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Saint-Sulpice devint le bal des zéphyrs. Amère dérision du sort!...

En pareil cas, que reste-t-il à faire à ceux qui ont le culte du passé? Il leur reste à reconstituer sur le papier ces archives de la mort et à remettre sous les yeux des vivants ces épitaphes qui non-seulement honorent la mémoire de ceux qu'elles concernaient, mais encore peuvent servir à résoudre plus d'un problème historique. C'est cette œuvre pieuse et si pleine d'intérêt tout à la fois que vient d'entreprendre M. l'abbé Valentin Dufour. Personne, du reste, n'était plus apte à l'accomplir. Le caractère sacerdotal dont il est revêtu et l'érudition profonde qu'il possède en toutes choses, notamment dans ce qui a trait au vieux Paris, impriment à ce travail un cachet particulier et une valeur incontestable.

M. l'abbé Dufour a commencé sa série de monographics par le Charnier de l'ancien cimetière Saint-Paul. Il a bien fait: Après celui des Innocents, c'est un de ceux dont l'histoire est sans contredit la plus curieuse, et pourtant, à peine les annalistes de Paris en ont-ils fait mention. Sous ce rapport donc, l'honorable écrivain a, comme il le dit lui-même, comblé une lacune, réparé un oubli.

Le cimetière Saint-Paul faisait suite à l'église de ce nom qu'il ne faut pas confondre avec l'église des Jésuites, située rue Saint-Antoine, et connue aujourd'hui sous le nom de Saint-Paul-Saint-Louis. L'ancienne église Saint-Paul et son cimetière avaient leur entrée rue Saintl'aul sur l'emplacement actuel du no 34. On pénétrait aussi dans le charnier par la rue Saint-Antoine en traversant un passage à moitié voûté (aujourd'hui le passage Saint-Pierre). Ces deux entrées conduisaient à une grille derrière laquelle se trouvait une allée d'arbres qui coupait le cimetière en diagonale. Quels étaient ces arbres? Parmi eux voyait-on figurer le fameux noyer au pied duquel fut enterré l'illustre Rabelais?

C'est là désormais une énigme, et je crains bien que les charpentiers qui ont abattu ces arbres séculaires en aient emporté le mot avec eux dans la tombe. En effet, l'église Saint-Paul fut supprimée en 1790: Trois ans aprês, elle était dépouillée de toutes ses richesses, ce que le registre de la Commune de Paris constata en ces termes :

« Séance du primidi 24 brumaire an II (11 novembre 1793):

« Les comités révolutionnaires de la section de l'Arsenal, des Droits « de l'homme et de l'Indivisibilité, viennent annoncer au Conseil qu'ils << se proposent de conduire à la Convention tous les ornements et l'ar<«<genterie de l'église Saint-Paul, ainsi que l'arche. Nous porterons « aussi, dit l'orateur, les clefs de saint Pierre; le paradis est ouvert, « nous pouvons tous y entrer

« Le Conseil applaudit à cette opération philosophique et en arrête << mention au procès-verbal. »

En 1798, l'église Saint-Paul et son cimetière furent vendus comme biens nationaux, à la charge par les acquéreurs de fournir, sans indemnité, le terrain nécessaire à l'ouverture de deux rues dont l'une, traversant l'ancien cimetière, devait s'appeler rue Rabelais. Le percement de cette rue ne fut pas exécuté, et c'est seulement en 1851 que le nom du joyeux curé de Meudon fut donné à une rue Rousselet, située entre la rue Montaigne et l'avenue Matignon.

Indépendamment de Rabelais, l'histoire du Charnier de Saint-Paul fait revivre le souvenir d'un autre personnage qui a joué un certain rôle dans notre histoire, je veux parler de l'Homme au masque de fer. C'est là, en effet, que fut enterré, le 20 novembre 1703, en présence de M. Rosarge, major de la Bastille et de M. Reilhe, chirurgien-major du même lieu, le nommé Marchiali, âgé de 45 ans, qui n'était autre que le comte Matthioli, ministre italien, enfermé à la Bastille et connu sous cette désignation qui a intrigué tant d'historiens. Quant à ceux qui pourraient encore aujourd'hui concevoir le moindre doute sur son identité, je les renvoie aux articles qu'a publiés récemment l'Intermédiaire, et notamment à celui signé par mon savant confrère et ami E. Gallien.

Voilà pour l'histoire politique: Voici maintenant quelque chose qui touche à l'histoire littéraire. Dans les épitaphes relatives au cimetière Saint-Paul, M. l'abbé Valentin Dufour a retrouvé celle de Marie Hervé, veuve de Joseph Béjard, décédée le 9 janvier 1670. Cette découverte complète sur ce point les documents qu'on possédait déjà sur la famille de Molière, et pourra peut-être éclaircir le mystère qui plane encore sur la filiation d'Armande Béjard, femme de l'immortel auteur du Misanthrope.

lci, je m'arrête; autrement je me laisserais aller à la fantaisie de reproduire tout ce que M. l'abbé Dufour a consigné dans son travail, et je dépasserais de beaucoup les limites que je suis forcé de m'imposer. Seulement, qu'il me soit permis de dire en terminant, qu'une œuvre de cette nature, remplie de détails aussi curieux, et tirée à un aussi petit nombre, ne peut manquer d'exciter la convoitise des érudits et des véritables amateurs.

