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Des peuples et des temps il me rédit l'histoire ;
Plus ces temps sont fameux, plus ces peuples sont grands,
Et plus j'admirerai ces restes imposans.

O champs de l'Italie, ô campagnes de Rome,
Où dans tout son orgueil gît le néant de l'homme !
C'est là que des aspects fameux par de grands noms,
Pleins de grands souvenirs et de hautes leçons,
Vous offrent ces objets, trésors des paysages.
Voyez de toutes parts comment le cours des âges
Dispersant, déchirant, de précieux lambeaux,
Jetant temple sur temple, et tombeaux sur tombeaux,
De Rome étale au loin la ruine immortelle ;
Ces portiques, ces arcs, où la pierre fidelle
Garde du peuple-roi les exploits éclatans:
Leur masse indestructible à fatigué le temps.
Des fleuves suspendus ici mugissait l'onde;
Sous ces portes passaient les dépouilles du monde ;
Partout confusément dans la poussière épars,
Les thermes, les palais, les tombeaux des Césars,
Tandis que de Virgile, et d'Ovide, et d'Horace,
La douce illusion nous montre encor la trace.
Heureux, cent fois heureux l'artiste des jardins
Dont l'art peut s'emparer de ces restes divins!
Déjà la main du temps sourdement le seconde ;
Déjà sur les grandeurs de ces maîtres du monde
La nature se plaît à reprendre ses droits.

Au lieu même où Pompée, heureux vainqueur des rois,
Etalait tant de faste, ainsi qu'aux jours d'Evandre
La flûte des bergers revient se faire entendre.
Voyez rire ces champs au laboureur rendus,

Sur ces combles tremblans les chevreaux suspendus,
L'orgueilleux obélisque au loin couché sur l'herbe,
L'humble ronce embrassant la colonne superbe ;
Ces forêts d'arbrisseaux, de plantes, de buissons,
Montaut, tombaut en grappe, en touffes, en festons,
Par le souffle des vents semés sur ces ruines.
Le figuier, l'olivier, de leurs faibles racines,
Achèvent d'ébranler l'ouvrage des Romains;
Et la vigne flexible, et le lierre aux cent mains,
Autour de ces débris rampant avec souplesse,
Semblent vouloir cacher ou parer leur vieillesse.
Delille. Les Jardins, ch. IV.

5*

DESCRIPTIONS.

1040

L'Eden.

DU marbre, de l'airain, qu'un vain luxe prodigue,
Des ornemens de l'art, l'œil bientôt se fatigue ;
Mais les bois, mais les eaux, mais les ombrages frais,
Tout ce luxe innocent ne fatigue jamais.

Aimez donc des jardins la beauté naturelle ;
Dieu lui-même aux mortels en traça le modèle.
Regardez dans Milton, quand ses puissantes mains
Préparent un asyle aux premiers des humains,
Le voyez-vous tracer des routes régulières,
Contraindre dans leur cours les ondes prisonnières ?
Le voyez-vous parer d'étrangers ornemens
L'enfance de la terre et son premier printemps?
Sans contrainte, sans art, de ses douces prémices
La nature épuisa les plus pures délices.
Des plaines, des côteaux le mélange charmant,
Les ondes à leur choix errantes mollement,
Des sentiers sinueux les routes indécises,
Le désordré enchanteur, les piquantes surprises,
Des aspects où les yeux hésitaient à choisir,
Variaient, suspendaient, prolongeaient leur plaisir.
Sur l'émail velouté d'une fraîche verdure,
Mille arbres, de ces lieux ondoyante parure,
Charme de l'odorat, du goût, et des regards,
Elégamment groupés, négligemment épars,
Se fuyaient, s'approchaient, quelquefois à leur vue
Ouvraient dans le lointain une scène imprévue ;
Ou tombant jusqu'à terre, et recourbant leurs bras,
Venaient d'un doux obstacle embarrasser leurs pas
Ou pendaient sur leur tête en festons de verdure,
Et de fleurs, en passant, semaient leur chevelure.
Dirai-je ces forêts d'arbustes, d'arbrisseaux,
Entrelaçant en voûte, en alcove, en berceaux,
Leurs bras voluptueux, et leurs tiges fleuries?

C'est là que les yeux pleins de tendres rêveries,
Eve à son jeune époux abandonna sa main,
Et rougit comme l'aube aux portes du matin.
Tout les félicitait dans toute la nature;
Le ciel par son éclat, l'onde par son murmure.
La terre en tressaillant ressentit leurs plaisirs ;
Zéphyre aux antres verts redisait leurs soupirs ;

Les arbres frémissaient, et la rose inclinée
Versait tous ses parfums sur le lit d'hyménée.
O bonheur ineffable! ô fortunés époux !

Heureux dans ses jardins, heureux qui, comme vous,
Vivrait loin des tourmens où l'orgueil est en proie,
Riche de fruits, de fleurs, d'innocence et de joie !

Delille. les Jardins, chant. I.

La Fontaine de Vaucluse.

