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vingt et deux. Et afin que on voie aucunement les causes pour quoy les divisions, discordes et guerres s'esmurent entre la très noble, très excellente et très renommée seigneurie de France, dont à cause de ce tant de maulx et inconvéniens sont venus ou grant dommage et désolacion dudit royaume, que piteuse chose sera du recorder, je toucheray ung petit au commencement de mon livre, de l'estat et gouvernement, maintien et conduite du dessusdit roy Charles, ou temps de sa jeunesse.

DE L'AN MCCCC.

[Du 18 avril 1400 au 3 avril 1401.]

CHAPITRE PREMIER.

Comment le roy Charles le Bien-Aymé régna en France, après qu'il eust esté sacré à Reims, l'an mil trois cens quatre vingts; et des grans inconvéniens qui lui survindrent 1.

Pour ce que au commencement de mon livre ay aucunement touché que je parleray subsécutivement de l'estat et gouvernement du roy de France, Charles le Bien-Aymé, VI du nom, et afin que plus pleinement soient sceues les causes et raisons pour quoy les seigneurs du sang royal furent, durant son règne et depuis, en division, en feray en ce présent chapitre aucune mencion.

1. Ce dernier membre de phrase manque dans l'édit. Vérard.

3

Vérité est que le dessusdit Charles le Bien-Aymé, fils du Roy Charles le Quint', commença à régner et fut sacré à Reims le dimanche avant la feste de Tous Sains, l'an de grace mil trois cens quatre vingts', comme plus à plain est déclairé ou livre de maistre Jehan Froissart; et n'avoit lors que quatorze ans d'aage. Et depuis là en avant, gouverna moult grandement son royaume et par très noble conseil ; fist en son commencement de beaulx voiages, où il se porta et conduit, selon sa jeunesse, assez prudentement et vaillamment, tant en Flandres, où il gaigna la bataille de Rosebecque et réduit les Flamens en son obéissance, comme depuis en la valée de Cassel et ès mètes du pays à l'environ, et aussi contre le duc de Gueldres. Et depuis aussi fut-il à l'Ecluse, pour passer oultre en Angleterre. Pour lesquelles entreprinses fut fort redoubté par toutes les parties du monde où on avoit de lui congnoissance. Mais fortune, qui souvent tourne sa face aussi bien contre ceulx du plus haut estat comme du mendre, lui monstra de ses tours. Car, l'an mil trois cens quatre vingts douze, le dessusdit Roy eut voulenté et conseil d'aler, à puissance, en la ville du Mans, et de là passer en Bretaigne pour subjuguer et mectre en son obéissance le duc de Bretaigne, pour ce qu'il avoit favorisé messire Pierre de Craon qui avoit vilainement navré et injurié dedens Paris, à sa grant desplaisance, messire Olivier de Cliçon, son con

1. Charles le Riche, dans l'édit. Vérard.

2. Le 28 octobre 1380.

3. Le 27 novembre 1382. Au lieu de gaigna, l'édit. Vérard met conquist.

nestable. Ouquel voiage lui advint une piteuse aventure, dont son royaume eut depuis moult à souffrir, laquelle sera,cy aucunement déclairée, jà soit que ce ne fut pas du temps, ne de la date de cette histoire.

Or est-il ainsi que le Roy dessusdit, chevauchant de ladicte ville du Mans à aler audit pays de Bretaigne, ses princes et sa chevalerie estant assez près de lui, lui print assez soudainement une maladie, de laquelle il devint ainsi comme hors de sa bonne mémoire. Et incontinent tolly ung espieu de guerre

ung de ses gens, et en féry le varlet du bastard de Lengres, tellement qu'il l'occist, et après occist ledit bastard de Lengres'. Et si féry telement le duc d'Orléans, son frère, que, nonobstant qu'il feust armé, si le navra-il ou bras. Et de rechef navra le seigneur de Sempy, et l'eust mis à mort, à ce qu'il monstroit, se Dieu ne l'eust garandi. Mais en ce faisant, se laissa cheoir à terre, et par la diligence du seigneur de Coucy et autres ses féaulx serviteurs, fut prins, et lui ostèrent à moult grant peine ledit espieu. Et de là fut ramené en ladicte ville du Mans, en son hostel, où il fut visité par notables médecins; néantmoins on y espéroit plus la mort que la vie. Mais par la grace de Dieu, il fut depuis en meilleur estat, et revint assez en sa bonne mémoire ; non pas telle que paravant il avoit eue. Et depuis ce jour, toute sa vie du

1. Guillaume de Poitiers fils naturel de Guillaume, évêque de Langres. (Note de Ducange.) Le Religieux de Saint-Denis dit que le roi tua quatre hommes, et entre autres le bâtard de Polignac. (Chron. de Ch. VI, t. II, p. 20.)

