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trouvaient les pompes et l'agitation d'une cour languissante, auprès des exercices et des travaux d'un peuple libre. Le gouvernement français avait voulu qu'ils reçussent les ordres de Washington: ils étaient fiers d'être subordonnés à un grand homme. Plus ils voyaient de simplicité en lui, plus ils le trouvaient semblable à ces héros de l'antiquité dont Plutarque a tracé la physionomie calme et imposante. Ceux même qui se piquaient le plus de penser en philosophes, voulaient agir en chevaliers.

La petite armée de Rochambeau resta plusieurs mois inactive à Rhode-Island, parce' qu'elle y fut bloquée par l'escadre anglaise ;' mais elle s'y fortifia si bien, que Clinton ne put l'y venir attaquer.

La trahison d'Arnold éclata dans cet in

tervalle. Cet officier s'était trop enivré des louanges et de la reconnaissance de ses concitoyens; il voulut jouir de sa gloire comme s'il n'avait plus rien à y ajouter. Les blessures graves et nombreuses qu'il avait reçues lui prescrivaient un repos momentané: il crut l'ennoblir par un faste excessif. Dès lors il annonça des vices qui étaient rares alors chez les Américains. Tandis que les dangers de sa patrie l'appelaient, soit dans le

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Trahison

d'Arnold.

1780.

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camp de Washington, soit à la défense de la Géorgie et des Carolines, il accepta le poste inactif de gouverneur de Philadelphie. En cessant d'être brave, il cessa d'être citoyen. Arrogant, cupide, couvrant ses dépenses par des spéculations peu honorables, il se plaignait d'être oublié, lorsqu'il s'oubliait lui-même. Le congrès eut deux fois à examiner sa conduite pour des faits de concussion, et parut ne lui épargner une sentence rigoureuse qu'en considération de ses services passés. Irrité comme s'il avait subi une condamnation formelle, il colora d'un prétexte de vengeance une trahison à laquelle il était amené par sa cupidité. Dès que les Anglais eurent connu ses dispositions, ils songèrent au parti qu'ils pourraient en tirer, et eurent la joie de trouver accessible à d'infàmes promesses l'homme qui avait le plus contribué, par son héroïsme, à leur faire essuyer l'affront de Saratoga. Ce n'était pas assez pour lui de passer dans leurs rangs : il consentait à leur vendre le salut de sa patrie.

De tous les forts que les Américains, avaient élevés depuis la guerre, il n'y en avait point de plus important pour eux que celui de West-Point, bâti sur la rivière du Nord. Deux

guer

ingénieurs français, Portail et Gouvion, y avaient fait des travaux distingués. Les Anglais, en l'occupant par surprise, pouvaient se porter rapidement sur les derrières de l'armée de Washington, et, la plaçant entre deux feux, lui fermer toute retraite. Arnold demanda au congrès le commandement de cette forteresse, et l'obtint sans peine. Celur qui s'était montré le plus vaillant des riers américains pouvait-il être soupçonné de perfidie ? Le général Clinton avait chargé de conférer avec lui le major André, jeune homme digne d'une mission plus convenable à la loyauté de son caractère. Celui-ci revenait de cette conférence, portant avec lui le plan de la forteresse et les instructions données par Arnold sur les moyens de s'en emparer. Il était déjà près de rejoindre les siens, lorsqu'il fut rencontré par trois hommes des milices américaines. Il montre un passe-port qu'Arnold lui avait donné sous un nom supposé on le laisse continuer sa route. L'instant d'après, sur quelques vagues soupçons, on le rappelle. Une question insidieuse qu'on lui adresse le fait connaître pour un Anglais : il est arrêté. Des offres d'argent, par lesquelles il s'est en vain flatté de tenter la foi des soldats, n'ont

fait

que déceler l'importance de son grade et celle de sa mission. Ses papiers, qu'on découvre, offrent une preuve manifeste du crime d'Arnold; mais des hommes habitués à prononcer son nom avec reconnaissance doutent de ce qu'ils lisent ce fut là le salut du traître. On n'avait fait aucune

ligence pour l'arrêter, lorsqu'il apprit le malheur de l'officier anglais. Il s'échappa : ún navire le reçut et le conduisit vers Clinton. Il osa exciter, par un manifeste, les guerriers dont il abandonnait les drapeaux, à suivre son exemple. Il écrivit dans ce sens à Washington, oubliant qu'il s'était rendu le dernier des hommes, et que Washington en était le premier.

La découverte de ce complot, sans produire dans l'Amérique ce vif élan de patriotisme que montraient les républiques ciennes après de semblables dangers, rendit des forces nouvelles à une révolution dont les principes languissaient. Le nombre des royalistes, loin de s'accroître, diminua sensiblement, tant chacun eût rougi d'assimiler son nom à celui d'Arnold. Clinton intercéda en vain pour le malheureux André: les guerriers français, quoique touchés du noble caractère et des qualités intéressantes qu'il

déploya près de ses derniers momens, insistèrent pour qu'il fût pendu comme espion. Le supplice d'André rendit Arnold odieux aux Anglais, qui déjà prenaient peu de soin de lui cacher leur mépris. Pour se délivrer d'une situation si cruelle, il obtint d'entrer en campagne; mais il ne fit qu'ajouter à sa honte, en prouvant que les blessures qui avaient servi de prétexte à son inaction ne l'avaient point rendu inhabile aux armes. Il eut la même valeur, mais elle ne fut plus appelée que brigandage.

Revenons en Europe, et voyons quelle était alors la situation intérieure de l'Angleterre, et celle de la France.

Lord North et lord Bute étaient confondus situation inté

de la nature des obstacles qui ne cessaient de

contrarier le plan qu'ils avaient conçu pour étendre l'autorité du roi de la Grande-Bretagne par un nouveau système colonial. << Tous les rois, s'étaient dit ces deux hommes d'État, applaudiront aux efforts courageux de la maison de Hanovre ; ils savent combien est chancelant le trône sur lequel elle est assise. Chacun d'eux pressent aussi les nouveaux périls auxquels le sien est exposé. » L'événement avait tellement démenti leurs espérances, qu'ils voyaient tous les rois ar

rieure de l'Angleterre.

1781.

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