VAUCLUSE, heureux séjour, que sans enchantement
Ne peut voir nul poète, et surtout nul amant !
Dans ce cercle de monts, qui, recourbạnt leur chaîne,
Nourrissent de leurs eaux ta source souterraine,
Sous la roche voûtée, antre mystérieux,

Où la Nymphe, échappant aux regards curieux,
Dans un gouffre sans fond cache sa source obscure.
Combien j'aimais à voir ton eau, qui, toujours pure,
Tantôt dans son bassin renferme ses trésors,
Tantôt en bouillonnant s'élève, et de ses bords
Versant parmi des rocs ses vagues blanchissantes,
De cascade en cascade au loin rejaillissantes,

Tombe et roule à grand bruit; puis calmant son courroux,
Sur un lit plus égal répand des flots plus doux,
Et, sous un ciel d'azur, coule, arrose et féconde
Le plus riant vallon qu'éclaire l'œil du monde !
Mais ces eaux, ce beau ciel, ce vallon enchanteur,
Moins que Pétrarque et Laure intéressaient mon cœur :
La voilà donc, disais-je, oui, voilà cette rive
Que Pétrarque charmait de sa lyre plaintive!
Ici Pétrarque, à Laure exprimant son amour,
Voyait naître trop tard, mourir trop tôt le jour ;
Retrouverais-je encor, sur ces rocs solitaires
De leurs chiffres unis les tendres caractères ?
Une grotte écartée avait frappé mes yeux ;
Grotte sombre, dis-moi si tu les vis heureux,
M'écriais-je un vieux tronc bordait-il le rivage?
Laure avait reposé sous son antique ombrage;
Je redcmandais Laure à l'écho du vallon;

Et l'écho n'avait point oublié ce doux bom.

Partout mes yeux cherchaient, voyaient Pétrarque et Laure, Et par eux ces beaux lieux s'embellissaient encore.

Delille. les Jardins, ch. III.`

Les Mines.

DEJA l'éclat du jour s'enfuit loin de ses yeux ; L'abîme est sous ses pieds, il a perdu les cieux. Il s'enfonce, il poursuit des routes inconnues, De ce monde lointain lugubres avenues. Par leurs noires vapeurs, ces tristes régions De la torche fumante émoussent les rayons. Il entend sous ses pas des pompes frémissantes, De souterraines eaux au loin retentissantes, Inondant sourdement des antres écartés, Ou qui, tombant, roulant, grondant à ses côtés, De rochers en rochers écument et jaillissent, Et d'abîne en abîme enfin s'ensevelissent. Le bruit descend, remonte, et le gouffre en mugit,

A ses regards enfin le gouffre s'élargit ; La voix des travailleurs, de leur prison obscure S'élève jusqu'à lui comme un lointain murmure ; Bientôt un faible jour, du sein de ces tombeaux, S'entremêlant au jour de ces pâles flambeaux, Au terme de ses vœux l'avertit qu'il arrive ; Tel qu'un navigateur qui voit enfin la rive, Il achève sa route, il s'élance, il descend : Déjà, d'un pied léger, il frappe en bondissant Le sol qui des métaux renferme ses semences.

"Salut, antres, rochers, et cavernes immenses, "Dit-il, terre nouvelle, et qui n'as point de cieux ! "Nature, ouvre à mon œil ton sein mystérieux ;

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Dans ton auguste nuit permets que je m'égate...." D'un nouvel Univers on dirait qu'il s'empare. Il y marche à grands pas; il voit, de tous côtés, En labyrinthe obscur, fair de vastes cités, De longs enfoncemens, de noirâtres portiques, Les dômes ténébreux de cent voûtes antiques; Là, des monceaux de roc sur la terre étendus : Là, le front menaçant des rochers suspendus, Et des forêts de troncs, appuis inébranlables, Qui soutenaient au loin ces voûtes formidables; Les chênes, qui jadis s'élançaient dans les airs, Aujourd'hui descendus aux portes des enfers, Tels que de vieux géans, dans une nuit profonde, Semblaient en s'unissant porter le poids du monde.

Des lampes, à travers la vaste obscurité, Répandaient une morne et tremblante clarté : Astres silencieux, dont les rayons funèbres Rendaient visible à l'œil l'épaisseur des ténèbres.

L'espace, en s'enfonçant de détour en détour,
Paraissait s'éclairer, se noircir tour à tour.

Là, le calme et le bruit inspiraient l'épouvante.
Dans un séjour de mort, une cité vivante.
Le cri des longs leviers et des chaînes de fer
Soulevant les fardeaux vers les plaines de l'air,
Le bruit lugubre et sourd de cent roches frappées ;
Les voix par intervalle au silence échappées ;
Les chocs tumultueux, le roulement des chars,
En étonnant l'oreille, étonnnaient les regards,
Et semblaient, de la nuit interrompant les heures,
Du silence éternel agiter les demeures.

Des milliers d'habitans, courbés par les travaux,
Le teint sombre et jauni des vapeurs des métaux,
Fantômes demi-nus, peuplent ce noir empire.
L'un, parmi les poisons du soufle qu'il respire,
Dans l'abîme creusé creuse un abîme encor;
L'autre enlève à la terre un facile trésor.
Là, d'étage en ètage une troupe est montée
Sur les gradins nombreux de la roche argentée ;
Le mineur attentif suit le filon errant,
L'interroge de l'œil; tandis qu'en l'éclairant,
Pétille à ses côtés sa lampe solitaire,
Son œil a reconnu la veine tributaire :
Armé d'un fer aigu, sous le marteau pesant
Il l'enfouce; le roc crie en se divisant,
Et les coups répétés sous une main active,
Font jaillir en débris la richesse captive.

Un autre avec plus d'art, si le fer émoussé
Rebondit sur le roc, au salpêtre pressé
Creuse un canal étroit. Bientôt la flamme brille,
On fuit: le feu serpente et la mèche pétille,
Le salpêtre s'embrase; un long mugissement
Court d'échos en échos, et le rocher fumant
Vers la voûte, en éclats, vole comme un tonnerre,
De la voûte à grand bruit retombe sur la terre.
Le travailleur accourt; et le tranchant ciseau
Du métal enfermé divise le berceau.

Thomas. Pétréide.

Les premières leçons de l'Harmonie.

LA nature dans l'homme éveillant le génie,
Enseigna la première à chercher l'harmonie,
Et les sons différens qui vont frapper les airs,
Tracèrent les chemins jusqu'à l'art des concerts.

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