre-Dame', pour aler à Paris. Et cela, par aucuns jours, jusques en la ville de Louvres en Parisis. Auquel lieu lui furent envoiées unes lectres de Paris, contenant que le Roy estoit de sa maladie retourné en santé, et aussi que la Royne et le duc d'Orléans estoient partis de Paris pour aler à Meleun, et de là à Chartres, et qu'ilz avoient ordonné d'emmener avecques eulx le duc de Guienne, daulphin de

1. Ces obstacles mis par le duc d'Orléans aux desseins du duc de Bourgogne sur Calais, accrurent la haine de ce dernier. Voy l'Histoire de Bourgogne de dom Plancher.

2. Le 14 août 1405.

Vienne'. Lesquelles lectres par lui visitées, un peu se dormy, et puis au son de la trompète, avecques ses gens, de ladicte ville se party très matin, et hastivement s'en ala audit lieu de Paris afin de trouver ledit duc d'Aquitaine. Mais quant il fut là venu, il lui fut dit d'aucuns qu'il s'estoit déjà parti pour aler audit lieu de Meleun, avecques la Royne sa mère, ce qui estoit vérité. Et pour ce, icellui duc de Bourgongne, sans descendre ne atarger, chevaucha très fort, à tout ses gens, parmy ladicte ville de Paris, tant que son cheval povoit troter, et suivy ledit daulphin, lequel il raconsuivy près de Corbueil'. En laquelle ville de Corbueil l'actendoient ladicte Royne et le duc d'Orléans, au disner*, et avecques ladicte Royne, le mar

1. Le dauphin Louis. C'était le huitième enfant et le troisième des fils de Charles VI et d'Isabeau de Bavière. Monstrelet l'appelle ici duc de Guienne, mais plus habituellement, comme plus bas, duc d'Aquitaine.

2. Le Religieux de Saint-Denis rapporte qu'à la nouvelle de l'arrivée du duc de Bourgogne, la reine et le duc d'Orléans avaient quitté Paris en toute hâte, pour se réfugier à Melun. Il ajoute, qu'en partant, la Reine avait ordonné à son frère, Louis de Bavière, au grand maître de l'hôtel Gérard de Montaigu, et au mareschal de Bouciquaut, de lui ramener le Dauphin avec ses autres enfants, et même, dit le Chroniqueur, les enfants du duc de Bourgogne. « Ipsa eciam regina fratri suo, magistro domus regie, ac eciam marescallo Boussicaudo, jussit ut die sequenti, « dominum ducem Guienne Dalfinum et fratres ejus, cum liberis « eciam ipsius ducis Burgundie ad eam in manu potenti adduce«rent sic secrete ut ab aliis consanguineis et civibus Parisiensibus « eorum ignoraretur recessus. » (Chr. de Ch. V1, t. III, p. 292.) 3. Vérard met : entre la Villejuive et Corbueil.

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4. Au disner. Il y a ici dans Vérard une variante importante: Et avec ledit duc d'Acquitaine estoient, son oncle de par sa mère, c'estassavoir, Louys de Bavière, le marquis du Pont, fils

quis du Pont, fils au duc de Bar, son oncle de par sa mère, le conte de Dampmartin, Montagu le grant maistre d'hostel du Roy, avecques lui la dame de Préaulx, femme de monseigneur Jaques de Bourbon. Et lors, le duc de Bourgongne, approuchant le duc d'Acquitaine, daulphin, lui fist très grant honneur et révérence, et lui supplia qu'il voulsist retourner et demourer à Paris, disant que là seroit il mieulx que en quelconque autre lieu du royaume. Et avecques ce lui dist qu'il avoit à parler à lui de certaines besongnes qui bien lui touchoient'. Après lesquelles paroles dictes, ledit duc Loys de Bavière, voiant la voulenté du Daulphin son neveu, incliner à la requeste qu'on lui faisoit, si dist: «Sire duc de Bourgogne, laissez aler monseigneur d'Acquitaine, mon nepveu, après la Royne sa mère, et monseigneur d'Orléans son oncle, là où on le fait aler par le consentement du Roy son père. » Et après, icellui duc Loys défendi de par le Roy à tous ceulx qui là estoient, que nul ne mist la main à la litière, ne baillast empeschement audit duc d'Acquitaine qu'il n'alast son chemin où ordonné lui estoit. Non obstans lesquelz délais, et plusieurs autres paroles, délaissées pour cause de briesté, ledit duc de Bourgongue, de fait fist retourner ladicte litière et ledit duc d'Acquitaine avecques toutes ses gens, et le

au duc de Bar, [le] conte Dammartin, Montagu grant maistre d'hostel du Roy, avec eulx, pluiseurs autres seigneurs qui l'accompagnoient. Et estoit en une litière avec luy (le Dauphin) sa sœur de Priaulx, femme de messire Jacques de Bourbon. Et lors, etc. »

1. Notez que ce dauphin Louis n'était qu'un enfant de huit ans, étant né le 22 janvier 1397.

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