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les paffages que j'ai cités. En voici un tiffe de Racine: c'eft Mithridate qui parle.

Ah, pour tenter encor de nouvelles conquêtes,
Quand je ne verrois pas des routes toutes prêtes,
Quand le fort ennemi m'auroit jetté plus bas,
Vaincu, perfécuté, fans fecours, fans états,
Errant de mers en mers, & moins roi que pirate,
Confervant pour tous biens le nom de Mithridate,
Apprenez que fuivi d'un nom fi glorieux,
Par tout de l'univers j'attacherois les yeux ;

Et qu'il n'eft point de rois, s'ils font dignes de l'être,
Qui, fur le trône affis, n'enviaffent peut-être,

Au-deffus de leur gloire un naufrage élevé,

Que Rome & quarante ans ont à peine achevé,

Je ne m'arrêterai pas à diftinguer les périodes, fuivant le nombre de leurs membres. La regle eft la même pour toutes les parties en feront toujours dans de juftes proportions, fi le principe de la liaifon des idées eft bien obfervé.

Mais il y a des écrivains qui, affectant le style, périodique, confondent les longues phrases avec les périodes. Leurs phrases font d'une longueur infupportable. On croit qu'elles vont finir, & elles recommencent, fans permettre le plus léger repos. Il n'y a ni unité ni proportion, & il faut une application bien foutenue pour n'en rien laiffer échapper. Péliffon, tout eftimé qu'il cft, va me fournir des exemples: il en eft plein.

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Les bleffures étoient plus mortelles pour les Maures; car ils fe contentoient de les laver dans de l'eau de la mer, & difoient par une maniere de proverbe où de dit-on de leur

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pays, que Dieu qui les leur avoit données, les leur ôteroit cela toutefois moins par le ,, mépris que par l'ignorance des remedes; car ils eftimoient au dernier point un renégat leur unique chirurgien, à qui, par une politique ,, bizarre, à chaque bleffé de conféquence qui mouroit entre fes mains, ils donnoient un certain grand nombre de coups de bâton, pour le chatier plus ou moins, fuivant l'importance du mort; puis autant de pieces de huit réales, ,, pour le confoler, & l'exhorter à mieux faire à l'avenir.

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Ce n'eft pas une période que fait Pelliffon: ce font plufieurs phrafes qu'il ajoute les unes aux autres & qu'il lie mal. Voici une autre exemple du même écrivain.

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que

Louis XIV ne pouvoit fouffrir la Hollande, élevée, pour ainfi dire, dès le berceau, comme à l'ombre & fous la protection de la France, foutenue en tant de rencontres par ,, les deux rois fes prédéceffeurs, fauvée fraichement par lui-même du plus grand péril qui l'eût jamais menacée, oubliât tant de graces „ reçues, à la premiere imagination d'un mal qu'il n'avoit aucun deffein de lui faire, & fans: fe confier ni à fa bienveillance dont elle avoit ,, tant de preuves, ni à fa parole dont toute l'Eu, rope venoit de reconnoître la fermeté

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trouvât de fureté pour elle qu'à lui faire des ennemis en tous lieux : fonnant la trompette •,, pour la guerre fous le nom de la paix & troublant par avance la tranquillité publique, qu'elle feignoit de vouloir maintenir, non ,, parce qu'elle eut peut-être véritablement à cœur

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l'intérêt commun; mais par une espece de vanité, comme fi c'étoit à elle à régler les rois, ou que fon intérêt feul fût l'unique mefure des chofes ; & que les conquêtes les plus étendues ,, duffent être comptées pour rien, quand elles tournoient d'un autre côté ; mais que tout fut perdu, auffi-tôt qu'on bleffoit en quelque forte fon commerce, ou qu'on gagnoit un » pouce de terre vers fes états. Pelliffon.,,

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Il femble plufieurs fois que Pelliffon va finir, & cependant il continue toujours. Voilà le défaut où l'on tombe, lorfqu'on veut lier enfemble des phrafes qui ne fe lient pas naturellement. Il feroit bien mieux de les féparer par des

repos.

Il y a des écrivains qui s'occupent à entremêler les phrafes longues & les phrases courtes : mais l'efprit qui s'arrête à ce petit méchanifme, n'eft pas capable de fe porter fur le fond des chofes. Si on confidere que les penfées, qui forment le tiffu du difcours, n'ont pas chacune le même nombre d'acceffoires, on jugera que les phrafes feront naturellement inégales, toutes les fois qu'on les aura rendues avec les acceffoires qui leur font propres.

CHAPITRE

CHAPITRE XI

Des longueurs.

DANS tout difcours, il y a une idée par où l'on doit commencer, une par où l'on doit finir, & d'autres par où l'on doit paffer. La ligne eft tracée; tout ce qui s'en écarte, eft fuperflu. Or on s'en écarte, en inférant des chofes étrangeres, en répétant ce qui a déja été dit, & en s'arrêtant fur des détails inutiles. Ces défauts, s'ils font fré quens, refroidiffent le difcours, l'énervent, ou même l'obscurciffent. Le lecteur fatigué perd le fil des idées qu'on n'a pas fu lui rendre sensibles il n'entend plus, il ne fent plus, & les plus grandes beautés auroient peine à le tirer de fa léthargie.

On feroit court & précis fi on concevoit bien & dans leur ordre, toutes les penfées qui doivent développer le fujet qu'on traite. C'est donc de la maniere de concevoir que naiffent les longueurs du ftyle: vice contre lequel on ne fauroit trop fe précautionner & qu'on n'évitera pas, fi on s'écarte des regles que nous avons tirées du principe de la liaifon des idées. Venons à des exemples.

L'Abbé du Bos veut dire que l'imitation ne nous remue, que parce que les objets imités ne nous auroient remués; mais que l'impreffion en eft moins durable, parce qu'elle eft moins forte Voici comment il expofe cette penfée.

Tome II. Art d'Ecrire.

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Les peintres & les poëtes excitent en nous les paffions artificielles, en préfentant des imitations d'objets capables d'exciter en nous des paffions véritables. Comme l'impreffion ,, que ces imitations font fur nous, eft du même genre que l'impreffion que l'objet imité par le peintre ou par le poëte feroit fur nous: com,, me l'impreffion que l'imitation fait, n'eft diffé,, rente de l'impreffion que l'objet imité feroit, qu'en ce qu'elle eft moins forte, elle doit ex,, citer dans notre ame une paffion qui reffemble à celle que l'objet imité y auroit pu exciter: ,, la copie de l'objet doit, pour ainfi dire, exciter en nous une copie de la paffion que l'ob , jet y auroit excité. Mais comme l'impreffion ,, que l'imitation fait, n'eft pas auffi profonde s, que l'impreffion que l'objet même auroit faite... , Cette impreffion fuperficielle faite par une imi station, difparoît fans avoir des fuites durables, ,, comme en auroit une impreffion faite par l'objet que le peintre ou le poëte a imité.,,

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L'embarras des conftructions de l'abbé du Bois, & fes répétitions prouvent les efforts qu'il fait, pour rendre une penfée qu'il ne conçoit pas nettement. Il eft long dans le deffein d'être plus clair, & il en eft plus obscur.

- Cet écrivain avoit des connoiffances, du jugement & même du gout: il eft étonnant qu'il ne fe foit pas fait un meilleur ftyle. Il mérite d'ètre lu pour le fond des chofes : il fera mème utile à ceux qui veulent apprendre à écrire. Il les inf truira par fes fautes, comme un pilote inftruit par fes naufrages. Il fourniroit bien des exemples. Je n'en rapporterai plus que deux

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