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noiffent que la vraie gloire ne peut s'accorder » qu'avec le mérite.,,

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Il n'y a ici que deux légeres négligences: l'une à ces mots, fur les événemens paffes; qui font un fens louche avec fans rien hafarder. Boffuet auroit pu dire: forment, fans rien hafarder, leur jugement. L'autre eft dans louanges qu'on leur donne; car leur eft équivoque: d'ailleurs tout eft parfaitement lié.

Pour vous mieux faire fentir cette liaison, fubftituons d'autres conftructions à celles de Boffuet, & difons:

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,Il faudroit faire lire l'hiftoire aux princes. quand même elle feroit inutile aux autres hom,, mes. Il n'y a pas d'autre moyen de leur découvrir ce que peuvent les paffions & les tems & les conjonctures, les bons & les mauvais confeils. Les hiftoires ne font compofées que des actions qui les occupent, & tout femble y être fait pour leur ufage. Il n'eft rien de plus utile à leur inftruction, que de joindre les exemples des fiecles paffés aux expériences qu'ils font tous les jours, s'il eft vrai que l'expérience leur foit ,, néceffaire pour acquérir cette prudence qui fait bien régner. Par le fecours de l'hiftoire ils for,, ment, fans rien hafarder, leur jugement fur les événemens paffés; au lieu qu'ordinairement ils n'apprennent qu'aux dépens de leurs fujets & de leur propre gloire, à juger des affaires. dangereufes qui leur arrivent. Exposes aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joie que leur caufe la flatterie ; & ils connoiffent que la vraie gloire ne peut s'accorder qu'avec le mérite, lorfqu'ils voient jufqu'aux vices les

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plus cachés des princes, malgré les fauffes louan→ »ges qu'on leur donne pendant leur vie,,.

Par les changemens que je viens de faire au paffage de Boffuet, les phrafes ne tiennent plus les unes aux autres. Il femble qu'à chacune je reprenne mon difcours, fans m'occuper de ce que j'ai dit, ni de ce que je vais dire. Je fuis comme un homme fatigué, qui s'arrête à chaque pas, & qui n'avance qu'en faisant des efforts. Cependant fi vous confidérez en elles-mêmes chacune des conftructions que j'ai faites, vous ne les trouverez pas défectueufes, elles ne pêchent que parce qu'elles fe fuivent, fans faire un tiffu.

Vous pouvez déjà fentir pourquoi vous n'avez pas le choix entre plufieurs conftructions, lorfque vous écrivez une fuite de penfées: quoique vous l'ayez, lorfque vous confidérez chaque pensée féparément. Il ne nous refte plus qu'à examiner comment la liaison des idées eft altérée par les tranfpofitions que j'ai faites.

Il faudroit faire lire l'hiftoire aux princes, est naturellement lié avec iln'y a pas de meilleur moyen de leur découvrir ce que peuvent les paffions: j'ai donc mal fait de féparer ces deux idées & de dire: il faudroit faire lire l'hiftoire aux princes, quand même il feroit inutile aux autres hommes: il n'y a pas de meilleur moyen, &c.

Après avoir remarqué combien l'étude de l'hif toire eft utile aux princes, l'efprit, en fuivant la liaifon des idées, fe porte naturellement fur l'expérience, qui eft une autre fource d'inftruction, & il confidére combien il eft néceffaire de joindre l'étude de l'hiftoire à l'expérience journaliere.

J'ai changé tout cet ordre, &, par conféquent. j'ai affoibli la liaifon des idées.

Boffuet voulant démontrer l'utilité que les princes peuvent retirer des exemples des fiecles paffés. commence par faire voir l'infuffifance de l'expérience, & finit par obferver les fecours que donne l'hiftoire.

Enfin, dans la vue de montrer quels font ces fecours, il expofe d'abord ce que les princes voient dans l'histoire, & il confidére enfuite quelle impreffion elle peut faire fur eux. Tel eft fenfiblement l'ordre des idées : je l'ai entiérement changé. J'ajouterai encore un exemple, que je prends dans Boffuet.

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La reine partit des ports d'Angleterre à la vue ,, des vaiffeaux des rebelles qui la pourfuivoient de fi près, qu'elle entendoit prefque leurs cris & ., leurs menaces infolentes. O voyage bien diffé,, rent de celui qu'elle avoit fait fur la même mer, ,, lorfque, venant prendre poffeffion du fceptre de ,, la Grande-Bretagne, elle voyoit, pour ainfi dire, les ondes fe courber fous elle, & foumet,, tre toutes leurs vagues à la dominatrice des ,, mers! Maintenant chaffée, poursuivie par fes ennemis implacables, qui avoient eu l'audace de lui faire fon procès, tantôt fauvée, tantôt prefque prife, changeant de fortune à chaque quart d'heure, n'ayant pour elle que Dieu & ,, fon courage inébranlable, elle n'avoit ni affez de ,, vent ni affez de voiles pour favorifer fa fuite », précipitée,,.

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Il y a ici une petite faute: maintenant elle n'avoit; il faloit, elle n'a. Il me paroît encore qu'inébranlable eft une épithete inutile. N'ayant que

Dieu & fon courage, dit affez que le courage de la reine eft auffi grand qu'il peut l'être.

Vous voyez d'ailleurs que Boffuet a rapproché les idées qui contraftent, & c'est cela même qui en fait toute la liaison. Elle voyoit, dit-il, les ondes fe courber fous elle & foumettre leurs vagues à la dominatrice des mers. Maintenant chaffée, &c. Sa conftruction n'auroit pas eu la même grace, s'il eût dit: elle voyoit les ondes fe courber fous elle, & foumettre leurs vagues à la dominatrice des mers : maintenant elle n'a ni affez de vent ni assez de voiles pour favorifer fa fuite précipitée : chassée, pour fuivie par les ennemis, tantôt fauvée, tantôt prefque prife, n'ayant que Dieu & fon courage.

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CHAPITRE II

Des inconvéniens qu'il faut éviter pour bien former le tiffu du difcours.

Es idées acceffoires doivent toujours lier les idées principales: elles font comnte la trame qui, paffant dans la chaîne, forme le tiffu.

Par conféquent, tout acceffoire qui ne fert point à la liaifon des idées, eft déplacé ou fuperflu. Bien des écrivains, eftimés d'ailleurs à jufte titre, paroiffent n'avoir pas affez fenti cette vérité.

La Bruyere voulant montrer, d'un côté la néceffité des livres fur les mœurs, & de l'autre le but que doivent fe propofer ceux qui les écrivent, s'embarraffe dans des idées, qu'il démêle tout-àfait mal. On entrevoit cependant une fuite d'idées principales qui tendent au développement de fa penfée, & je vais les mettre fous vos yeux, afin que vous puiffiez mieux juger des défauts où il tombe.

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Je rends au public ce qu'il m'a prêté.

Il peut regarder le portrait que j'ai fait de lui & Se corriger.

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L'unique fin qu'on doive fe proposer en écrivant fur les mœurs, c'eft de corriger les hommes; mais c'eft auffi le fuccès qu'on doit le moins fe promettre.

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Cependant il ne faut pas fe laffer de leur reprocher leurs vices: fans cela ils feroient » peut-être pires.

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