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PRÉFACE

DES ÉDITEURS.

APRÈS

PRÈS le fuccès brillant d'Andromaque, Racine eut le chagrin de voir les Plaideurs & Britannicus, deux ouvrages qu'il avoit travaillés avec foin, ne pas réuffir au gré de fon attente. Britannicus n'eut, dans fa nouveauté, que cinq repréfentations; il fut repréfenté le 1 1 novembre 1669, fur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne. Racine fut trèsfénfible à cette derniere chûte. Dans le dépit qu'il en conçut, il compofa contre fes critiques une préface un peu vive, que nous croyons devoir remettre fous les yeux du public. L'auteur y fembloit montrer un peu d'humeur contre Corneille. Il la fupprima dans la fuite; il crut devoir ce ménagement à fon rival, peut

être crut-il auffi fe le devoir à lui-même ; il fçavoit d'ailleurs que la préfomption n'est point le caractere du vrai mérite. Perfonne n'étoit moins modefte dans fes préfaces que Pradon.

Ce qui caufa la chûte de Britannicus fut peut-être moins l'effet d'une cabale la froideur même de la piece. Une tragédie où il n'y a pas de grands mouvements, où l'intérêt n'eft vraiment tra

que

gique qu'au quatrieme acte, où les caracteres font plutôt marqués par des difcours que par des actions, & dont tout le mérite eft dans la nobleffe du dialogue, dans la vérité de l'expreffion, dans l'élégance du ftyle & la beauté des vers, ne devoit pas produire de grands effets fur la fcene, où ce dernier mérite fur-tout eft le moins apperçu, & où l'on pardonne tout, pourvu qu'on foit attaché par une action naturelle, par une marche rapide, & par des fituations intéreffantes.

Boileau rapporte, fur cette piece, une anecdote. Le rôle de Néron étoit joué par un nommé Floridor, le meilleur comédien de fon fiecle; comme l'acteur étoit fort aimé du public, tout le monde fouffrit avec peine de le voir représenter Néron. On donna ce rôle à un acteur moins chéri des fpectateurs, & la piece s'en trouva bien.

Nous rempliffons ici le deffein que Racine avoit eu de faire un extrait des plus beaux endroits qu'il a imités de Tacite. On croit fatisfaire par-là la curiofité du public.

PREMIERE PRÉFACE

DE L'AUTEUR.

De tous les ouvrages que j'ai donnés

au public, il n'y en a point qui m'ait attiré plus d'applaudiffements ni plus de cenfeurs que celui-ci. Quelque foin que j'aie pris pour travailler cette tragédie il femble qu'autant que je me fuis efforcé de la rendre bonne autant de certaines gens fe font efforcés de la décrier; il n'y a point de cabale qu'ils n'aient faite point de critique dont ils ne fe foient avifés. Il y en a qui ont pris même le parti de Néron contre moi; ils ont dit que je le faifois trop cruel. Pour moi, je croyois que le nom feul de Néron faifoit entendre quelque chofe de plus que cruel. Mais peut-être qu'ils raffinent fur fon hiftoire, & veulent dire qu'il étoit honnête homme dans fes premieres années : il ne faut qu'avoir lu Tacite, pour fçavoir que, s'il a été quelque temps un bon empereur, il a toujours été un très-mé

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