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fer, & qu'on ne peut pas dire, les femmes vous avoient gâté beaucoup.

Quand la modification eft exprimée par un fubftantif précédé d'une prépofition, elle ne doit jamais précéder le participe. On ne dira pas, il nous a avec magnificence traités, quoiqu'on dife, il nous a magnifiquement traités. La raifon de cette différence, c'eft que la modification ne formant qu'une feule idée avec le participe, on ne peut la faire précéder que dans le cas où l'on ne craindroit pas qu'elle fe liât avec le verbe. Or, dans il a avec magnificence, avec fembleroit fe lier au verbe a.

Il nous refteroit à examiner la place des modifications, lorfque l'attribut eft un fubftantif. Mais il vous fera facile de faire ici l'application de ce que nous avons dit en traitant des modifications du fujet: il faut feulement remarquer que les tranfpofitions ne font pas auffi fréquentes avec l'attribut. Quoiqu'on puiffe dire, le téméraire roi de Suede a ruiné fes états, on ne dira pas : Charles XII étoit un téméraire roi. Si je vous rendois compte des vieilles erreurs & de quelques découvertes modernes, je pourrois ajouter en faifant une inverfion: des philofophes anciens ce font-là les abfurdités, des modernes ce font-là les découvertes. Mais je ne pourrois plus faire de tranfpofition fi je difois, l'horreur du vuide est une abfurdité des anciens philofophes, la pefanteur & le reffort de l'air font deux découvertes des modernes ; cependant fi abfurdité & découvertes étoient le fujet des propofitions, je pourrois dire, des anciens les abfurdités font innombrables, des modernes les découvertes font rares. Avec la plus légére réflexion

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fur la liaifon des idées, il ne vous arrivera pas de vous tromper en pareil cas,

Des modifications du vérbe.

Nous avons traité des modifications de l'attri but. Nous n'avons donc rien à dire fur les verbes qui renferment l'attribut, tels que parler, aimer; & il ne s'agit ici que du verbe être.

Les modifications de ce verbe comprennent les circonftances de tems, de lieu, d'ordre, & le degré d'affurance avec lequel on juge. Vous avez vu dans la grammaire, qu'elles peuvent prendre différentes places. Lorfque Maffillon dit:

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confeils agréables font rarement des confeils uti les, & ce qui flatte les fouverains fait d'ordinaire le malheur des fujets:,, il pouvoit commencer la premiere propofition par rarement, & la feconde par d'ordinaire.

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Madame de Maintenon a dit?,, dans le monde tous les retours font pour Dieu, dans le couvent tous les retours font pour le monde. Elle », pouvoit dire: tous les retours font pour Dieu dans le monde, ou encore, tous les retours dans ,, le monde font pour Dieu,,. Ce dernier tour altère un peu la liaifon des idées: l'autre, au-contraire, fuit l'ordre renverfé que Madame de Maintenon a préféré. Vous voyez que le fecond membre de cette période eft auffi fufceptible de diffé#entes conftructions.

Si l'on ajoutoit des modifications au fubftantif
Tome II. Art d'Ecrire.

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monde, elles fe conftruiroient comme nous l'avons dit: mais vous ne pourriez pas les inférer entre le nom & le verbe, & dire tous les retours dans le monde, où tant de chofes nous contrarient, nous dégoûtent & nous ennuient, font ,, pour Dieu.,, Cette conftruction feroit choquante, parce que la liaison des idées feroit altérée.

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Vous fouvenez-vous d'un flatteur qui vous diToit, Monfeigneur étoit déjà bien habile, il y ,, a deux ans ? Déjà & il y a deux ans,, font des modifications du verbe étoit: la premiere ne peut fe déplacer; il n'en eft pas de même de la feconde. Que mon peuple foit bien nourri, je ferai 3, toujours affez bien logé.,, C'eft une des meilleures chofes que Louis XIV ait dites; & c'est dommage qu'on ne puiffe pas l'écrire fur les bâtimens qu'il a élevés. Quoiqu'il en foit, toujours modifie ferai, & ne fauroit être transpose.

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Sans multiplier davantage les exemples, fouvenez-vous, Monfeigneur, que les idées ne font jamais plus liées, que lorfque l'ordre eft direct; & ne vous permettez des inverfions qu'autant que la liaifon demeure la même. Voilà le principe que vous ne devez jamais perdre de vue.

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Des modifications qu'on ajoute à l'objet, au terme au motif.

Si l'objet, le terme, & le motif font des fubftantifs, il faut obferver ce que nous avons dit fur la place de ces fortes de noms.

Mais un fecond verbe peut être l'objet, le terme ou le motif du premier, & il peut avoir lui. même un objet, un terme, ou un motif. En pareil cas l'ordre direct vous fera fentir la liaifon des idées, & vous ne vous permettrez que les inverfions qui n'altéreront pas cette liaison. Un feul exemple fuffira. Les philofophes n'ont pu découvrir la nature du corps, voilà l'ordre direct, vous pour riez faire une inverfion & dire, les philofophes n'ont pas pu du corps découvrir la nature.

Découvrir eft l'objet de n'ont pu: mais ces deux verbes tendent l'un & l'autre vers un objet commun, la nature du corps. Lors donc que vous transportez du corps entre l'un & l'autre, cette inverfion anticipe fur l'objet commun aux deux, & elle les fépare fans diminuer la liaifon. Car l'efprit fent que du corps doit fe rapporter à ce qui fuit: il attend, & auffi-tôt qu'il arrive au mot nature, il lie l'un à l'autre. Voilà pourquoi cette tranfpofition n'eft point contraire à la liaison des idées. Si vous difiez découvrir du corps la nature, vous fépareriez l'objet du verbe, la nature de découvrir, & la construction feroit vicieufe. Racine a dit :

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Celui qui met un frein à la fureur des Aots;
Sait auffi des méchans arrêter les complots.

Les phrafes où il entre un objet, un terme, un motif, &c. avec différentes modifications, renferment ordinairement des propofitions fubordonnées & des propofitions incidentes. Nous traiterons bien-tôt de ces propofitions.

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