2. L'édit. Vérard donne la mauvaise leçon, Sainct Py, et plus bas Conchy, pour Coucy, qui est dans notre manuscrit.

rant, eut par plusieurs fois de telles ocupacions comme la dessusdicte, pour quoy il faloit tousjours avoir le regard sur lui et le garder. Et pour ceste doloreuse maladie perdi, toute sa vie durant, grant partie de sa bonne mémoire; qui fut la principale racine de la désolacion de tout son royaume. Et depuis ce temps commencèrent les envies et tribulacions entre les seigneurs de son sang, pour ce que chascun d'eulx contendoit à avoir le plus grant gouvernement de son royaume, voyans assez clèrement qu'il estoit assez content de faire et accorder ce que par iceulx lui estoit requis; lesquelz se trouvoient vers lui les ungs après les autres, et à cautelle en l'absence l'un de l'autre, le induisoient à faire leur singulière voulenté et plaisir, sans avoir égard, tous ensemble par une mesme delibéracion, au bien publique de son royaume et dominacion. Toutesfois aucuns en y eut qui assez loyaument s'en acquitèrent, dont grandement après leur mort en furent recommandez. Lequel Roy, en son temps eut plusieurs enfants, filz et filles : dont, de ceulx qui vesquirent jusques à aage compétent, les noms s'ensuivent :

Premierement, Loys, duc d'Acquitaine, qui eut espouse la fille premier née du duc Jehan de Bourgongne; qui mourut avant le roy son père, sans avoir généracion. Le second eut nom Jehan, duc de Touraine, qui espousa la seule fille du duc Guillaume de Bavière, conte de Haynau ; qui pareillement mourut avant le roy son père, sans avoir généracion. Le tiers eut nom Charles, qui espousa la fille de Loys, roy de Cécile, et en eut généracion, de laquelle sera cy-après faicte aucune déclaracion; lequel Charles

succéda au royaume de France après le trespas du roy Charles son père. La première fille ot nom Ysabel, et fut mariée la première fois au roy Richard d'Angleterre, et depuis au duc Charles d'Orléans, duquel elle délaissa une seule fille. La seconde fut nommée Jehanne, et fut mariée à Jehan, duc de Bretaigne, duquel elle eut plusieurs enfans. La tierce eut nom Michele, et eut à mary le duc Philippe de Bourgongne, de laquelle ne demoura nulz enfans. La quatrieme fut nommée Marie, qui fut religieuse à Poissy. La quinte eut nom Katherine, et eut espouse le roy d'Angleterre, duquel elle eut un filz nommé Henry, qui après le trespas du roy son père, fut roy dudit royaume d'Angleterre. Lequel roy, Charles VIo, eut tous les enfans dessusdis, de la royne Isabel, son espouse, fille du duc Estienne de Bavière1.

1. Il n'est pas inutile de compléter ici cette descendance généalogique de Charles VI donnée par Monstrelet, en ramenant les dates au N. S.

Charles VI naquit à Paris le 3 décembre 1368, et y mourut, à l'hôtel Saint-Pol, le 21 octobre 1422. Il avait épousé, le 17 juillet 1385, Isabeau de Bavière, dont il eut :

1.

II.

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IV.

V.

VI.

VII.

Charles de France, né le 25 septembre 1386, et mort le 28 décembre suivant.

Jeanne de France, née le 14 juin 1388; morte en 1390. Isabelle de France, née le 9 novembre 1389, morte, en couches, à Blois, le 13 septembre 1409.

Jeanne de France, née le 24 janvier 1391, morte le 27 septembre 1433.

Charles de France, dauphin, né le 6 février 1392, mort le 11 janvier 1401.

Marie de France, née le 22 août 1392, morte le 19 août 1438. Michelle de France, née le 11 janvier 1395, morte en 1422. VIII. Louis de France, duc de Guienne, né le 22 janvier 1397, mort le 18 décembre 1415.

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