Alexandre SOREL.

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CATALOGUE DE M. AUGUSTE DEMMIN:

Ceux des lecteurs du Bouquiniste qui possèdent déjà le Guide de l'amateur de poteries, etc., de M. Auguste Demmin, apprendront avec plaisir que cet auteur vient de publier un Catalogue par ordre chronologique, ethnologique et générique de sa collection, divisé par poteries opaques et sans kaolin, comme terres cuites sans couverte, avec couverte, au vernis minéral et émaillées, grès, terres de pipe, etc., et par poteries kaoliniques et translucides, comme véritables porcelaines à pâte dure et poteries translucides sans kaolin, en faïences translucides appelées porcelaines à pâtes tendres; catalogue qui peut servir de guide pour l'organisation des collections privées et publiques et qui est orné, dans le texte, de quatre-vingt-dix gravures dessinées d'après nature par le céramiste Devers.

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du Guide. Les croquis artistiques rendent parfaitement le caractère des faïences et aident grandement à l'étude de la céramique.

La collection de M. Auguste Demmin, formée en vue de réunir les productions de tous les pays et de toutes les époques de l'art du potier, était fort propre à servir de base à une étude ou, pour ainsi dire, à un cours, dans lequel les écoles des différents peuples doivent être représentées par des types servant d'appui aux descriptions faites pour l'enseignement de la céramique. Nous pouvons dire que l'auteur a pleinement atteint le but qu'il s'est proposé: on voit figurer dans son curieux ouvrage les produits céramiques de toutes les époques, aussi bien ceux des civilisations perdues de l'Amérique et des Indes que ceux de l'Europe.

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Devers

Delf.

Ce dont nous devons surtout féliciter l'auteur, c'est qu'il a su rendre son travail attrayant pour les savants archéologues comme pour les simples collectionneurs; tout le monde trouvera, dans la longue suite de ces belles reproductions céramiques, de quoi faire son profit, puisque ce catalogue raisonné n'est pas uniquement un catalogue; c'est presque un second Guide illustré.

Ernest DUFOUR.

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HISTOIRE DE FLÉCHIER, ÉVÊQUE DE NIMES,

d'après des documents originaux, par M. l'abbé A. DELACROIX, vicaire de la cathédrale de Nîmes, ouvrage orné d'un portrait et d'un autographe de Fléchier. Paris et Nimes, 4865, un vol. in-8 de 648 pages. 750

« Nous aimons aujourd'hui, écrit M. Delacroix, les études qui nous remettent devant les yeux ce monde, hélas ! évanoui de belles et bonnes lettres, de parfaite honnêteté, d'exquise politesse, de haut patriotisme, d'aimable et candide vertu, appelé le xvn° siècle. » C'est là, en effet, un côté très-réel de cette époque qui, du reste, en a d'autres beaucoup moins dignes de cet éloge et de ce soupir de regret. Dans le tableau ainsi esquissé par le savant ecclésiastique, Fléchier assurément fait trèsbonne figure, et le volume que M. Delacroix vient de consacrer à sa biographie rend à l'évêque de Nimes, à l'orateur chrétien, je dirai même à l'homme politique, sa véritable grandeur et toute sa beauté. L'Histoire de Fléchier est écrite dans un esprit de modération qui semble emprunté au caractère du héros, et auquel le clergé méridional ne nous a pas accoutumés.

L'espace nous manque pour raconter, même sommairement, la vie de Fléchier, né à Carpentras le 19 juin 1632, d'une famille noble d'origine, d'abord professeur d'humanités à Draguignan, puis, à l'âge de 20 ans, chargé d'enseigner la rhétorique chez les doctrinaires de Narbonne. En 1644, il vint à Paris, où il trouva un modeste gagne-pain dans les fonctions de catéchiste et où l'accueillirent avec empressement le « silencieux >> Conrart, le duc de Montausier et madame de Sévigné; puis, sous le nom de guerre de Damon, notre futur évêque devient bientôt l'un des ornements de l'hôtel de Rambouillet, où ses poésies latines eurent un grand succès. M. l'abbé Delacroix maintient ses petits vers français dans l'ombre où la postérité les a mis. En revanche, il apprécie son talent de prosateur en termes qui méritent d'être cités : « L'admirateur judicieux de Balzac accepta l'innovation littéraire, mais sans brûler ce qu'il avait adoré la veille. Il chercha un moyen terme entre Pascal et Balzac, La Rochefoucauld et Montaigne, et c'est dans cette transaction si conforme à son caractère que consiste la part d'originalité qui lui revient. » Et plus loin : « Fléchier a été le plus grand ouvrier en style de ce temps-là, mais il n'a été qu'ouvrier : il a eu de la main, pour ainsi parler; il a manqué de génie. »

Les sermons de Fléchier ne commencent que vers 1672; il avait alors quarante ans.

Précepteur, en 1662, du jeune Caumartin, dont le père, plus tard ministre, était alors maître des requêtes; il accompagna celui-ci, trois

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